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EAN : 9782020970235
464 pages
Seuil (13/10/2011)
4/5   8 notes
Résumé :
Les deux êtres qui se rencontrent dans la Vienne de 1948 encore occupée par les troupes alliées, sont issus de cultures et d'horizons différents, voire opposés : Ingeborg Bachmann est la fille d'un instituteur, protestant, ayant adhéré au parti nazi autrichien avant même l'accession de Hitler à la chancellerie du Reich (1932) ; Paul Celan, né dans une famille juive de langue allemande de Czernowitz, au nord de la Roumanie, a perdu ses deux parents dans un camp allem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La correspondance majeure et éclairante de deux immenses poètes, Bachmann et Celan, leur amour impossible, mélangé de fiertés et de fractures, intense, aussi brûlant que chacun d'eux l'était.
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critiques presse (3)
NonFiction
11 avril 2012
La correspondance intellectuelle et amoureuse entre deux êtres que tout oppose : Ingeborg Bachman et Paul Celan.
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LeMonde
14 novembre 2011
Un dialogue d'une autre nature s'instaure dès lors entre les deux poètes, au bord du silence, par oeuvre interposée. Conversation muette, dialogue imaginaire, dont la correspondance établit en creux la trace et qui se poursuivra par-delà le suicide de Celan en 1970 jusqu'à la mort de Bachmann en 1973.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Telerama
26 octobre 2011
L'obscurité, l'opacité de la poésie de Celan ne sont pas de celles contre lesquelles on se heurte et on renonce, mais de celles qui vous happent, vous enveloppent et vous portent.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Vienne, ce 25 août 1949.

Mon chéri,

Cette lettre ne sera pas facile ; sans question et sans réponse, une année est passée, avec des petits mots peu nombreux, mais très tendres, de tout petits essais de parole, dont à ce jour il n’est pas encore sorti grand-chose. Te souviens-tu encore de nos premières conversations téléphoniques ? Combien cela était difficile ; moi, quelque chose ne cessait de m’étouffer, un sentiment qui n’était pas sans rapport avec celui qui jusqu’ici portait nos lettres. Je ne sais pas si tu en conviendras avec moi, mais je veux bien le supposer.

Ton silence était sûrement différent du mien. Pour moi il va de soi que nous n’allons pas parler maintenant de toi ni de tes motivations. Elles m’importent et m’importeront toujours, mais s’il faut mettre quelque chose dans la balance, alors que ce ne soit rien qui te concerne. Pour moi tu es toi, pour moi tu n’es « coupable » de rien. Tu n’as pas besoin de me dire quoi que ce soit, mais je me réjouirai du moindre mot. Pour moi il en va autrement. Je suis sans doute la plus simple de nous deux, et pourtant c’est à moi de m’expliquer, parce que pour toi, c’est plus difficile à comprendre.
Mon silence signifie avant tout que je voulais conserver les semaines comme elles étaient, je ne voulais en effet rien d’autre qu’avoir de temps en temps par une carte de toi la confirmation que je n’avais pas rêvé, mais que tout était effectivement comme c’était. Que je t’avais aimé, sans que rien n’ait changé, sur un plan qui était « au-delà des marronniers ».

Puis est arrivé ce printemps et tout est devenu plus fort, plus ardent et est sorti de la cloche de verre sous laquelle je l’avais placé. De nombreux projets ont vu le jour, je voulais aller à Paris, te revoir, mais je ne peux pas te dire ni pourquoi ni dans quel but. Je ne sais pas pour quelle raison je te veux ni à quelle fin. Et j’en suis très contente. D’habitude, je ne le sais que trop.

Pour moi il s’est passé énormément de choses cette année ; j’ai pas mal avancé, j’avais beaucoup de travail, j’ai jeté sur le papier quelques premières choses, avec énormément de doutes, d’inhibitions, d’espoirs.

