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EAN : 9782253941972
154 pages
Le Livre de Poche (01/09/1994)
4.08/5   52 notes
Résumé :
"La durée intime, c'est toujours la sagesse. Ce qui coordonne le monde ce ne sont pas les forces du passé, c'est l'harmonie tout en tension que le monde va réaliser. On peut parler dune harmonie préétablie dans les choses, il n y a d'action que par une harmonie préétablie dans la raison. Toute la force du temps se condense dans l'instant novateur où la vue se dessille, près de la fontaine de Siloë, sous le toucher d'un divin rédempteur qui nous donne d'un même geste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Bachelard aurait pu être musicien. En fait..Il l'est dans l'âme.
Il entend si bien que tout ce que touche sa pensée sonne beau, sonne juste. Sonne bien.
L'intuition de l'instant, dans lequel il oppose la notion du temps soutenue par la philosophie de Bergson et celle exposée par son ami Roupnel dans son oeuvre Sinoë, est un manuel de bel et bien-savoir être, du bien-être tout simplement.

Ce bien être ne peut être atteint qu'à la condition d'en avoir pleinement conscience. Conscience de soi dans l' espace de l'instant.
Puisque le temps est un espace, de quoi est il constitué exactement ?
Bergson voyait le temps comme un durée, une phrase musicale, monocorde, sempiternelle, une totalité, un bloc, une ligne droite pleine et entière, sur laquelle on peut inscrire des repères mais qui n'altèrent en rien son universalité.
Ce que Bachelard réfute, en donnant écho à la pensée de Roupnel : le temps n'est pas une durée !
Le temps ne peut se comprendre pour l'humain que dans l'instant. Cet espace dans lequel il existe, l'instant T, le moment présent.
C'est un angle de vision totalement différent.

Bachelard est un poète. Personne ne me contredira. Qui mieux qu'un poète peut percevoir l'Eden de l'instant et l' Enfer de la durée ?
Un détenu fait son temps comme sa peine , un homme libre invente son temps. «  le temps ne dure qu'en inventant »
On n'écoule pas ses heures, on ne les égrène pas, on régénère l'instant, mieux on le génère !
On se crée à chaque instant.
Bachelard fait de l'instant un événement !

Rien ne dure, il est vrai, mais tout existera, et c'est ce possible que Bachelard inscrit dans son raisonnement qui étincelle.
«  le possible est une tentation que le réel finit toujours par accepter ».
La durée est une notion insupportable pour tout homme qui espère. On n' espère pas « le même », on espère mieux, plus grand, plus haut.
C'est cet élan de l'instant qui nous mène à notre progrès, au meilleur de nous même.
«  La durée ne peut être vue que sous l'angle de la dynamique des instants » .
Le temps est un mouvement. Bachelard est en plus chorégraphe...

Il brise la ligne de Bergson et la fractionne en un rien de temps.
Nous voilà libre d'orienter notre mouvement !
Imaginez un escalier sans contre marche. La marche : l'instant, la hauteur qui sépare les deux marches : le vide, la non souvenance, le temps mort. Ce vide où réside la probabilité, le chance du devenir. Il porte l'instant, l'instant repose sur lui.

Et si la ligne de Bergson file bien vite, l'escalier de Bachelard, lui, monte très haut, il va jusqu'au coeur là où la conscience d'être rejoint la conscience de l'instant, ce qui nous place dans la joie, la raison, la bonté, la vérité.
Bref si le petit train de Bergson nous mène tout droit au ciel, l'échelle de Bachelard nous mène à la lumière.
Bachelard est en plus un maître du Tao... 
« Et nous rêvons à l'heure divine qui donnera tout. Non pas l'heure pleine, mais l'heure complète. »

Le temps est relatif, subjectif, pour Bachelard. Courant alternatif !
Il appelle à ses côtés Einstein pour soutenir son raisonnement. le lieu et le temps sont deux espaces. Il faut les traiter comme tel. Et ils interagissent. Il sont de parentelle fréquençable. L'instant ici n'est pas l'instant là bas. le temps n'est pas universel, démonstration est donnée.

