AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,56

sur 528 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsque parut le livre "La jument verte", on critiqua beaucoup l'écriture de Marcel Aymé et il obtint une réputation d'écrivain salace.
Chronique amoureuse et familiale, qui s'étend à la fin du second empire à la période du boulangisme, est entrecoupée des réflexions de la fameuse jument verte (élément fantastique qui met le réel en relief). La campagne et les moeurs rurales sont évoquées avec une gaillarde bonne humeur, simplicité et naturel. L'auteur mêle réalisme et poésie, et joint à une connaissance réelle du monde paysan, de ses querelles, de ses clans, de ses haines et de son existence rythmée par les saisons, des dons d'observateur lucide et une psychologie compréhensive des hommes mais sans illusions.
Les narrateurs se succèdent : la jument puis un narrateur externe. Les changements de focalisation sont prévenues par un "les propos de la jument", personnage intérieur à l'histoire qui nous apporte des faits qu'elle seule a pu voir! C'est dans ces passages que l'on trouve un bon nombre de passages érotiques sur la manière dont la famille Haudoin faisait l'amour.
Heureusement, le livre ne comporte pas tout le temps ce genre de réflexions qui ne sont nullement indispensables à la compréhension du livre. L'auteur aurait pu s'en passer. C'est dommage car cela enlève un peu le charme de cette famille et de leurs soucis.
Commenter  J’apprécie          299
"La Jument Verte", qui consolida définitivement la réputation de Marcel Aymé lorsqu'elle sortit, en 1933, doit son titre à un tableau, fait d'après nature par le grand peintre Murdoire, de la jument à la robe verte née, au milieu du XIXème siècle, à la ferme Haudoin.
De génération en génération, le tableau a abouti chez Ferdinand Haudoin, le second fils de Jules Haudoin, lequel le lui a légué pour équilibrer la part d'héritage qu'il lui laissait. Vétérinaire et petit-bourgeois, Ferdinand n'est pourtant pas à plaindre. Econome de ses pulsions sexuelles comme de son argent, il est, et de loin, le plus riche des trois frères Haudoin. Il a même racheté à son frère, Honoré, la ferme que lui avait laissée leur père.
Comme il en a laissé la jouissance à Honoré et à sa famille, Ferdinand s'y rend régulièrement le dimanche, avec sa femme et ses trois enfants. Il faut dire que jamais il ne s'est désintéressé de son petit village natal de Claquebue où, en ce début de la IIIème République, les affrontements en cléricaux et anti-cléricaux battent leur plein.
En principe, Ferdinand est républicain et anti-clérical. Mais pour complaire au député Valtier, dont il espère des merveilles pour la réussite de son aîné, Frédéric, il se met en tête de convaincre Honoré - authentique et farouche anti-clérical, celui-là - de favoriser l'élection à la mairie de Claquebue de leur veil ennemi familial : Zèphe Maloret, anti-républicain et clérical notoire.
Hors de lui, Honoré se décide alors à expliquer à son cadet les raisons qui l'ont poussé à exacerber plus encore les antiques rancoeurs familiales - des raisons qui ne touchent pas moins qu'à l'honneur de leur propre mère, contrainte de céder à un soldat prussien du fait d'une dénonciation faite, au temps de la guerre de 1870, par Zèphe Maloret en personne.
Ferdinand rentre chez lui, rongeant son frein et, après un vague débat intérieur, éprouve le besoin d'écrire à son aîné pour tenter une fois de plus, de le convaincre. Pour mieux appuyer sa thèse, ne voilà-t-il pas qu'il a l'idée d'évoquer dans sa lettre la tragique infortune de Mme Haudoin Mère ...
... et ne voilà-t-il pas que, suite à une distraction passagère du brave facteur Déodat, la lettre du vétérinaire disparaît mystérieusement ...
Qui a bien pu s'en emparer ? Et dans quel but ? ...
L'un des meilleurs textes de Marcel Aymé, fin, matois et supérieurement construit, à peine saupoudré çà et là d'une verve typiquement gauloise qui, à l'époque de la parution, dut en émoustiller plus d'un. Un roman chaleureux et bon enfant, où défilent des personnages truculents en diable et où s'affirme, une fois de plus, la confiance inébranlable - quoique parfois cynique - de l'écrivain en la nature humaine. ;o)
