En ce début d'année, un pavé est tombé dans ma mare.
Tous les contes et nouvelles de Marcel Aymé réunis en un seul volume ...
Quel bonheur de lecture !
Comme pour Jules Romains, j'ai une tendresse particulière pour Marcel Aymé.
Mais il me semble déjà l'avoir écrit ... La mémoire parfois me fait défaut.
La nouvelle est un format qui va à Marcel Aymé comme un costume élégant et bien coupé.
Le roman, et le théâtre, pourtant, lui vont tout aussi bien.
Rare et précieux sont les écrivains qui se jouent du format pour ne forger qu'une seule belle et profonde littérature.
"Et le monde continua"
Le recueil s'ouvre sur sa plus ancienne nouvelle, écrite en 1927.
Toute la triste et belle condition humaine y est résumée en quelques mots :
Au tribunal suprême, Dieu le Père et le Prince des ténèbres sont finalement tombés d'accords ...
"Que les hommes de la terre regagnent leurs cités et leurs labours.
Le monde continue" ...
Le fantastique est ici souvent conjugué dans le plus routinier des quotidiens.
"Nouvelles complètes" contient 105 nouvelles.
Elles y sont présentées dans l'ordre chronologique de leurs publications, qui correspond presque à leurs ordres d'écriture.
Et sont incluses, le cas échéant, dans leur recueil d'origine : "Le puits aux images", "Le nain", "Les contes du chat perché", "Derrière chez Martin", "Le passe-muraille", "Le vin de Paris" et "En arrière".
Les nouvelles reprises dans le recueil posthume "La fille du shérif" sont dispersée ici suivant leurs ordres de publication.
Voilà pour l'articulation du volume.
Lire, ou relire, les nouvelles de Marcel Aymé, c'est, bien sûr, plonger dans un imaginaire à la fois lucide et saugrenu, tendre et moqueur, étrange et quotidien.
C'est se plonger dans la plus fine des littératures, mais c'est aussi mieux apercevoir l'homme derrière la plume.
Car, il a été dit et écrit beaucoup de choses.
L'on a évoqué, ici ou là, une prétendue naïveté de l'écrivain, de supposées opinions politiques ...
Concernant ces dernières, il semblerait que Marcel Aymé, indifférent au support, ait publié dans la presse de droite, d'extrême droite et de gauche.
Et surtout, le lecteur attentif retrouve partout parsemée dans son oeuvre l'incrédulité amusée que ressent Marcel Aymé envers la politique et la religion.
S'il y a du monde que ça impressionne", écrit-il dans "Knate", "moi, j'en suis revenu, et pas d'hier matin" !
Quand à la prétendue naïveté que d'aucuns ont pu porter au grand écrivain ... quelle blague !
C'est confondre la mare à canard avec l'océan lorsqu'il se montre bonhomme et, pour un temps, cache sa puissance et son étendue ...
Ces « Nouvelles complètes », comme l'indique le titre, sont un recueil exhaustif de plus d'une centaine (105 au total) de textes du grand auteur malheureusement un peu tombé dans l'oubli aujourd'hui. le lecteur y trouvera surtout l'ensemble des nouvelles publiées entre 1927 et 1967, mais également nombre de jolis contes dont les fameux « Contes du chat perché » qui font encore les délices des enfants dans les diverses versions illustrées que l'on peut trouver en librairie.
Marcel Aymé était un esprit curieux, indépendant et malicieux et par certains côtés, émule de Jean de la Fontaine. Tout comme l'homme des fables, il sut faire parler les animaux et même oser les rendre un tantinet précieux car les siens ont de la culture, ils ont appris à lire et peuvent en remontrer aux enfants. Humour léger, poésie et même une certaine forme de morale ou de philosophie latente parsèment ou illuminent cette oeuvre aussi brillante que non conformiste. Inutile de préciser qu'aucun de ces textes n'a pris la moindre ride et que le plaisir est partout présent.
De la lecture de ces textes courts mais soigneusement ciselés, ressort partout un grand amour de l'humanité et particulièrement des petites gens, Monsieur et Madame Tout le monde qui sont toujours croqués avec finesse et causticité mais sans aucune méchanceté. Et, par la grâce de ce démiurge bienveillant, toutes ces existences très ordinaires basculent à un moment ou à un autre dans un fantastique léger et bon enfant. L'un des personnages traverse les murs, un autre se retrouve en train d'arborer une bien encombrante auréole et un dernier se voit soudain doté du don d'ubiquité. Suivant l'ordre chronologique (très intéressant pour suivre l'évolution d'une production littéraire complète), cette somme ravira les inconditionnels de Marcel Aymé et pourra sans peine servir d'introduction à celles et ceux qui feront l'effort de le découvrir ou de le redécouvrir.
Il m'aura fallu 8 mois pour venir à bout de ces 1354 pages de nouvelles, de Marcel Aymé, en alternant d'autres lectures, bien sur !
Le problème avec les nouvelles, étant donné qu'elles sont courtes et en nombre, c'est qu'il n'en reste pas grand chose, arrivé à la fin du livre. Certaines m'ont marqué plus que d'autres quand même, tout particulièrement "les contes du chat perché", même si ce ne sont pas mes préférées.
Mais il faut avant tout saluer l'imagination et l'audace de Marcel Aymé.
Je suis curieux de découvrir l'adaptation de la nouvelle "Héloïse", où un homme se transforme biologiquement en femme, tous les soirs à 20h00 jusque 8h00, le lendemain matin ! Adaptée par Pierre Tchernia avec Michel Serrault.
On peut, bien sur ,taxer Marcel Aymé d'une certaine forme de naïveté, il n'empêche que pour l'ami du" meilleur ami de l'homme" que je suis, la nouvelle intitulée les chiens de notre vie, est l'un des plus beau texte que j'ai lu!
A son retour de vacances, le Bon Dieu vit tout de suite qu'on avait touché à ces affaires, car en ouvrant son registre des âmes, il ne retrouva pas son buvard où il l'avait laissé ...
"Le quartier de la Chapelle, en sa partie nord, est resserré entre des murs nus dissimulant des usines, des gares de marchandises, des voies de chemins de fer des gazomètres, des trains sales et des locomotives haut-le-pied. Les fumées des réseaux de l'Est et du Nord, se mêlant aux fumées d'usines, noircissent des immeubles conçus avec économie et les rues, peu passantes, ont un aspect de province flétrie, cernée par de rouille et de charbon. C'est un paysage littéraire où les promeneurs d'une âme sensible, en écoutant les trains siffler dans une brume souillée, se surprennent à prier Dieu pour que la vie ne soit pas démesurément longue.
p.631, "Rue de l'Evangile", publié pour Candide , décembre 1937
- La passion du joueur n'y est balancé par aucun effort de raisonnement, elle devient un entrainement pour ainsi dire animal. C'est pourquoi nous voyons les femmes s'y donner avec une fureur totale, primitive.
- Vous n'êtes pas galant.
En quelle année est né Marcel Aymé?