Le temps n'était pas égal dans le passé. Nous avions, en des temps non pas plus sereins mais moins précipités, la sagesse de considérer que toutes les heures n'étaient pas égales.
Les heures de la nuit n'étaient pas égales à l'heure du jour.
Sommes nous bien sûr qu'il soit intelligible pour notre esprit que huit heures de sommeil soient égales à huit heures de travail ? Comment notre corps, notre esprit peut il entendre cela ? La montre le dit, le réveil le prononce, mais l'homme comment le vit il ?
Il est étonnant que de nos jours on ait un tel soucis de sa propre durée. Endurer pour durer. Pourquoi ? puisque rien ne dure...
Durer jusqu'à cent ans. L'étrange affaire.
Et plus l'homme se soucie de sa durée et plus il crée l'obsolescence. Plus rien ne dure autour de lui, rien.
Court terme - au mieux moyen terme. Il est tellement préoccupé par sa durée qu'il en oublie de faire durer les choses. Plus il dure moins il a le soucis de transmettre.
Petit défaut d'éternité sans doute..

La durée est une notion qui pour finir empoisonne notre pensée.
Manie de durer, manie de le faire tous à la même vitesse. Manie de compter le temps comme des kilomètres. Manie d'aller vite, trop vite, si vite que l'on déraille.
Qu'est que c'est que cette manie de faire entrer les instants de chacun dans les heures de tous ?
Il n'y a pas si longtemps il ne paraissait pas stupide de dire qu'il fallait au moins toute une vie pour être un bon ouvrier.
Aujourd'hui en quatre ans vous voilà charpentier...
Tous dans le même ascenseur, et plus un chat dans l'escalier.
C'est pourtant sympa de taper la discute sur le palier....

Alors si pour Bergson nous filons horizontalement sur un long et triste rail, pour Bachelard nous gravissons un à un les instants.
Et comment ? D'une façon que nous tendons à rendre harmonieuse mais surtout, fait très important, nous devons gravir notre escalier en des rythmes différents.

Ce sont les rythmes que nous imprimons à notre ascension qui assurent sa réussite.

Nous ne vivons pas toujours au même rythme, et chacun a le sien, au moment qui lui convient.
C'est bien normal nous avons nos instants, notre temps qui n'appartient pas aux autres même si tous les escaliers s'entrecroisent, et que parfois nous partageons nos paliers.

Il faut comprendre les rythmes, les accepter, les défendre quoiqu'il s'en dise.

Il faut un rythme différent pour éviter la rupture.
«  Une réception du son trop uniforme est un principe de rupture de la matière ».

Quelles belles choses que les sciences lorsqu'elles servent l'humain !

Non, on ne traverse pas sa vie en ligne droite continue, d'un bloc ,prédestiné, la tête la première, à une vitesse soutenue et constante.
Bergson est un marathonien. Bachelard c'est celui qui se promène, qui se met à courir, qui s'arrête, qui marche, qui sautille, qui s'allonge, qui grimpe. Il est pointilliste.. «  L'idée du temps se ramène à un effet de perspective -Guyau » le voilà peintre !
A votre avis lequel des deux sommes nous naturellement tentés de suivre ?

L'intuition de l'instant c'est tout simplement l'intuition de sa vie, et si on ne suit pas cette bonne intuition il se peut que le marathonien , auquel nous jouons, arrive - peut être - mais peut être seul dans sa nuit.

Il faut lire, relire Bachelard, il fait du bien. Il parle à l'humain.
« Nous venons de loin avec notre sang chaud ».

Nos instants sont précieux, parce qu'ils sont uniques, parce qu'ils ne sont pas évidents, parce qu'ils nous échappent parfois, parce qu'ils arrivent lorsqu'on ne les attend plus, parce qu'ils ne se ressemblent jamais, parce que leur nouveauté nous donnent la force de continuer. Ils sont imprévisibles.
Lâchez les mauvaises habitudes, ne conservez que celles qui vous serviront à progresser sur le sentier. Les mauvaises sont souvent celles que vous empruntez aux autres, les bonnes sont les vôtres, elles vous viennent naturellement.

Bergson aurait aimé les autoroutes, Bachelard aimera toujours les sentiers.

