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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Deux journalistes du « Monde » ont mené une enquête sérieuse et complète sur la ville de Trappes.
Enquête qui a un côté très agréable car commençant presque comme un roman.
On y découvre Jamel Debbouze, Omar Sy, la Fouine, Anelka, Sophie Aram….. originaires de Trappes, et bien sûr les habitants anonymes
Années 60, première vague de migrants recrutés par le gouvernement français
Années 80, délinquance, trafic de drogue, prostitution, bandes organisées. La première génération semble sans espoir. Heureusement, des animateurs fabuleux tentent de sauver tous ces gamins paumés.
Années 90, l'Islam prend une tournure inquiétante, le phénomène de radicalisation est en route, restreignant la liberté des femmes et recrutant de futurs djihadistes.
Trappes a toujours eu une vocation de ville qui accueille.
10000 habitants au départ, puis en 1973 14000 nouveaux venus des bidonvilles de Nanterre, des migrants actuellement……
Et malgré tout cela, la solidarité entre habitants reste forte.
Bravo à Raphaëlle Bacqué et à Ariane Chemin qui ont réalisé cette solide étude très enrichissante.
Elles ont su rester concrètes, objectives et bienveillantes et nous font voir d'un autre oeil cette population cosmopolite et la dérive alarmante amenée par le salafisme, le wahhabisme et toutes les mouvances musulmanes intégristes..
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L'histoire commence par une scène digne des meilleurs films à suspens. La course folle de jeunes gosses s'abime dans le fracas d'un train lancé à pleine vitesse. L'action se situe à Trappes, à quelques encablures de Paris, au début de l'année 1990. L'ouvrage s'achève au siècle suivant dans un café où les femmes n'osent plus mettent les pieds.
Entre ces deux évènements, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin retracent l'épopée d'une ville de banlieue communiste, située au milieu de champs de blé, devenue au fil de l'eau l'un des fiefs d'une communauté wahhabo-djihadistes. Faisant oeuvre de quasi historiennes et de sociologues, les deux journalistes ont délibérément choisi d'incarner leurs propos par des destins emblématiques. Certains sont très connus du grand public (Djamel Debouzze, Omar Sy, Nicolas Anelka, la Fouine), d'autres oubliés ou méconnus (le maire, les dirigeants du club de foot, des enseignants, un libraire, des apprentis terroristes…) mais aussi les kyrielles d'anonymes. Ces derniers oeuvrent au quotidien autant que se peut pour maintenir une famille, une association, une cité. Au fil des pages, l'utopie d'une cité radieuse bâtie en vue d'accueillir la main d'oeuvre ouvrière étrangère à lors des trente glorieuses se transforme progressivement en une ville abandonnée de tous, aux mains d'une communauté enfermée sur elle-même. La crise économique, l'antisémitisme grandissant, la question du voile dans l'espace public, la disparation du Parti communiste, les enjeux politiques nationaux et les guerres au Moyen-Orient, Charlie et les attentats de Paris s'invitent dans le paysage pour le modifier à jamais.
Désertée, oubliée de tous, la ville de Trappes semble bien démunie et trop fragile pour pouvoir répondre aux immenses défis auxquels elle est confrontée. Par un travail de terrain rigoureux, par leur approche humaniste, les deux journalistes arrivent à faire comprendre les rouages d'un immense gâchis politique et social. La qualité de leur et plume et l'intelligence de la structure narrative inscrivent pleinement ce documentaire au rang des grandes oeuvres littéraires contemporaines.
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A la croisée du journalisme, de l'histoire, et de la sociologie, l'enquête de Raphaelle Bacqué et d'Ariane Chemin retrace l'évolution de la ville de Trappes, passée en quelques décennies de bastion communiste au titre, peu élogieux, d'une des capitales européennes du jihadisme. Plus prosaïquement, l'ouvrage s'inscrit dans la lignée du travail de Davet et Lhomme, eux aussi journalistes au Monde, auteurs de ''Inch'allah'' (2018), qui analysaient l'islamisation croissante en Seine-Saint-Denis. Ces thèmes, abrasif au possible, et jadis réservés aux commentateurs les plus sulfureux du débat intellectuel hexagonal ; Zemmour, Obertone, ou Guilluy parmi d'autres, se voient aujourd'hui réappropriée par une strate plus consensuelle, étiquetée centre-gauche, qui aspire à livrer son analyse sur ce qui se trame en banlieue.

