LA SOURIS — Monsieur le chat, laissez-moi m'en aller. Je suis une toute petite souris, et je me suis égarée...
ALPHONSE — Une petite souris ? Eh bien ! moi, je vais te manger.
LA SOURIS — Monsieur le chat, si vous ne me mangez pas, je vous promets de vous obéir toujours.
ALPHONSE — Non, j'aime mieux te manger... A moins...
LA SOURIS — A moins, Monsieur le chat ?
ALPHONSE — Eh bien ! voilà : je suis aveugle. Si tu veux prendre mon mal et devenir aveugle à ma place, je te laisserai la vie sauve. Tu pourras te promener librement dans la cour, je te donnerai moi-même à manger. En somme, tu as tout avantage à être aveugle dans ces conditions-là. Pour toi qui trembles toujours de tomber entre mes griffes, ce sera la tranquillité.
LA SOURIS — Excusez-moi, Monsieur le chat, mais j'hésite.
(Le chien)
Les parents considèrent le coq avec beaucoup d'attention. Ils se mettent à parler tout bas sans le quitter des yeux.
LA MERE — Ce coq est une pauvre cervelle, mais il a joliment bonne mine et on ne s'en apercevait pas.
LE PERE — Le fait est qu'il est à point et qu'on ne gagnerait rien à le nourrir plus longtemps.
LE COQ, off — A l'assassin !
ALPHONSE — Le coq fut saigné au moment où il se préparait à parler de moi. On le fit cuire à la cocotte et tout le monde fut très content de lui.
(La patte du chat)
MARINETTE, suppliant — Loup, reste avec nous, on va jouer encore. Nos parents ne diront rien, tu verras...
LE LOUP — Ah, non ! Les parents, c'est trop raisonnable. Ils ne comprendraient jamais que le loup ait pu devenir bon. Les parents, je les connais.
(Le loup)
LE LOUP — C'est quand même un peu fort, on ne veut jamais entendre la voix de la vérité ! c'est à vous dégoûter d'être honnête. Moi je prétends qu'on n'a pas le droit de décourager les bonnes volontés comme vous le faites. Et vous pouvez dire que si jamais je remange de l'enfant, ce sera par votre faute.
(Le loup)
LE LOUP — C'est vrai, je l'ai mangé, le petit Chaperon rouge. Mais je vous assure que j'en ai déjà eu bien du remords. Si c'était à refaire...
(Le loup)
Il était une fois un petit café-restaurant, entre ville et campagne, refuge d'une poignée de drôles d'oiseaux que le monde moderne n'avait pas encore engloutis.
« On boit un coup, on mange un morceau, on écoute des histoires. Toutes activités qui s'accommodent mal du va-vite. Chacun offre son grain de temps au sablier commun, et ça donne qu'on n'est pas obligé de se hâter pour faire les choses ou pour les dire. »
Madoval, le patron, Mésange, sa fille, Comdinitch, Failagueule et les accoudés du zinc – braves de comptoir… « Pas des gueules de progrès », ces gens-là, mais de l'amitié, des rires, de l'humanité en partage et un certain talent pour cultiver la différence.
Jean-Pierre Ancèle signe un premier roman tendre et perlé comme une gorgée de muscadet, aux accents de Raymond Queneau ou de Marcel Aymé.
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