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Nous sommes dans un futur proche, et la vie a bien changé dans le sud-ouest américain…et pas dans le bon sens. Oh, ce n'est pas tant du fait qu'il est plus précieux de posséder des yuans que des dollars, maintenant que la Chine est devenue le nouvel eldorado. Non, le problème, c'est la raréfaction de l'eau, sous l'effet de cette sécheresse qui la rend plus précieuse que l'or ou le pétrole. D'ailleurs les texans ne sont rien moins que des réfugiés dans des Etats voisins pas nécessairement mieux lotis, et qui ont érigé des frontières, dans une Amérique au bord de l'implosion où l'Etat fédéral manque de moyens pour maintenir l'unité. En tout cas, les inégalités règnent plus que jamais. Car si la plupart des gens en sont réduits à traîner la savate, en se prostituant bien souvent, pour arriver à se payer une bouteille d'eau, et pour payer leur loyer à des racketteurs, les affaires d'une certaine Catherine Case prospèrent. A force de racheter les puits et réserves d'eau des fermiers, elle s'est accaparée l'essentiel de l'eau restant disponible pour édifier à Phoenix, Arizona, une sorte de Ville-bulle, sous cloche, dotée de tout un éco-système de plantes, de cascades d'eau, et toutes commodités pour permettre à des gens fortunés de vivre dans le confort dans ce monde en perdition. Et pas question de laisser entrer n'importe qui dans cette « arcologie ». Hors de cette bulle, Phoenix se meurt, c'est une ville fantôme, desséchée et abandonnée, comme la plupart de ses voisines. A côté, Vegas repliée sur elle-même continue d'amuser une poignée de riches selon le même système d'arcologie. Les chinois ont l'expertise pour construire ces villes-monde sur le sol américain. C'est la guerre entre les équipes de water knifes de Catherine Case, et d'autres groupes qui cherchent à survivre ou faire des affaires et trafics, dans une atmosphère sectaire où pour s'éclater encore un peu il faut se procurer du bubble, la dernière drogue en vogue. Sauf qu'elle peut conduire à des orgies finissant trop souvent dans un bain de sang. Car si les personnages qui défilent sous nos yeux travaillent pour des organisations qui se livrent à cette guerre de l'eau, chacun doit se méfier de son collègue et ami, tellement la tentation est forte de faire du fric à titre personnel…La violence est partout, l'hémoglobine omniprésente. On ne peut faire confiance en personne, si l'on veut avoir une chance de vivre encore un peu. Water knife fait froid dans le dos parce qu'il est plus que plausible. On est là autant dans une intrigue de thriller voire de polar que dans la science-fiction. L'auteur nous maintient en haleine, il y a du suspense, du rythme, et les personnages sont nuancés dans leur personnalité, tant Angel le water knife à peau tannée, que la journaliste qui voudrait bien comprendre comment on a fait la peau dans d'atroces tortures à son ami avocat Jamie Sanderson qui prétendait que les droits sur l'eau du fleuve Colorado appartiennent aux Indiens. On pourrait les trouver assez sympathiques, ainsi que d'autres que l'on croise, pas forcément pour longtemps, car rien n'assure qu'ils ne seront pas flingués quelques pages plus tard, tellement ça dézingue sans pitié. Paolo Bacigalupi signait là un livre coup de poing, en 2015, qui laissait augurer le pire…Depuis, ce pire s'avance de plus en plus sûrement dans cette partie de l'Amérique, en proie aux incendies incessants pour cause de sécheresse devenue quasi-permanente, où les gigantesques exploitations agricoles sont bien décidées à pomper jusqu'à la dernière goutte d'eau douce, et où les affaires des armuriers se portent à merveille...A quand une civil war ? Un grand merci à babelio et aux éditions Au Diable Vauvert pour cet envoi de qualité dans le cadre du Masse critique consacré aux littératures de l'imaginaire. + Lire la suite |