Wangrin était filou, certes, mais son âme n'était pas insensible. Son cœur était habité par un intense volonté de gagner de l'argent par tous les moyens afin de satisfaire une convoitise innée, mais il n'était point dépourvu de bonté, de générosité et même de grandeur. Les pauvres et tous ceux auxquels ils étaient venus en aide dans le secret en savaient quelque chose. Son comportement, cynique envers les puissants et les favorisés de la fortune, ne manquait cependant jamais d'une certaine élégance.
Moulaye Hamidou, dit Wangrin, accepterais-tu de travailler pour me garantir contre mes ennemis blancs-blancs, noirs-blancs et noirs, et pour combien?
[...] Cette coiffure ridicule ne faisait pourtant rire personne. Bien au contraire elle inspirait la peur. C'était en effet la coiffure officielle et réglementaire des Blancs, ces fils de démons venus de l'autre rive du grand lac salé [...] C'était un emblème de noblesse qui donnait gratuitement droit au gîte, à la nourriture, aux pots-de-vin et, si le coeur en disait, aux jouvencelles aux formes proportionnées pour les plaisirs de la nuit.
Son comportement cynique, envers les puissants et les favorisés de la fortune ne manquait pas cependant jamais d'une certaine élégance .
Les filles mossis et bambaras, noires comme de l'ébène sahélien, étaient si élancées et d'une telle grâce qu'en les voyant au marché on se serait cru à une foire organisée pour un concours de beauté.
Wangrin ne venait plus à son bureau qu' un jour sur trois .Il était devenu le client le plus assidu à son bistrot familier .Il y passait le plus clair de son temps à boire et à payer aux ivrognes habitués du lieu et particulièrement à deux d' entre eux baptisés "gorge sèche"et "porte-monnaie sec" .
- Je te suis très mal. Explique-toi plus clairement, mon cher Wangrin.
- C'est clair, pourtant. Je trouve qu'un ancien conducteur de mulets, bien qu'il soit successivement devenu sergent de tirailleurs sénégalais, brigadier-chef de gardes et finalement interprète, ne cessera jamais d'être un valet. Il serait inconvenant qu'un "goujat" se pavanât dans un paradis, y assourdissant tout le monde avec les accents de son "forofifon naspa", alors que des hommes lettrés, sur qui doivent descendre bénédiction et miséricorde du ciel et de la France, peinent dans l'enfer de la pauvreté.
C'est pourquoi j'ai décidé de revenir ici comme interprète. Je sais que tu ne voudras pas partir de ton plein gré. C'est pourquoi je te compare à Adam et moi à l'ange-gendarme. Mais sois tranquille, je ne me servirai pas de flammes pour te chasser d'ici. je n'aurai besoin que de quelques lignes d'écriture couchées sur un papier de format 21/27. Cela s'appelle, au cas où tu ne le saurais pas, une décision.
Romo Sibedi fut complètement hébété par cette déclaration si inattendue. N'était-ce pas là le plus grand témoignage d'ingratitude qu'un étranger pût exprimer à son logeur ?
Wangrin, toujours plus astucieux que Romo, venait de jouer sur la coutume. En effet, répéter une injure équivaut, pour la tradition, à la proférer directement. Or un fils ne saurait, pour tout lor du monde, insulter sa mère. C'était là un acte des plus abominables.
Moulaye Hamidou, dit Wangrin, accepterais-tu pour me garantir contre mes ennemis blancs-blancs, noirs-blancs et noirs, et pour combien ?
L'homme est l'être qui s'aime si bien qu'il ne sent sa propre mauvaise odeur mais répugne à la moindre odeur chez les autres