Je voudrais écrire un poème. J’y songe
depuis plusieurs jours multipliés par un
désir qui fait tourner les jours encore.
Un poème, une forme simple, le bon
lieu où : disparaître. Il serait en octo-
syllabes. Nul n’aurait à le lire, il serait
là, c’est tout. Il serait un poème que
l’on suivrait des yeux comme on suit
les oiseaux. Je voudrais écrire un poè-
me, non, je voudrais devenir un oiseau.
Je reste assise sur le parquet, balance d’une planche à l’autre, en écoutant mes os qui rouillent à l’intérieur, qui méticuleusement : se déglinguent. Le corps : de la tôle froissée, des morceaux de ferraille qui volent en éclat.
Tes mots se nichent dans mon oubli
pour nourrir plus tard : ma mémoire.
Je reste assise sur le parquet, balance d’une
planche à l’autre, en écoutant mes os qui rouil-
lent à l’intérieur, qui méticuleusement : se dé-
glinguent. Le corps : de la tôle froissée, des mor-
ceaux de ferraille qui volent en éclats.
La seule certitude réside dans l’étrange sensation
d’un déplacement, de ce qui jusqu’alors dessinait :
la limite. Aimer réside dans cet effort-là : écrire,
autrement dit se vivre. Et quoi ? Quoi, rien, je
regarde la lune, je sais vers qui elle va, et de ta
chambre aussi, cela j’en suis certaine, tu as dû
lui faire signe. Je me demande combien nous
sommes à faire cela, ce petit rituel nocturne,
et depuis combien de siècles il perdure.
Après toi, non, je ne sais plus ce qu’il se passa,
et tout me vient derrière moi.
Je dépose mon cœur dans ma paume,
l’approche de ma bouche et, avec les
dents, arrache une à une les pattes de
la faucheuse, en la fixant : droit dans
les yeux.
Plus tard, je ne sais pas le temps : il casse.
Vivre n’aura jamais : été assez.
JE DIS LE MOT : MOURIR…
Extrait 2
Balcon, je happe l’air à m’y noyer et mon cœur qui s’ouvre partout. J’en ai jusqu’au bout des orteils de mon cœur, de sa : déchirure. Toute ma chair palpite de ta voix qui me vient, ou qui : ne me vient pas. C’est à devenir fou. Je happe, happe, je happe l’air. Regarde les étoiles, le parc : ne vois rien, fais simplement les gestes que fait un corps malade. De l’aide : je veux de l’aide pour mes poumons, de l’aide pour la cicatrice qui me gangrène le langage, de l’aide, oui, j’en veux pour mon cœur qui traîne jusqu’à terre, de l’aide un peu : je n’en peux plus. J’étouffe je hoquette… et puis c’est con comme la nuit, lentement, sans un bruit, je pleure… Alors enfin ta voix m’arrive : à la bonne place le Chevalier, au bon endroit : ― Au village de Kerloan, au bord de la mer, un grand chêne domine le rivage. Sur ce chêne, au clair de lune, des oiseaux s’assemblent. Des oiseaux de mer, au plumage blanc et noir.
Dans mon corps, quelque chose se rompt. Je ne sais quoi exactement. C’est une sensation délicieuse, fluide. Comme un vertige. J’espère que je meurs, que je : me débarrasse.