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Critique de SimonBrenncke


La race humaine menaçait de s'exterminer et les AnimauxVilles l'ont sauvée en dispersant les grandes tribus dans des différents coins de l'univers. L'effet n'était pas comme souhaité. Loin de prendre recul à leur conflits grâce à la distance et de s'approcher ensuite sereinement sur un pas diplomatique, les Rameaux ont exacerbé l'évolution de leurs traits séparatifs. le gouffre entre les différentes parties de l'humanité s'est élargi davantage, il règne la méfiance et le racisme entre eux et les Mécaniciens ont conçu un plan pour assujettir les autres trois Rameaux ainsi que les AnimauxVilles.

Une supernova s'annonce, singularité qui fait effondre le Ban sur un point infime avant qu'il ne se déploie à nouveau dans l'explosion cosmique successive. le Ban est le réseau qui sous-tend l'univers et dont les points nodaux servent aux AnimauxVilles pour se déplacer. Les Mécaniciens, avec l'aide d'une AnimalVille aux intentions peu claires, ont réussi à construire un vaisseau stellaire qui peut chevaucher sur le Ban. Avec ce vaisseau en état opérationnel, les Mécaniciens seront capacités de se libérer de la dépendance aux AnimauxVilles pour le transport galactique. Il leur sera possible d'atteindre les planètes des autres Rameaux qui, face aux prouesses guerrières des Mécaniciens, seront réduits à l'esclavage. En plus, les Mécaniciens veulent intervenir directement dans le cataclysme de la supernova et altérer le déploiement du Ban, en sorte que les AnimauxVilles ne puissent plus l'utiliser pour leurs sauts dans l'espace. En bref, les Mécaniciens ambitionnent la domination absolue du cosmos.

Le roman, malgré son long développement, maintient en réveil l'intérêt du lecteur pour la trame qu'il échafaude. Il achève d'intégrer l'ampleur de la conception de son monde et les univers personnels des caractères principaux.
Dans la première moitié du roman, le lecteur est conduit aux mondes des différents Rameaux et apprend à connaître la constitution civique et politique de ces mondes, ainsi que les personnages centraux qui vont influer sur le déroulement de la deuxième moitié du livre. Celle-ci s'appelle « Les Retrouvailles » et chronique le spectacle extraordinaire que les AnimauxVilles ont préparé : la réunion des représentants de la humanité dispersée. Les Retrouvailles sont, principalement, la grande réunion pour les AnimauxVilles. Pour un motif qui déjà échappe à leur mémoire, elles se réunissent chaque fois que le Ban se replie sur lui-même dans une étoile qui se consume, et elles assistent à la reconstitution du Ban dans l'explosion qui s'ensuit. Et pour un motif que lui aussi n'est pas détaillé, ils tiennent à ce que les humains soient également sur place quand la singularité se produite.

Quoique « Étoiles Mourantes » est situé dans le même univers des AnimauxVilles que son prédécesseur chronologique, « Étoiles Mortes », les deux histoires sont complètement différentes sur les plans stylistiques et sémantiques. « Étoiles Mortes » offrait une vue très intime de cet univers, depuis une perspective artistique, avec un narrateur à la première personne qui enchaînait des perceptions fortement subjectives, parfois même elliptiques, et pétillant de sous-entendus. le monde de « Étoiles Mortes » était vraiment le monde de ce narrateur, Closter, avec toutes les limitations que cette vision uniquement focalisée sur lui a signifiées pour la connaissance que le lecteur pouvait acquérir des AnimauxVilles.

Correspondant à la vaste conception de l'histoire de « Étoiles Mourantes » les auteurs ont choisi d'abandonner le discours autodiégétique et ils ont introduit le classique narrateur hétérodiégétique, ou auctorial, qui est doué d'omniscience. En même temps, c'est la focalisation zéro qui caractérise le roman – c'est-à-dire, l'histoire n'est pas raconté depuis le point de vue d'un seul caractère, ou des quelques caractères sélectionnés, mais le narrateur peut potentiellement relater tous les sentiments et pensées des agents, et c'est cela ce qu'il fait. Donc, il se trouve aussi des scènes avec des changements de focalisation rapides entre les participants aux événements.

