LIVRE LU DANS LE CADRE DU PRIX DES AUTEURS INCONNUS 2023 – Catégorie Littérature noire dont je suis l'un des jurés.
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C'est avec un grand enthousiasme que j'avais pris connaissance de l'extrait de 15000 signes proposé en présélection du #Prix des auteurs inconnus 2023 et cet extrait, je dois l'avouer, était mon favori dans mes votes de la catégorie littérature noire. Un début prometteur dont la lecture intégrale en quelques heures ne s'est pas démentie, bien au contraire.
Les amateurs du genre noir apprécieront : une apparente tueuse en série (c'est suffisamment rare pour être signalé) à la psychologie particulièrement retorse et au bilan morbide particulièrement efficace ; des victimes, toutes féminines, étiquetées chacune par un numéro « Quinze », « Seize » (pour les plus anciens, on se croirait dans un épisode de la série TV anglaise des années 70 le Prisonnier) ; des séances de tortures agrémentées de moments d'intimité dans des décors glauques de fin du monde ; des extérieurs sombres et de nuit et des décors intérieurs tout aussi sombres et cloisonnés à faire s'étouffer un claustrophobe ; des lettres de « suicide » aux relents citronnés laissées très opportunément sur les lieux des crimes ; des policiers londoniens qui pataugent face à un/une adversaire qui les mène en bateau, exactement là où il/elle le souhaite, ayant plusieurs coups d'avance sur la partie d'échecs engagée ; une profileuse devenue paraplégique qui semble avoir perdu son sixième sens en même temps que ses jambes et qui se trouve devenir la principale accusée ; une jeune geek fragilisée et agoraphobe qui se fait pirater l'intelligence artificielle qu'elle vient de créer, ouvrant ainsi la boîte de Pandore de tous les réseaux intranet et extranet de la police et des institutions… et toute une série de personnages dont on pourrait penser qu'ils sont secondaires, mais qui ne le sont pas tant que ça dès lors que, chacun à sa façon, pourrait avoir la personnalité, le mobile, la paranoïa, l'ambition, mais aussi de nombreux secrets inavoués…
Bref, ces deux-cent quatre-vingt-dix-sept pages se lisent à toute vitesse… tant le rythme des chapitres est court et cadencé et tant la fluidité de l'écriture transporte le lecteur dans un imaginaire totalement visuel et plus que réaliste. On se croirait dans des épisodes de Criminal Minds (Série sur les profileurs du FBI). À chaque épisode, son décor, sa mise en scène donnée, sa mise en valeur de tel ou tel personnage, avec ses failles dévoilées et/ou ses mystères inavoués. Chaque chapitre donne la parole à l'un ou l'autre des protagonistes (qu'il s'agisse de la tueuse (qui n'en est peut-être pas une ?), d'une ou l'autre des victimes, de la profileuse, de la geek, du commissaire amoureux de ladite profileuse, de la supérieure desdits policiers, et des multiples personnages secondaires : le grand-père de la geek psychiatre de son état, la mère de celle-ci qui décide de l'heure de sa mort, le collègue psy un peu trop ambitieux mais néanmoins masochiste, la femme de celui-ci qui semble être bonne pour l'asile.
À chaque chapitre, un « je » narratif au sexe différent, à la voix différente, au vocabulaire donné, aux images évocatrices, à l'histoire de vie et aux angoisses existentielles données. Des « Je » comme autant de jeux de miroirs qui se reflètent les uns dans les autres, se questionnent et se répondent. On peut craindre de s'y perdre, mais au contraire, cela se suit très bien et sans ambiguïté aucune dès lors où en début de chaque chapitre le « je » qui parle est bien mis en exergue.
Que dire… sans trop en dévoiler ? Les meurtres se suivent et se ressemblent mais on a bien du mal à comprendre la motivation de ladite tueuse en série qui, en quête d'un souvenir fugace, n'est apparemment jamais totalement satisfaite du résultat obtenu et passe à sa prochaine victime… qui, cette fois-ci sera « la parfaite ». Au bout d'un moment, j'ai retrouvé comme une réminiscence de la thématique du superbe livre de
Patrick Süskind,
le Parfum. Cela m'a un peu gênée du point de vue de l'originalité, mais j'en ai vite fait abstraction, tant l'époque, les actions mêlées des différents personnages sont prenantes et différentes. Au-delà du rythme et de la fluidité de l'écriture, il faut dire que l'auteure sait tenir son lecteur en haleine. Les pistes sont nombreuses, les coupables potentiels aussi, le suspense est entier et le reste jusqu'à la toute fin…
J'ai vraiment aimé le rythme, le style d'écriture, le vocabulaire, le descriptif des décors, la psychologie des personnages qui ont tous une face cachée, la succession des actions dans divers endroits différents, le côté cinématographique de l'écriture qui se suit comme une série. J'ai vraiment aimé certaines formulations (ex : « son odeur s'inscrit sur la toile de mes pensées »). C'est aussi l'occasion d'évoquer certains thèmes rares dans le roman noir : le deuil, les douleurs d'enfance, le handicap et ses « pertes » physiques et psychiques, l'euthanasie ou le suicide assisté, l'agoraphobie, les troubles psychiatriques, etc.
J'ai été heurtée par certaines images difficilement soutenables mais néanmoins compréhensibles dans le contexte donné. J'ai moins aimé l'absence de cadre spatio-temporel (mais on comprend vite qu'on est à Londres, de nos jours), la lourdeur (pourtant) nécessaire des titres de chapitres précisant qui est le narrateur et de quel point de vue il s'agit, les âges et nombres qui devraient être écrits en lettres et surtout le fait qu'il s'agit apparemment d'un tome un dont il nous faudra attendre la suite… pour en savoir plus… Je sais que ce type d'accroche est dans l'air du temps, mais vraiment, quelle frustration !
Sinon, je tiens à saluer la qualité de la rédaction et de la relecture/correction. C'est vraiment un plaisir de lire un ouvrage autoédité correctement écrit.
Pour conclure, ne faites pas l'impasse sur cette Porte oubliée ! À n'en pas douter,
Liv BONNELLI, jeune auteure autoéditée mérite d'être connue et reconnue comme une jeune auteure prometteuse et je vais m'empresser de chercher très vite le tome deux pour connaître la suite de cette porte oubliée. Et je suis certaine que très bientôt une maison d'édition ne devrait pas manquer de s'intéresser à elle.