« Quand on me demande pourquoi je n'ai pas écrit sur ma mère, je réponds cela:
Ma mère a réussi sa vie. Mon père, lui, en doute encore. (p. 262)”
Un texte personnel très vivifiant en émotions, tendresse, malice, drôlerie, autodérision, et surtout d'immense amour et dette de reconnaissance à jamais d'une fille pour un « Papa » vénéré, adoré… qui mettait au-dessus de toutes les fortunes, ses enfants… dont ses deux filles, qu'il a encouragées, souhaitées indépendantes, cultivées, fortes devant la vie. Un écrit autobiographique tour à tour drôle ou bouleversant !
« Quand même. L'amour l'a englouti tout entier. L'amour a dévoré ses ambitions. le seul qui valait à ses yeux, celui qu'il a eu pour sa femme et celui qu'il a eu au premier regard pour ma grande soeur puis pour chacun de ses enfants. Il a su que tous les autres n'étaient que des sous-formes du suprême, qu'il n'en existe pas d'autres. le patriotique, l'artistique, le divin n'étaient que des imposteurs à côté. (p. 121)”
En sus de l'hommage tonique, joyeux et bouleversant d'une fille-écrivain à son père…une vraie virulence dans le propos et une colère légitime pour dire et redire les dégâts sournois et persistants laissés par la colonisation…où une sorte d'infériorité, de manque de confiance perdurent chez le futur adulte….
Des anecdotes cocasses…lesquelles, sans cette honte minante et ce sentiment tenace de ne jamais être à la bonne place, feraient éclater de rire… Des mésaventures qui tiennent fréquemment de la tragi- comédie !
Lu avec plaisir , de cette auteure, il y a déjà un moment «
Mon père est femme de ménage » …
Ce nouvel ouvrage m'a interpellée tant cet écrit paraissait un hommage sans réserve à un père, homme simple, modeste, mais au caractère bien trempé, plein de convictions et de sagesse…
« On le laissait donc parler, nous raconter ses choses qui ne trouvaient plus d'écho dans nos oreilles, trop réfractaires ou trop pleines, parce que ces trucs Papa ne peuvent pas arriver, c'est de la science-fiction, ce sont des histoires un peu farfelues quand-même , lui disions- nous. Ce sont mes contes à moi, se défendait-il, rien de plus. les contes font partie de la culture populaire, ils font partie de mon enfance. Ces histoires, c'était pour vous sensibiliser à autre chose, une chose plus grande que nous. Il ne s'agit pas d'y croire entièrement, ouvrir une petite brèche dans vos certitudes suffit. (...) voilà ce qu'il tentait de faire germer en nous sans lui donner de nom. Dieu, le hasard, le destin, peu lui importait tant qu'on restait sensible à autre chose, cette chose qui ne nous avait pas suivis en France puisqu'on n'écoutait pas les vieux ici. Il se devançait, il adorait se vieillir pour s'envelopper de sagesse avant tout le monde. » (p. 191)
Un père, mettant au-dessus tout son amour pour ses enfants, et ses filles à qui il a transmis de belles valeurs, dont celle de se faire respecter par les hommes ! Peu banal pour un homme de la Méditerranée !
Dans ce texte autobiographique, l'auteure analyse fort lucidement les complexes lourds de classe sociale, et d'origine géographique ( pénalisante !). Ce papa, dans son histoire personnelle, d'orphelin de père, d'origine marocaine a eu d'autant plus de mérite au fil de son vaillant parcours, par son obsession à combler manques et injustices, d'offrir toutes les chances et une autre vie à ses enfants !!
Un très beau texte, vraiment pétri d'un arc-en-ciel d'émotions ! Un portrait d'homme méditerranéen, à la sensibilité exacerbée par ses années de jeunesse au milieu des femmes ; lui l'orphelin de père ; sa fille se demande justement d'ailleurs : est-ce que mon père aurait eu cette compréhension, ce respect infini, authentique, concret pour les Femmes , si il n'avait pas vécu cette enfance d'orphelin, sans figure paternelle...,
sa mère, son épouse adorée, ses filles, qu'il veut invulnérables : à la fois Femme et Homme ; complètes et indépendantes de toute oppression machiste ! Un portrait d'homme des plus attachants et bienveillants !
« Mon père est au centre de la femme que je suis devenue. (…) de plus loin que je me souvienne, j'ai toujours entendu mon père reprendre ceux et celles qui au détour d'une phrase, souvent sans réfléchir, dépréciaient les femmes. Ne pleure pas comme une femme. Ne fais pas ta fillette, arrête de faire ta femmelette. Tu m'fatigues avec tes histoires de gonzesse. Il les reprenait tous et toutes, sans exception, parce qu'il avait, au-delà du respect, une immense admiration pour elles. Il s'en sentait proche depuis tout petit déjà, il avait vécu avec elles les centaines d'affronts, des invisibles aux outrageants, intégrés, assimilés et presque digérés dont elles faisaient l'objet, toujours, tout le temps. (p. 234)