L'ouvrage parvient parfaitement à retranscrire la genèse de la ville de Trappes sous l'égide du maire historique Bernard Hugo, qui a officié de 1966 à 1996. Fief communiste par excellence, Trappes s'est construit sur le prisme du multiculturalisme. En effet, dans les années 1950-1960, l'État français fit venir moult travailleurs étrangers, notamment maghrébins et plus particulièrement du Maroc, ceci afin de fournir une main d'oeuvre bon marché au patronat de la région. Cette immigration, purement de travail et masculine, qui se voulait temporaire, a par la suite perduré. Pompidou puis Giscard d'Estaing, en accord avec les patrons, privilégièrent la piste du regroupement familial pour éviter que les travailleurs ne retournent chez eux. Cette décision a profondément bouleversé la sociologie de la France et en particulier des banlieues. A la fin des années 1970, l'État français, essayant de faire marche arrière en proposant des ''primes de retours'' n'a pu que constater qu'elles n'intéressaient plus personne, et que les populations immigrés s'étaient installées définitivement sur le territoire.

Bacqué et Chemin parviennent parfaitement à retranscrire cette mutation. On comprend que la prééminence actuelle de l'Islam à Trappes est avant toute chose une histoire de nombre puisque la ville de 30 000 habitants compterait environ ''70% de musulmans''. La deuxième et, surtout, la troisième générations, rejettent la conception religieuse de leur aînées qui voient la religion avant tout comme une affaire privée. Tandis que le communisme s'effrite, pour ensuite quasiment disparaître, la revendication, poussée par le nombre, devient politique comme attestée par l'alliance de l'UMT (Union des Musulmans de Trappes) avec le socialiste Guy Malandain, qui arriva à la mairie contre la promesse de la construction d'une grande Mosquée au début des années 2000. C'est à cette période que la bascule se fait, irrémédiablement. Anciennement un melting pot de cultures diverses ; maghrébins, portugais, capverdiens, ces populations fuient la ville sous la poussée de l'islam politique. A la même période, l'incendie de la Synagogue couplée à l'hostilité croissante de la population à l'aune du conflit Israélo-Palestinien convainquirent les Juifs de déserter la Trappes.

L'islam fît réellement son entrée dans Trappes sous l'impulsion des Tablighis puis des Salafistes et Wahhabites. Plutôt accueillis avec bienveillance par les aînés bien qu'ils rompaient avec leur conception de la religion, ils arrivaient à détourner les jeunes de la délinquance et de la toxicomanie, véritables plaies à Trappes. Cela a eu pour conséquence de bouleverser la sociologie de la ville et la vie quotidiennes des Trappistes. L'enquête fourmille d'exemples et d'anecdote qui éclaire sur l'ampleur du phénomène. Ainsi, il est devenu très difficile pour les professeurs d'évoquer certains sujets scientifiques, le Darwinisme, ou politiques, la laïcité. Les émeutes de 2005 ou encore les oppositions à Charlie en témoignent. L'espace public est de plus en plus fragmenté selon le sexe ; prééminence du voile, impossibilité pour les femmes d'aller dans certains endroits, etc...

Au final, Bacqué et Chemin offrent une enquête détaillée et approfondie de la ville de Trappes. le livre, construit autour de témoignages de gens plus ou moins connus (Omar Sy, Nicolas Anelka, Jamel Debbouze) permet de saisir la complexité de la situation. On comprend parfaitement comment l'Islam a pu s'implanter dans la ville de Trappes, aidé par des responsables politiques qui n'ont pas su saisir à temps la portée du phénomène. L'ouvrage, équilibré et facile d'accès, ne tombe pas dans le piège de la binarité qu'utilisent parfois les médias pour dépeindre les banlieues. Il est, au contraire, équilibré, dans sa démonstration de la l'évolution douce et tranquille, bien qu'inéluctable, de Trappes. On aurait toutefois aimé une cinquantaine de pages supplémentaires sur la situation actuelles et ses conséquences. En effet, certains évolutions majeures des moeurs sont survolées ou, au mieux, évoquées trop sporadiquement. Ainsi, la séparation hommes/femmes dans un certain nombre de lieux, l'homosexualité qui ''reste un tabou en banlieue'', les nouvelles générations en rupture avec leurs aînés à qui elles reprochent un dévoiement du véritable islam ; tous ces sujets auraient mérité un approfondissement plus détaillé tant ils sont fondamentaux. C'est peut être la seule limite de l'ouvrage, qui ne s'autorise pas d'aller au bout de son propos en voulant préserver un propos le plus neutre possible. ''Communauté'' reste toutefois un travail sérieux et fascinant sur cette anomalie qu'est la ville de Trappes, banlieue populaire des Yvelines, ceinturée par des villes riches et cossus, et devenu l'épicentre du jihadisme en France. Avec 67 de ses enfants partis au jihad, la ville signe un triste record européen.
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Livre très instructif sur l'état d'une certaine banlieue en France, de l'évolution de sa population, des faiblesses ou aveuglement politique. Migration, intégration, chômage, désoeuvrement, religion, jeunesse. Tout y est dit
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