Sais-tu encore à quel point tu étais toujours un peu désespéré par ma franchise dans certaines choses ? Je ne sais pas ce que tu veux ou ne veux pas savoir maintenant, mais tu dois bien te douter que depuis toi le temps n’a pas passé pour moi sans relations avec des hommes. Le souhait que tu avais à l’époque à ce sujet, je l’ai accompli ; cela non plus je ne te l’ai pas encore dit.

rien n’a abouti à un véritable lien, je ne reste nulle part longtemps, je suis moins tranquille que jamais et je ne veux ni ne peux promettre rien à personne. Combien de temps peut bien séparer nos mois de mai et juin de tout cela, demandes-tu : pas un jour, sais-tu, mon chéri ! Mai et juin, c’est pour moi ce soir ou demain midi et il en sera ainsi de nombreuses années encore.

Tu m’écris avec une telle amertume sur la manière bizarre dont je me serais comportée lorsque j’étais devant l’alternative Paris ou l’Amérique. Je te comprends trop bien, et c’est très douloureux maintenant aussi pour moi que tu aies perçu les choses ainsi. Quoi que je réponde à ce sujet, ce sera faux. Peut-être voulais je juste voir de la sorte si tu tenais encore à moi ; pas de façon délibérée, mais plutôt inconsciemment. Et je ne voulais pas non plus choisir entre toi et l’Amérique, mais quelque chose à l’écart de nous. Et puis s’ajoute à cela qu’il est difficile de te faire saisir à quel point d’un jour à l’autre les projets sont dépassés et prennent un autre visage. Aujourd’hui il s’agit de bourses dont il ne sera plus question demain, parce qu’il faut les solliciter dans un certain délai, qu’on ne peut pas respecter, et puis il manque des attestations qu’on ne peut pas produire. À ce jour j’ai réussi à avoir deux recommandations, une pour une bourse d’études à Londres, une autre pour Paris, mais je ne peux pas te dire avec certitude ce que ça donnera et je fais ces demandes sans idée précise, seulement dans l’espoir qu’une d’entre elles sera satisfaite à un moment quelconque. D’autre part il y a quelqu’un qui voudrait m’emmener à Paris avec lui. Je suis à peu près sûre que ça va se faire, parce qu’un jour cela a déjà failli être le cas. Pour le moment l’obstacle, c’est moi, parce que les examens terminaux du doctorat traînent en longueur à un point inimaginable.

Tu pourrais conclure de tout cela que j’étais très loin de toi. Je ne peux te dire qu’une chose, aussi invraisemblable que ça me paraisse à moi-même, je suis très proche de toi.
C’est un bel amour, dans lequel je vis avec toi, et ce n’est que parce que j’ai peur d’en dire trop que je ne dis pas que c’est le plus beau.

Paul, je voudrais prendre ta pauvre belle tête entre mes mains et la secouer pour lui faire comprendre clairement qu’en cela j’en dis beaucoup, beaucoup trop pour moi, car tu dois bien encore savoir combien c’est dur pour moi de trouver les mots. J’aimerais que tu puisses lire tout ce qui est écrit ici entre les lignes.

[Lettre inachevée, non envoyée]

Vienne, le 25 septembre 1951
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Vienne, le 25 septembre 1951

Cher Paul,

Je vais ces jours-ci te renvoyer l’anneau que tu m’as donné l’an passé ; simplement je ne sais pas encore si je peux, sans autre forme de précaution, le confier à la poste ou s’il faut que j’attende que quelqu’un aille à Paris. Dès que je me serai renseignée, je t’écrirai pour te dire si je peux choisir le premier et le plus simple moyen d’acheminement.

Je dois d’abord te prévenir que j’ai enfin eu l’occasion de voir Nani en tête à tête ; on a parlé de diverses choses ; de diverses choses que je tenais à savoir.