Le roman pèche par une sorte d'ivresse d'omniscience.
Closter jouissait d'une relation exceptionnelle avec les AnimauxVilles. Sa sensibilité artistique lui permettais de se communiquer avec eux, mais cette communication était fortement imprégnée du poétique et ne se réduisait point à des causeries d'ordre quotidien. On se rappellera Closter se retirant les chaussures, marchant pieds nus sur l'épiderme des rues des AnimauxVilles pour capter les vibrations du caractère d'une ville. En « Étoiles Mourantes » les Villes parlent. Plus encore, elles bavassent. À maintes reprises elles se glissent dans la conscience des agents principaux et commentent leurs actions, répondent aux questions, relayent des messages à d'autres personnes. Il paraît que le pouvoir des Villes pour dénicher les pensées des agents est illimité, et de ce fait il est surprenant lorsqu'elles manifestent des ignorances. « Elle savait qu'aucun AnimalVille n'était capable de percer les secrets de la conscience et du subconscient humains », mais le lecteur a la forte impression que les AnimauxVilles ne font rien d'autre tout au long du texte. « Non, tout compte fait, je crois que je ne te comprends absolument pas », capitule la Ville Turquoise face au comportement altruiste d'un Mécanicien, malgré ses millénaires d'existence et sa connaissance intime des pensées d'hommes et de cet homme en particulier. Peut-être les auteurs ont-ils souhaité garder une barrière d'incompréhension, et ainsi de mystère, entre les humains et les Villes, mais le lecteur ne peut plus y croire, puisqu'ils ont déjà écarté cette barrière en transformant les Villes en une sorte de conscience sempiternellement en relais, un super-ego indiscrètement loquace : « Il débita d'un trait son insupportable vérité » – les Villes ne s'en lassent jamais.

Les Villes se humanisent, ils perdent tout à fait l'étrangeté mythique qui gardaient leurs actions en suspens dans « Étoiles Mortes ». Et non seulement les Villes s'entretiennent familièrement avec les agents humains, mais en plus le lecteur devient auditeur de leurs conversations entre eux, où, encore une fois, leurs traits très humains, comme l'ignorance des faits qu'elles devaient savoir, confondent le lecteur frappé par l'incongruité. Dans une scène les Villes Noone et Turquoise échangent leurs idées sur la structure de l'univers et Noone prouve être la mieux renseignée – « Cet univers a une fin. [sic!] Turquoise » – parce qu'elle est la seule Ville qui n'ait pas choisi d'oublier la raison du rassemblement des AnimauxVilles autour des supernovæ.

Étrangement, dans le dialogue des Villes se mêlent aussi des informations exclusivement à l'adresse du lecteur, comme quand Noone explique : « Certains d'entre eux [les humains] ont pourtant compris que l'univers est cyclique et instable, et que les alephs sont tous interconnectés. Ils savent que, lors des explosions d'étoiles, il se crée un attracteur à l'échelle du Ban. » etc. Au moins les auteurs ne poussent pas l'ignorance de Turquoise au point qu'il ne lui serait pas permis de répondre comme il le fait effectivement : « Je connais cette théorie […] Et alors ? »
La focalisation interne sur les caractères principaux se réalise jusque dans le discours indirect libre et des interjections d'un discours immédiat, sans intervention apparente du narrateur : «La dernière nanotechno, hyperstable, un coefficient de redondance multiplié par mille, promisjurécraché ; mon cul, oui ! » Mais les apparences trompent. Malgré que l'action est racontée depuis les points de vue des personnages centraux, ils ne deviennent pas intimes au lecteur. En comparaison avec le contact direct qu'on a eu avec la personnalité de Closter, ils restent même infiniment éloignés. Il y a des raisons pour cela. Premièrement, après que les personnages ont été introduits dans la première moitié du roman, on aurait pu s'attendre à l'approfondissement de leurs traits dans la dynamique de leur interaction lors des Retrouvailles. Mais non seulement des éléments propres à eux faussent la spontanéité de leurs relations, comme les armures des Mécaniciens ou le Réseau de la Connecté Nadiane – plus encore, c'est le babillage des Villes, ou de l'esprit qui habite une Ville (Marine), qui s'immisce impunément en leur discours intérieur et le mine d'un double-fond. Piégés dans ce fond, les personnages perdent leur propres caractéristiques, l'omniscience des Villes les engouffre. Et les Villes mêmes n'apparaissent point comme des personnalités distinctes, parce que leur voix est à plusieurs reprises infestée par le narrateur omniscient. Son omniscience se multiplie en eux. Leur ignorance des faits spécifiques paraît si étrange au lecteur parce qu'il les a déjà confondus avec la voix du narrateur omniscient. Pourtant, ce narrateur reste à part, il commente rarement en intervention directe, mais sa présence se fait insinuante quand des monologues explicatives des caractères, ou des dialogues entre eux, ont visiblement aucune autre fin que d'informer le lecteur sur ce qu'il ne sait pas encore. Pourtant ce narrateur ne hante pas le roman comme un spectre, il parle. Par exemple, dans l'échange mentionné entre les deux Villes, on pourrait d'abord se surprendre que leur langue est directement intelligible pour le lecteur humain. le narrateur omniscient, allant au-devant de la surprise, avoue son travail de traduction : « Retranscrit en termes humains, toutefois, cela [l'entretien] se résuma ainsi : » etc. le narrateur parle aussi lui-même quand, dû à la nature des événements qui ne peuvent pas être présentés par les caractères, il ne peut pas s'approprier de leur discours pour relater ce qui se passe : « Au sein de l'étoile primaire, dans la masse centrale constituée de noyaux de fer dégénérés, les énergies avaient atteint des proportions inimaginables. » etc. Au moment culminant du récit, le narrateur se fait même philosophe : « C'était un magnifique et inutile exemple de perfection, comme l'humanité elle-même. »

