Mariko et moi étions comme deux pétales tombés de la même rose, flottant côte à côte, et allant là où le courant les portait.
– Tu seras toujours ma blonde geisha, mon papillon.
– Même un papillon a besoin d’un endroit calme où se reposer le soir... Et j’ai trouvé le mien.
J’apprendrais à les séduire avec les courbes de mon corps, et à les exciter. Comme une abeille savourant une première gorgée de nectar ou comme un oiseau affamé picorant une pêche et laissant fondre la douceur de la pulpe dans son bec. Le monde du plaisir serait le mien, et il m’adopterait comme une fille égarée.
J’apprendrais à être une femme parfaite dans le monde artificiel où on enseignait à ces femmes l’art de l’érotisme : j’allais avoir une bouche sensuelle, un sourire charmeur mais discret, le regard pétillant, et je serais prête à séduire, mais aussi à divertir.
Les geishas étaient comme la pluie, leur peau si belle et transparente, et cependant lumineuse, avec des nuances de bleu, de rouge et de jaune. Comme j’aurais aimé pouvoir devenir une geisha ! Pour moi, une geisha était comme une princesse des contes de fées, pure et intacte, jusqu’à ce qu’un beau prince survienne et la demande en mariage.
Le début de l’été 1892 annonça l’arrivée d’une saison de pluies diluviennes cette année-là au Japon. Les Japonais l’appellent « la pluie des prunes » car elle survient au moment où le fruit, arrivé à maturité, est gorgé de promesses. Comme une jeune fille sur le point de devenir femme.
Une fleur tombée ne retourne jamais sur la branche.
Tous les hommes ne sont-ils pas attirés par la fleur la plus fraîche, par son parfum et ses doux pétales, et par ses douces larmes de miel ?
Je sais ce que vendre le printemps veut dire, et comment une femme donne la seule chose qu’elle possède en ce monde. Et je ne le ferai pas. Je veux tomber amoureuse avant de donner mon corps à un homme.
Seul le plaisir de faire l’amour persiste.