Commenter  J’apprécie          180
Il y a plusieurs Marcel Aymé, tous intéressants, dont plusieurs sont même indispensables : passons sur l'essayiste et l'auteur d'articles, assez peu connu, (à tort, peut-être), et attardons-nous sur le romancier, le nouvelliste et le dramaturge. Des trois, c'est dans ses Contes et nouvelles qu'excelle Marcel Aymé : le format court et demi-long lui convient parfaitement pour saisir une atmosphère, y coller une histoire particulière, ironique la plupart du temps, teintée d'un fantastique du quotidien (qui devrait nous étonner mais que nous acceptons comme normal dans cet univers fantaisiste) et parsemée d'éclats de tendresse (citons pour mémoire « le Passe-muraille » (1943) ou « le Vin de Paris » (1947), mais tout est à lire. Rattachons à cette veine les délicieux « Contes du Chat Perché » (1934-1946), où le sarcasme s'atténue au profit de la magie de l'enfance. le dramaturge est également de première force « Clérambard » (1950) et « La Tête des autres » (1952) sont deux chefs-d'oeuvre. le romancier a semble-t-il un peu plus de mal. Question de format peut-être. Il ne s'agit pas du sujet, toujours intéressant et fascinant par son regard aigu, sarcastique, parfois destructeur sur les travers de l'âme humaine. Marcel Aymé sait dépeindre avec un réel bonheur la ville et la campagne, la bourgeoisie et les prolétaires, les pauvres et les nantis. Il sait démolir les préjugés, et replacer ses lecteurs devant un passé pas toujours exemplaire (la cruauté et la crudité de ses descriptions lui vaudront à la fois l'inimitié de la critique et l'enthousiasme du public). Mais le rythme s'essouffle au bout de quelques chapitres, il s'alourdit de considérations plus ou moins intellectuelles qui font que l'intérêt peu à peu se relâche.
« La Jument verte » en est l'exemple type : le début du roman est assez emballant : Marcel Aymé campe son histoire dans un décor à la fois onirique et ironique, tout en restant franchement (et franchouillardement, pour ne pas dire paillardement) réaliste. Puis, au fil des pages, l'humour s'étiole devant l'accumulation de scènes salaces que seules la fantaisie et la satire maintiennent à peu près à flot. Heureusement, il y a le style de Marcel Aymé : c'est un style de chroniqueur gai : un journaliste-humoriste qui ferait un papier sur les moeurs campagnardes : parfois drôle, parfois hilarant, parfois lourdingue, il laisse apparaître en filigrane une certaine vérité paysanne, terrienne et matoise, très souvent calculatrice. Souvent, on n'a retenu de la « Jument verte » que le côté paillard et salace. On peut y trouver aussi l'amour de Marcel Aymé pour sa terre natale, cette Franche-Comté où il placera plusieurs de ses romans et nouvelles. le monde rural, à l'époque décrite, est un microcosme où les passions politiques et religieuses se déchaînent. Pour un dynamiteur comme notre auteur, c'est une aubaine. Et cette idée de génie de faire de la Jument verte le témoin de ces Géorgiques orgiaques :
« Au village de Claquebue naquit un jour une jument verte, non pas de ce vert pisseux qui accompagne la décrépitude chez les carnes de poil blanc, mais d'un joli vert de jade. En voyant apparaître la bête, Jules Haudouin n'en croyait ni ses yeux ni les yeux de sa femme ».
Marcel Aymé reste un très bon écrivain : je vous rassure, on arrive quand même au bout du livre. L'écriture de l'auteur maintient l'intérêt, ou du moins un suivi souriant d'une intrigue pas piquée des hannetons.
Quand vous en aurez fini avec Marcel Aymé (c'est pas demain la veille), voyez du côté de René Fallet, c'est son héritier direct.
Commenter  J’apprécie          110
A ma cousine Maryse, sublime paysanne gironde, mon ainée de 15 ans a su me parler de sexe sans tabou et du plaisir jovial que l'on y trouve.
A Françoise, fille de paysanne, mon premier émoi palpitant. Lorsqu'elle dansait, elle offrait toute sa chair, toute sa joie, tous son désir sans fard ni pudeur. Elle appelait un chat un chat et aimait aimer le rire aux lèvres.
Toutes deux merveilleuses quand elles conduisaient les vaches aux champs et aimaient à parler de la vie !

