Roland Bacri, journaliste au Canard enchaîné, est né à Bab-el-Oued un premier avril, du temps de l'Algérie française. Il vient de s'éteindre, fin mai 2014, dans sa quatre-vingt-huitième année.
Son « Trésor des racines pataouètes » publié chez Belin dans la collection plus ou moins linguistique « le français retrouvé » se veut une sorte de dictionnaire du français « de là-bas », précédé d'une bonne introduction distinguant « pataouète » et « sabir ». Pataouète : plutôt la langue truffée de régionalismes, des « Européens » d'Algérie ; le « sabir » se rapprochant d'un créole, parlé par certains arabophones.
Viennent ensuite une liste d'expressions pataouètes, quelques proverbes pieds-noirs, une liste de mots français venant de l'arabe, une délicieuse fable (la cigale et la fourmi), en sabir ce coup-ci, et gentiment antisémite ("Li jouif y couni pas quiski cit la mousique/ Millor li bon douro afic li bon magzin// qu'one tam-tam magnific/Qui l'embite li voisin") et une liste de personnalités pied-noires célèbres ou qui vont le devenir.
Une culture en voie de disparition - « quand nous serons tous bientôt morts », comme le dit
Leila Sebbar (nous, les gens de toutes cultures nés en Algérie avant, disons, 1954) - et donc, dans cette optique, un livre utile.
En revanche, ce que j'aime moins, c'est cette gouaille perpétuelle, esprit potache à la Canard enchaîné, pour moi, vite lassante – mais ce n'est que mon avis, d'autres peuvent y prendre plaisir.
Enfin, cerise sur la gâteau, les illustrations sont de l'insuffisamment connu Charles Brouty, l'auteur du merveilleux « Aïcha et le petit mouton », livre pour enfant aujourd'hui introuvable, mais qui peut encore se consulter en PDF sur Internet.