Semestres, trimestres, années... Médailles à l'honneur du passé. « on comprend le passé par le présent, et il faut arrêter d'expliquer le présent par le passé ».
Pas évident, mais marche après marche, on peut y arriver.

Prenez votre temps, ne le comptez pas, ne le soupesez pas, vivez l'instant, une seconde dans un geste, une minute dans un regard, une heure sous un arbre, considérez chaque instant, même les plus pénibles, puisque , nous le savons bien, rien ne connaît d'éternité.

Vivre l'instant c'est reprendre son temps.
La durée ne nous est pas destinée, nous sommes accidentellement présent dans chaque instant.

« Il faut la mémoire de beaucoup d'instants pour faire un souvenir complet » !.

C'est la très belle mécanique de Bachelard.

J'oubliais : il n'a pas souhaité devenir horloger...Et il ne l'a ( je crois ) jamais regretté.

à noter : du 12 octobre 2012 au 21 octobre 2013, le Louvre-Lens nous invite à venir contempler « le temps à l'oeuvre ».
Astrid Shriqui Garain.
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Quelle est l'unité de base du temps ? Question centrale à laquelle répond Gaston Bachelard : l'instant. Seul l'instant existe. Démonstration convaincante contre les partisans de la durée, qui divisent l'unité de base en fragments imaginaires, alors que l'intuition de Bachelard renverse la perspective : seul l'instant est et la durée n'est qu'un produit de l'imagination.

Cette conception du temps n'est évidemment pas sans conséquences. Elle fait de la nouveauté et de la transformation une valeur absolue. Tout instant est un et nouveau. Toute répétition est reprise, c'est-à-dire modification insensible et totale. Cette idée du temps, je ne peux que la rapprocher de celle d'Alain Robbe-Grillet, de sa poétique de la reprise et de l'imagination triomphante, toujours prête à tout chambouler, à nier les individus que l'on croyait éternels, les faisant disparaître définitivement avant qu'ils ne réapparaissent tout aussi définitivement parce que l'instant est création d'un monde totalement nouveau à chaque fois. La poétique de Robbe-Grillet n'est cependant pas calquée sur celle de Bachelard, qui croit au progrès par l'habitude, c'est-à-dire par la mise en place de rythmes qui organisent les instants et créent chez les être humains ce qu'il appelle une conscience. Chez Robbe-Grillet, pas d'habitude, pas d'organisation rythmique, pas de progrès (surtout pas), pas de conscience ou du moins pas une seule conscience.

Ce qui différencie le penseur et le romancier, c'est sans doute que le premier est optimiste et le second pessimiste. le temps n'est qu'une succession d'instants toujours nouveaux mais l'illusion de durée que crée l'habitude peut féconder une philosophie, une sagesse créative, une morale, ou peut, si l'on pousse jusqu'au bout l'intuition de l'instant, détruire la possibilité même de toute habitude, de toute conscience, de toute morale et de toute création féconde, l'anarchie devenant totale, tout se détruisant à l'instant même de son apparition. Bachelard parie en faveur de la raison, du progrès et de l'ordre, Robbe-Grillet en faveur de l'imagination débridée, du bordel, de la liberté absolue.

