AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de zenzibar


Livre reçu dans le cadre de masse critique, merci à babelio et à philosophie éditions

Le titre de ce livre est naturellement une référence au livre de Lénine rédigé lors de son exil en Finlande, livre de réflexion de stratégie de prise de pouvoir écrit avant 1917.

Un livre dialogue entre les deux philosophes Alain Badiou et Marcel Gauchet sur « l'hypothèse communiste ». Pour l'anecdote les deux penseurs ont échangé dans les locaux du siège du parti communiste français à Paris, de l'hôtel Lutetia et des éditions Gallimard…. le choix du second lieu a de quoi laisser perplexe eu égard au contenu des échanges, outre qu'il s'agit d'un établissement de luxe, ce fut aussi le quartier général de la gestapo.

Cette hypothèse communiste est le retour en force de Marx que les logiques mortifères du capitalisme financier ont réussi le tour de force de remettre en selle le vieux barbu. On se souvient que le système de Marx est fondé sur le matérialisme historique, c'est-à-dire sur une « loi » qui constituerait le moteur de l'histoire, le développement des forces productives permettrait aux classes sociales dominantes, à un moment historique, d'imposer un mode de production.
Dans ce déterminisme, le capitalisme après avoir imposé son hégémonie sur l'ancien régime est voué à connaitre des crises à répétition, jusqu'à la crise finale, en raison de la loi de la baisse tendancielle et inéluctable du taux de profit. le prolétariat serait ainsi conduit le à prendre le pouvoir pour instaurer le communisme.

Or, la chute du mur de Berlin en 1989 semblait couronner le triomphe définitif du modèle capitaliste sur le socialisme à tel point que le philosophe Fukuyama énonçait avec autorité « la fin de l'histoire ».
C'est sur ces fondements idéologiques tous les acquis de l'Etat providence, institués pour éviter que les citoyens ne soient tentés par le « modèle » socialiste étatique alors en vigueur en URSS et en Chine ont été progressivement remis en question.
En 2008, il y a eu la chute de la maison Lehman Brothers et du modèle économique sur lequel la banque était adossée. le système était réputé s'auto réguler, il était mathématiquement prouvé qu'une crise n'était plus possible, « l'optimisation des facteurs de production », garantie pour que l'Etat n'intervienne pas et abroge les réglementations mises en place à la suite de la crise de 1929 et du nouvel ordre mondial de 1945. Les algorithmes miraculeux veillaient à la place des réglementations désuètes.
Mais cette nouvelle crise n'est en réalité que la plus violente d'une série à périodicité de plus en plus rapprochée, sans oublier toute les affaires (LTCM, Enron, Vivendi…) qui illustrent l'irrationalité des acteurs financiers et la prise de risques incontrôlée par appât du gain, susceptible de provoquer des crises systémiques. Nous sommes à des années lumière de la main invisible qui garantit les grands équilibres à la fois micro et macro économiques.

Les deux philosophes se rejoignent sur le caractère toxique du capitalisme financier,
Ainsi pour Gauchet « Nous avons aujourd'hui, avec la gangrène de la finance, un capitalisme de prédation, voué à la crise permanente du fait de sa perpétuelle fuite en avant, portée par des instruments de plus en plus déconnectés du réel et incontrôlables », difficile de faire un réquisitoire plus incisif.
De même, il semble y avoir consensus pour considérer qu'il y a une césure entre Lénine, et Marx. le second n'aurait pas été favorable à une dictature de l'Etat, fut-elle imposée au nom du socialisme.
Cette appréciation est pour le moins discutable, Marx n'acceptait pas la contradiction et la biodiversité dans les différentes sensibilités de l'idée du socialisme, il avait une haute idée du caractère scientifique de ses conclusions. le léninisme porte bien les gênes de Marx.

En revanche, la ligne de partage entre les deux philosophes passe par les moyens de réformer les défauts du capitalisme. Gauchet est persuadé qu'il peut être réformé dans un cadre démocratique conventionnel, ce qui n'est évidemment pas le point de vue de Badiou qui considère que les détenteurs du pouvoir ne renonceront pas à leurs intérêts.
Sans adhérer aux conceptions de Badiou notamment à l'égard du maoisme, on ne peut que relever que les espérances de Gauchet pêchent par optimisme.
Les plus grands progrès sociaux du XXéme siécle dans les pays industrialisés les plus modernes ont été rendus possibles, non par philanthropie ou sagesse des détenteurs du pouvoir financier mais parce qu'il y a eu une conjonction exceptionnelle de facteurs favorables en 1945 et dans les années suivantes pour mettre en place les fondations de l'Etat providence. Certes on peut espérer que les grands défis à affronter aujourd'hui puissent provoquer un électro choc dans les consciences collectives et individuelles, mais le chemin semble encore très escarpé, c'est un euphémisme.

Un dialogue de grande qualité entre deux grands esprits, qui met le doigt là où cela fait mal mais qui ne répond pas à la question « que faire ?»
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}