Tout ce monde, je l'ai aussi trouvé dans la « jument verte », ce monde rural, vivant au cœur d'une nature naturelle, sans pudeur. Ce livre redonnait l’expérience du plaisir aux petites gens malgré le calotin, le bourgeois et le pouvoir !
Commenter  J’apprécie          63
La jument verte/Marcel Aymé
C'est un drôle de village que ce Claquebue évoqué par Marcel Aymé, illustré joyeusement par cette famille Haudouin obsédée par tout ce qui a un rapport proche ou lointain avec le sexe.
Claquebue, un hameau où règne un hédonisme bon enfant ou presque, où les convictions sincères religieuses ou politiques naissent dans le bas ventre et où par contre celles qui poussent dans la cervelle ne sont que calculs et ruses provisoires qui n'engagent ni la haine ni l'amitié.
Tout commence vers 1886 quand un beau matin, Jules le père découvre à sa ferme qu'est née une jument verte, oui verte !
Sur un ton badin teinté d'humour et de cynisme, dans un style alerte, facile et spirituel, usant avec délice de la métaphore, l'auteur nous conte cette vie de famille paysanne dont le fils Honoré, homme amoureux de la glèbe, vit avec tendresse des amours agrestes ou bucoliques, au choix, et Ferdinand son frère vétérinaire dans le pécher virtuel avec une mesquinerie et une hypocrisie sans pareilles.
Publié en 1933, ce roman merveilleux recourt à l'allégorie d'une jument verte, ce qui est quand même assez extraordinaire, pour nous exposer en toute simplicité et sans détour, mais toujours avec pudeur, le côté libidineux des personnages mis en scène.
« …Et le prêtre voyait le pécheur, accablé, resserré par la triste peur, traversant Claquebue et semant parmi les villageois la sainte méfiance de la chair qui est la première marche du paradis. Sur des âmes comme celle de Ferdinand, l'on était sûr de travailler avec un bénéfice apostolique, et pour ainsi dire sans effort. »
Aucune des petites turpitudes des uns et des autres, enfants et adultes ne nous est épargnée. Un délicat parfum de sensualité et d'érotisme discret émane de ces pages d'une grande finesse.
« On se racontait que Maloret dépucelait ses filles, mais l'histoire n'intéressait plus, depuis cent ans qu'elle courait…Il faisait un joli printemps sur la campagne, l'Empereur en était tout ragaillardi. Il admira beaucoup la maîtresse de maison qui avait un charme agreste et une poitrine de l'époque ... »
Tout cela sous le regard attendri de la jument verte encadrée depuis des lustres au dessus de la cheminée du salon, laquelle nous livre ses réflexions posthumes :
« Il se pratiquait à Claquebue quatorze manières de faire l'amour, que le curé n'approuvait pas toutes…Le jeu des préférences, les pudeurs d'une épouse, ou l'autorité du mâle, faisaient prévaloir telles manières- une ou deux- et rejeter dans l'oubli des acquisitions récentes, parfois même des traditions sur lesquelles une famille vivait depuis cent ans… »
« Dans la maison d'Honoré, l'amour était comme le vin d'un clos familial ; on le buvait chacun dans son verre, mais il procurait une ivresse que le frère pouvait reconnaître chez son frère, le père chez son fils, et qui se répandait en chansons du silence. »
Un roman délicieux à savourer mot à mot.

Commenter  J’apprécie          30
Superbe boue il!!!
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (3255) Voir plus



Quiz Voir plus

Marcel Aymé

En quelle année est né Marcel Aymé?

1880
1897
1902
1910

10 questions
60 lecteurs ont répondu
Thème : Marcel AyméCréer un quiz sur ce livre

{* *}