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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le commentaire ci-dessous ne s'agit pas spécifiquement du livre d'Abed Azrié. J'ai lu différentes traductions et introductions, et alors mes notes sont plus-tôt générales. Traduire Gilgamesh s'avère être une affaire délicate : il existe tellement de versions différentes de cette histoire, de tant d'époques différentes (étalées sur 2 millénaires), et parfois très incomplètement transmises. Comme Michael Schmidt l'écrit à juste titre dan ‘La vie d'un poème' : La traduction de Gilgamesh est un puzzle incroyable, nécessitant une interprétation continue, résultant en un texte défilant sans fin qui est inévitablement fortement coloré par la propre entrée du traducteur/lecteur.
Si vous regardez l'histoire de l'origine, de la redécouverte et de la reconstruction de ce texte, alors cela vous donnera certainement le vertige. Prenez par exemple le temps coulé entre le fragment le plus ancien que nous ayons trouvé (vers 2100 avant notre ère) et la version standard qui a été compilée quelque part entre 1300 et 1100 avant notre ère : plus de mille ans. Ou le temps entre cette version standard et la version la plus complète trouvée dans la bibliothèque d'Assurbanipal à Ninive, vers 650 avant notre ère : environ 500 ans. Dans mes propre études d'histoire à l'université, nous avions un (petit) cours de paléographie dans lequel on nous expliquait à quelle vitesse les scribes du Moyen Âge faisaient des erreurs ou même faisaient des ajouts ou des changements conscients chaque fois qu'ils copiaient un texte ; dans un laps de temps relativement court, un texte largement « corrompu » pourrait ainsi être créé. Qu'est-ce que cela n'a pas dû être pour la période mésopotamienne, où les textes étaient continuellement copiés, c'est-à-dire encore et encore avec des marqueurs cunéiformes pressés dans de l'argile molle, souvent par les élèves des écoles, à titre d'exercice ? Chaque traduction de l'histoire de Gilgamesh, basée sur les textes originaux, est donc un exploit, et chaque traducteur fait ses propres choix, qui aboutissent à des textes très différents. Je pense que la traduction de la version standard, par l'assyriologue néerlandais Herman Vanstiphout, et plus récent celui du Danois Sophus Helle, sont les plus réussies car elles restent très proche des originaux, complétées par des fragments plus anciens, et richement fournies d'explications supplémentaires via des notes des introductions et des essays d'accompagnement. Dans mon compte d'histoire sur Goodreads, j'approfondis les aspects substantiels et formels qui m'ont attiré dans cette histoire de Gilgamesh et dans ces traductions : https://www.goodreads.com/review/list/26055396.
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Ce mythe est à lire à plus d'un titre. Non seulement il confirme l'idée que les textes bibliques et coraniques n'ont rien d'une parole révélée divinement, mais il montre aussi que dès le IIe millénaire avant J.C., l'humanité (du moins une partie d'entre-elle) avait soif de poésie, de beauté et de pensée. Même si cette épopée n'égale pas des passages de la Bible ou des poèmes de Baudelaire, la forme du récit pousse à la vocalise, au chant, donc au plaisir des mots.
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Apparaissant d'abord comme un récit d'aventure, une simple mise en légende d'un roi de la civilisation sumérienne ayant vraisemblablement existé, l'épopée de Gilgamesh se révèle être un récit de mythologie et de spiritualité comparable à la Bible. On relèvera bien-sûr ce qui est sans doute la première version du récit du déluge, étant donné que celui-ci jouait un rôle particulier dans la civilisation sumérienne, témoin chaque année des grandes crues des fleuves de l'Euphrate et du Tigre, à la fois sources de vie et violence destructrice. Oupa-Napishtim fait monter dans le bateau protecteur toute sa famille et sa maisonnée, ses biens, les animaux domestiques et les artisans du bateau. L'entreprise ne sauve pas seulement un élu, mais bien toute une civilisation.
le récit est ensuite parsemé de mythes, le sauvage Enkidou, presque parfait à l'état de nature, faible et sensible aux femmes, à la peur et à la maladie parmi les hommes. Les oracles annonçant le destin inévitable des hommes, les songes prémonitoires, les contradictions des dieux… la richesse du récit annonce celle de la Bible et de la mythologie grecque. Mais on ne trouve pas ici d'injonctions morales mais plutôt des récits offerts à la méditation. le personnage de Gilgamesh n'est pas tout à fait un modèle, étant d'abord mauvais. Mais l'amitié humaine, la fidélité, le rendent bon, sensible au destin de sa race. La mort de son compagnon est l'ouverture d'un questionnement existentiel complexe qu'on pourrait interpréter par la thèse de Régis Debray (Vie et mort de l'image, 1994) considérant la prise de conscience de la mort devant soi comme l'acte de naissance de l'art (d'abord funéraire, visant à couvrir la peur de la mort incorporée). Autre point de réflexion morale, le refus de l'honneur suprême, le mariage à Ishtar, déesse de l'amour. C'est le refus de la démesure, le refus d'un amour qui n'aurait que la passion physique ou la célébrité comme bases fondatrices. La déesse-femme, vexée du refus, appelle à la vengeance, ce qu'on pourra retrouver par exemple chez la femme du maître de Job.
La forme et la signification demeurent parfois énigmatiques, faisant allusions à des événements, des lieux ou des faits culturels de nous inconnus. Mais la majorité du texte nous est aussi accessible que le récit biblique, et peut-être même davantage étant donné que le récit passe davantage par l'utilisation de mythes, et moins par l'énonciation de préceptes où chaque nuance sémantique peut avoir son importance.
Abed Azrié, compositeur et interprète, propose du texte une traduction que ne recherche pas à transformer, à atténuer les apparentes défaillances du récit à nos yeux, les répétitions sont préservées – de nombreuses parties du texte sont répétées deux fois voire plus. La versification l'est elle aussi, montrant que le traducteur a sans doute rechercher la musicalité de la langue, le rythme, le souffle, rappelant que ces textes d'origine, cette épopée, étaient sûrement chantés en public et non lus, à l'instar de celles d'Homère.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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