La même intuition aboutit à une philosophie et à une poétique contraires. Quelle est la voie de la liberté ? Celle de l'habitude féconde ou celle du renversement constant de toute réalité autre que l'instant ? Faut-il apprendre quelque chose des instants passés pour créer des instants nouveaux meilleurs ou faut-il nier constamment les instants passés pour créer des instants vraiment nouveaux ? le souvenir est-il un outil nécessaire dans la construction du présent, même s'il n'existe en réalité pas, ou n'est-il lui-même qu'un instant présent qui mime un passé à jamais révolu et sans sens ? La morale et la science sont-elles possibles ? Question clé à laquelle il semble nécessaire de répondre par l'affirmative et de suivre donc Bachelard, même si c'est partiellement au prix de notre liberté. Il est pourtant nécessaire de ne jamais considérer cette réponse comme définitive et, à tout instant, de pouvoir user de notre liberté, qui est par principe illimitée.
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Attention, grand livre ! A partir d'une méditation philosophique d'un livre de M.Roupnel intitulé Siloë, Gaston Bachelard nous livre une pensée tellement forte, tellement poétique sur le temps qu'on ne peut qu'être complétement saisi par la pertinence et l'importance du propos. Même (et c'est mon cas) si on n'a pas lu le livre dont parle le philosophe barbu, cela n'a aucune importance tant l'écriture, limpide et précise, ne perd jamais son lecteur. Au contraire, on sent un véritable souci de prendre notre pensée par la main (!) pour l'emporter dans une délicieuse méditation sur le temps, où l'instant s'impose sur la durée. Il faut lire ce livre pour voir ce mariage aussi improbable que réussi entre philosophie et poésie célébrer l'attention au monde, une célébration d'un certain esprit poétique en somme.
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Acquis par hasard chez un bouquiniste, j'ai découvert un monde entre science, philosophie et poésie, celui de Gaston Bachelard! Non seulement la thèse développée est fascinante, puisqu'il s'agit en quelque sorte de déconstruire le concept bergsonnien de continuité temporelle, (tout un programme!) Mais la prose de Bachelard y est aussi admirable, si bien qu'on en oublie parfois le sens profond. Seul regret, ne pas pouvoir trouver le livre de G.Roupnel "Siloë"dont l'auteur s'inspire.
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Prémisse de l'oeuvre de Gaston Bachelard, cette "intuition de l'instant" (1932) à pour devenir les écrits postérieurs des années 1938 à 1961, à commencer par le célèbre "La psychanalyse du feu" au magnifique "La poétique de la rêverie".
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
C'est parce que nous nous unifions autour de notre nom et de notre dignité - cette noblesse du pauvre - que nous pouvons transporter sur l'avenir l'unité d'une âme. La copie que nous refaisons sans cesse doit d'ailleurs s'améliorer, ou bien le modèle inutile se ternit et l'âme, qui n'est qu'une persistance esthétique, se dissout.
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A ce point de notre exposé, si l'on nous demande de marquer avec une étiquette philosophique traditionnelle la doctrine temporelle de M. Roupnel, nous dirions que cette doctrine correspond à un des phénoménismes les plus nets qui soient. Ce serait en effet le caractériser très mal que de dire qu'il n'y a, comme substance, que le temps qui compte pour M. Roupnel, car le temps est toujours pris à la fois dans Siloë comme substance et comme attribut. On s'explique alors cette curieuse trinité sans substance que fait que durée, habitude et progrès sont en perpétuel échange d’effets. Dès qu'on a compris cette parfait équation des trois phénomènes fondamentaux du devenir, on se rend compte qu'il serait injuste d'élever ici une accusation de cercle vicieux. Sans doute, si l'on partait des intuitions communes, on objecterait facilement que la durée ne peut expliquer le progrès puisque le progrès réclame la durée pour se développer et on objecterait encore que l'habitude ne peut actualiser le passé puisque l'être n'a pas le moyen de garder un passé inactif. Mais l'ordre discursif ne prouve rien contre l'unité intuitive qu'on voit s'éclairer en méditant Siloë. Il ne s'agit pas en effet de classer des réalités mais de faire comprendre les phénomènes en les reconstruisant de multiples façons. Comme réalité, il n'y en a qu'une : l'instant. Durée, habitude et progrès ne sont que des groupements d’instants, ce sont les plus simples des phénomènes du temps. Aucun de ces phénomènes ne peut avoir de privilège ontologique. Nous sommes donc libres de lire leur rapport dans les deux directions, de parcourir le cercle qui les relie dans les deux sens.
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L'amertume de la vie, c'est le regret de ne pouvoir espérer, de ne plus entendre les rythmes qui nous sollicitent à jouer notre partie dans la symphonie du devenir
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Si notre cœur était assez large pour aimer la vie dans son détail, nous verrions que tous les instants sont à la fois des donateurs et des spoliateurs et qu'une nouveauté jeune ou tragique, toujours soudaine, ne cesse d'illustrer la discontinuité essentielle du temps.
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« Il faut la mémoire de beaucoup d'instants pour faire un souvenir complet ».
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