L'accès aux personnalités du roman, accès si douloureusement ouvert à l'âme de Closter en « Étoiles Mortes », est bloqué ici par la voix du narrateur omniscient qui mêle ses propres énoncés et explications aux pensées des caractères et se reproduit aussi dans les AnimauxVilles, qui font la même chose que lui, mais s'aidant en toute impunité de leur poids charnel. Une relation de coeur à coeur avec les personnages est interdite au lecteur, ils perdent leur authenticité à mesure que le narrateur omniscient s'approprie d'eux pour les rendre ses porte-parole.

La transformation des Villes, des phénomènes guère déchiffrables en demi-Dieux bavardes, est symptomatique pour un changement éminent qui a subi l'univers des AnimauxVilles par rapport à « Étoiles Mortes ». La connexion de Closter aux Villes était établie par une sensibilité artistique ouverte à la riche gamme des perceptions sensuelles. À travers la vision de Closter, l'univers des AnimauxVilles, son univers, devenait un champ de finesses sensorielles qui se livrait à l'exploration du lecteur. Mais en « Étoiles Mourantes » la sensibilité somatique a été brutalement bousculée par une voracité charnelle. Il y a des scènes de combat qui dégénérèrent « en une vulgaire formalité de boucherie ». le Mécanicien Tecamac découvrit le statut exceptionnel de son armure en copulant avec une Geisha, scène que les auteurs ne se privent pas de rapporter en tout détail. Apparemment, il fallait aussi que la relation de la Connectée Nadiane avec son frère soit incestueuse pour être profonde. Et bien sûr, les AnimauxVilles, lors des Retrouvailles, ne peuvent s'adonner qu'à une seule activité : « […] la sexualité des AnimauxVilles relève essentiellement de la mécanique céleste ! » Quand Noone et Turquoise s'accouple, le narrateur note dûment : « le contact intime de leurs chairs, face à face, éliminait les mensonges et les sous-entendus. » Pourtant, il n'y avait pas de supercherie dans la réceptivité sensuelle de Closter non plus ; et si, pour préserver les sous-entendus, pour éviter que les Villes deviennent des érotomanes radoteurs, il avait fallu garder la sensualité dans des certaines limites, ceci aurait été un prix facile à payer.

L'intrigue du livre est bien tissée, l'action vibre de suspens, les caractères, malgré éloignés, ne manquent pas en complexité. Il y a toujours des moments d'incertitude qui incitent à continuer la lecture. Évidemment il aurait été un délit bizarre en disproportion, donner moins de quatre étoiles au roman.
Mais le roman est une déception pour tous ceux qui connaissent le prédécesseur, et l'aiment autant que moi. Il faut concéder que le texte de « Étoiles Mourantes » est plus abordable, et ceci en large mesure grâce à la substitution d'un narrateur auctorial à la vision intime d'un artiste en première personne. Mais comme fan de « Étoiles Mortes » on ne peut qu'être outré par comment la substitution a été grossière. Investissant le livre avec mes expectations nourries par la lecture de l'aventure de Closter, je perçois en « Étoiles Mourantes » tout ce qu'il aurait pu être, et ce qu'il n'est pas. « Nadiane éprouva une soudaine bouffée de nostalgie en songeant à l'époque où les objets n'étaient ni des symboles, ni des codes, mais de simples présences opaques ou lumineuses ». Moi aussi j'ai songé avec mélancolie aux moments quand Closter pouvait encore s'abandonner au jeu des excitations des sens sans que cette sensibilité fluctuante débouche d'abord sur un sensualisme stérile pour ensuite se figer dans les codes de la littérature sensationnaliste, la violence et la chair. Moi aussi j'ai songé aux temps quand les présences opaques ou lumineuses de l'esprit de Closter se révélaient à moi, sans que la vision du caractère focalisé soit parasité par le didactique scientifique, moral ou autrement explicatif d'un narrateur indécemment auctorial. En effet, le frère de Nadiane « avait donné une épaisseur aux apparences et elle sut qu'un jour viendrait où elle lui en voudrait pour cela ». Pour moi le jour est déjà venu. Je vous en veux pour cela, Monsieur Dunyach.


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