Il y a tant de saloperies dans le monde que tout le monde se fout du scandale à présent.
Dire qu'il a en lui de quoi faire un assassin, un voleur, un mouchard, un traître, un satyre, et qu'il sera très probablement un brave type comme tout le monde, et peut-être un héros ou un saint...
Marie-Anne jouait au piano une chanson d'Edith Piaf. Archambaud écoutait avec une attention émue, croyant y reconnaître un morceau de Chopin.
(Incipit).
Sous le soleil, les ruines apparaissaient blanches et propres. Comme Jourdan prenait respiration, Watrin dit en les lui montrant : "On dirait des maisons semées à l'automne. A se demander si une bonne pluie...
«Ma petite fille, souviens-toi que dans la vie, la seule chose qui compte, c'est l'argent.»
Que la presse entière feignit d'ignorer qu'il existait des millions d'individus tenant pour telle opinion ou en réduisît le nombre à quelques dizaines de milliers d'imbéciles et de vendus, il y avait là, songeait-il, un mensonge colossal. Il en arriva ainsi à conclure qu'une partie de la France manœuvrait à donner le change sur ses convictions, l'autre partie affectant de croire que certaines façons de penser n'avaient d'existence ni dans le présent ni dans le passé.
À l'entendre, la classe ouvrière devenait une divinité mille-pattes apparaissant à la fois comme une théorie de martyrs extatiques, une armée haillonneuse de paladins assoiffés d'héroïsme, et une procession d'archanges à culs roses.
Non seulement l'avenir de la révolution mondiale lui était indifférent, mais il y pensait avec lassitude. Peu lui importait de vivre dans le meilleur des mondes s'il y était malheureux. Sa mauvaise humeur l'inclinait à croire que la justice sociale ne serait jamais qu'une satisfaction de l'esprit, ne guérissant ni la pauvreté, ni les rhumatismes, ni les chagrins d'amour, ni rien de ce qui rend la vie parfois si lourde à traîner.
Voyez-vous, maître, le grand ennemi de la France, c'est la culture générale qui poétise et dramatise l'univers en nous dérobant la réalité.[...] Nous, les professeurs de collège, nous avons beau avoir l'esprit faussé par les humanités, nous sommes à même de nous rendre compte à quel point notre rôle est néfaste. Ainsi notre métier de malfaiteurs publics ne nous intéresse-t-il plus. Les problèmes qu'il propose ne sont jamais les vrais problèmes. Sachant que l'avenir ne peut germer que dans les têtes dures et obtuses des garçons à lourdes mâchoires, nous voyons avec tristesse des collégiens mordre à nos boniments sur le grand siècle ou l'emploi du subjonctif. Il serait pourtant si facile de les désabuser et d'en faire des brutes efficaces !
Est-ce que toute cette vie, cette opulence, n'ont pas été façonnés par l'homme, par ses mains, par son esprit? Ah! Les hommes sont quand même épatants, Archambaud! Dire que tout ce que vous voyez là et plus loin sur des milliers de kilomètres, les blés, les avoines, les arbres, les alignements, les perspectives et jusqu'aux touffes d'herbe, c'est l'homme, ses pensées, son cœur, ses bonnes mains! On vient nous parler de la poésie de la nature. Quelle blague! Il n'y a que la poésie de l'homme et il est lui-même toute la poésie. (p.153)