Ton désir de récupérer l’anneau m’a moins surprise que les souvenirs que tu y associes. J’aurais très bien compris que tu tiennes beaucoup à garder ce souvenir de ta famille et rien qu’à cause de cela, je n’aurais pas un instant hésité à te le rendre, je ne l’aurais certainement pas mal interprété et par conséquent je ne me serais pas non plus sentie blessée.
Mais il a fallu que j’apprenne aujourd’hui, même si c’est par les allusions pleines de tact de Nani, que le souvenir des conditions dans lesquelles ce « cadeau » a été fait m’aurait ou t’aurait troublé. Le soupçon que tu exprimes ainsi au fond du cœur par rapport à moi – et sans doute aussi par rapport à Nani – me paraît si monstrueux, qu’il me faut même encore aujourd’hui, deux jours après en avoir été informée, me ressaisir pour avoir les idées claires et ne pas montrer l’amertume et le désespoir qui menacent de m’envahir.

Paul, crois-tu donc vraiment que cet anneau – dont je connaissais l’histoire – et que cette histoire soit sacrée pour moi, tu n’as pas pu le contester dans tous les reproches que tu m’as faits – j’aurais pu me l’approprier par caprice, simplement parce que je l’aurais vu et qu’il m’aurait plu ? Je ne veux pas me justifier devant toi, je ne veux pas non plus avoir raison, car il ne s’agit pas ici de toi ni de moi, en tout cas pas pour moi – mais seulement de savoir si ce dont je réponds existe et résiste devant ce que représente cet anneau. Et je n’ai rien à te dire si ce n’est que ma conscience devant les morts qui ont porté cet anneau existe et résiste. Je l’ai accepté comme un cadeau de toi et je l’ai porté ou conservé, en gardant toujours à l’esprit sa signification.

Aujourd’hui je comprends mieux beaucoup de choses : je sais que tu me détestes et que tu te méfies profondément de moi, et je te plains – car je suis inaccessible à ta méfiance – et je ne la comprendrai jamais – je te plains parce que, pour surmonter une déception, tu as un tel besoin de détruire, à tes yeux et aux yeux des autres, l’autre qui t’a causé cette déception.

Que je t’aime quand même, c’est, désormais, mon affaire à moi. En tout cas je n’aspire pas, comme toi, d’une manière ou d’une autre, par un reproche ou un autre, à en finir avec toi, à t’oublier, ou à te chasser de mon cœur ; je sais aujourd’hui que je n’en finirai peut-être jamais avec tout cela, sans toutefois jamais rien perdre de ma fierté, comme toi, tu seras fier un jour d’avoir apaisé tes sentiments à mon égard, comme des sentiments à l’égard de quelque chose de très méchant.

N’oublie pas, s’il te plaît, de m’écrire à propos de tes poèmes ; je ne voudrais pas que tout le reste dont nous avons convenu par ailleurs souffre de nos affrontements personnels.
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Vienne, ce 24 nov[embre] 1949.

Cher, cher Paul

On est maintenant en novembre. La lettre que j’ai écrite en août est encore posée là : tout est si triste. Tu l’as peut-être attendue. L’acceptes-tu encore aujourd’hui ? Je sens que j’en dis trop peu, que je ne peux pas t’aider. Je devrais venir, te regarder, te sortir de là, t’embrasser et te tenir pour que tu ne sois pas emporté au loin. Il faut que tu y croies, un jour je viendrai et je te ramènerai. Je vois avec effroi comme tu es entraîné vers le large sur une mer immense, mais je vais me construire un bateau pour t’arracher à la perte et te ramener à bon port. Tu dois simplement y contribuer aussi toi-même et ne pas me rendre la tâche trop difficile. Le temps, comme beaucoup de choses, est contre nous, mais il faut l’empêcher de détruire ce que nous voulons en sauver.

Écris-moi vite, je te prie, et écris-moi si tu veux bien encore un mot de moi, si tu peux encore accepter ma tendresse et mon amour, s’il y encore quelque chose qui puisse t’aider, s’il t’arrive encore de tendre la main vers moi et de me recouvrir de l’obscurité de ce mauvais rêve où j’aimerais être lumineuse.

Essaie de le faire, écris-moi, pose-moi des questions, débarrasse-toi de tout ce qui pèse sur toi en l’écrivant !

Je suis tout près de toi

À toi

Ingeborg.



Vienne, ce 25 août 1949.
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