Apparaissant d'abord comme un récit d'aventure, une simple mise en légende d'un roi de la
civilisation sumérienne ayant vraisemblablement existé, l'épopée de
Gilgamesh se révèle être un récit de mythologie et de spiritualité comparable à la Bible. On relèvera bien-sûr ce qui est sans doute la première version du récit du déluge, étant donné que celui-ci jouait un rôle particulier dans la
civilisation sumérienne, témoin chaque année des grandes crues des fleuves de l'Euphrate et du Tigre, à la fois sources de vie et violence destructrice. Oupa-Napishtim fait monter dans le bateau protecteur toute sa famille et sa maisonnée, ses biens, les animaux domestiques et les artisans du bateau. L'entreprise ne sauve pas seulement un élu, mais bien toute une
civilisation.
le récit est ensuite parsemé de mythes, le sauvage Enkidou, presque parfait à l'état de nature, faible et sensible aux femmes, à la peur et à la maladie parmi les hommes. Les oracles annonçant le destin inévitable des hommes, les songes prémonitoires, les contradictions des dieux… la richesse du récit annonce celle de la Bible et de la mythologie grecque. Mais on ne trouve pas ici d'injonctions morales mais plutôt des récits offerts à la méditation. le personnage de
Gilgamesh n'est pas tout à fait un modèle, étant d'abord mauvais. Mais l'amitié humaine, la fidélité, le rendent bon, sensible au destin de sa race. La mort de son compagnon est l'ouverture d'un questionnement existentiel complexe qu'on pourrait interpréter par la thèse de
Régis Debray (
Vie et mort de l'image, 1994) considérant la prise de conscience de la mort devant soi comme l'acte de naissance de l'art (d'abord funéraire, visant à couvrir la peur de la mort incorporée). Autre point de réflexion morale, le refus de l'honneur suprême, le mariage à Ishtar, déesse de l'amour. C'est le refus de la démesure, le refus d'un amour qui n'aurait que la passion physique ou la célébrité comme bases fondatrices. La déesse-femme, vexée du refus, appelle à la vengeance, ce qu'on pourra retrouver par exemple chez la femme du maître de Job.
La forme et la signification demeurent parfois énigmatiques, faisant allusions à des événements, des lieux ou des faits culturels de nous inconnus. Mais la majorité du texte nous est aussi accessible que le récit biblique, et peut-être même davantage étant donné que le récit passe davantage par l'utilisation de mythes, et moins par l'énonciation de préceptes où chaque nuance sémantique peut avoir son importance.
Abed Azrié, compositeur et interprète, propose du texte une traduction que ne recherche pas à transformer, à atténuer les apparentes défaillances du récit à nos yeux, les répétitions sont préservées – de nombreuses parties du texte sont répétées deux fois voire plus. La versification l'est elle aussi, montrant que le traducteur a sans doute rechercher la musicalité de la langue, le rythme, le souffle, rappelant que ces textes d'origine, cette épopée, étaient sûrement chantés en public et non lus, à l'instar de celles d'
Homère.
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