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EAN : 9782021448962
128 pages
Seuil (29/10/2020)
4/5   2 notes
Résumé :
Depuis l’avènement de l’internet grand public dans les années 1990, le web a été perçu comme un outil au service de la liberté d’expression. Mais face à la montée de la désinformation et des discours de haine, une régulation nouvelle se met en place. Les États légifèrent pour encadrer la prise de parole en ligne. Les grandes entreprises du numérique se voient octroyer des pouvoirs de filtrage et de blocage des contenus. Le problème survient lorsque l’opacité de ces ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
À son origine, le web avait été créé dans un esprit de liberté, de communication directe, sans pouvoir supérieur. Mais en plus de trente ans, du fait de son ampleur, il a changé, s'est professionnalisé. Il est devenu pour nous tous un moyen formidable de communication (vous lisez ces lignes grâce à lui), quel que soit le contenu. Pour d'autres, c'est un business, un moyen de gagner de l'argent en servant d'intermédiaire entre des entreprises et des publicitaires. Pourquoi pas ?

Mais ce qui inquiète, ces dernières années, c'est l'augmentation et l'organisation constantes des discours haineux. Difficile d'échapper à des réactions plus ou moins violentes dès que l'on aborde des sujets d'actualité, surtout quand ils traitent de relation aux autres (étrangers, mais aussi différences de « classes sociales »). Comment réagir pour permettre à tous de s'exprimer, pour ne pas empêcher des voix de se faire entendre ?
En partant de l'origine du web, Romain Badouard dresse un portrait clair et rapide de cet outil qui nous est devenue en quelques années totalement indispensable (les périodes de confinement ont encore augmenté cette nécessité). Il nous montre comment les différents acteurs du web ont réagi face à l'augmentation du trafic. Et, surtout, comment les états se sont positionnés face au web. Il étudie surtout les États-Unis et l'Europe, en particulier la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont les réponses sont souvent différentes. Conceptions autres du droit, donc réactions autres devant les problèmes posés par le web. Par exemple, aux États-Unis, il est impensable d'interdire des propos, quel qu'ils soient, liberté d'expression oblige. Alors qu'en France ou en Allemagne, certains propos particulièrement racistes ou incitant à la violence sont bannis des sites.

Et pour éliminer ou diminuer l'influence de ce genre de paroles, plusieurs solutions existent, dont l'interdiction pure et simple avec effacement des posts. Mais aussi, plus sournoise, l'invisibilisation. Mesure efficace, donc terrible si elle n'est pas appliquée avec discernement. Or, qui s'occupe de choisir ce que l'on fait disparaître, ce que l'on invisibilise. C'est l'un des grands enjeux des années à venir : peut-on laisser les Facebook ou Google décider pour nous de ce qui est publiable ou non ? En fin de livre, l'auteur propose des pistes qui, selon lui, sont les plus efficaces.

Les nouvelles lois du web est un ouvrage court et très simple à lire (un style et pas de notes de fin d'ouvrage pléthoriques, par exemple). Il dresse un portrait assez complet de nos relations avec ce moyen de communication à travers les années. En nous permettant d'y réfléchir en toute connaissance de causes, il se montre bien utile, voire nécessaire, tant nos vies sont liées au web de nos jours, et sans doute pour longtemps.
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Romain Badouard nous embarque avec cet intéressant et court essai à travers l'histoire juridique du Web, de ses prémices à ses frémissements actuels, avec comme point de mire la modération du contenu déposé sur les plates-formes.

Structuré en quatre partie, Les nouvelles Lois du Web s'ouvre sur un aperçu succinct des législations numériques françaises, allemandes et américaines dont il met en perspective les philosophies sous-jacentes : un droit inaliénable à l'expression d'opinion et à la parole américain (on considère outre-atlantique que "la loi de l'opinion" équilibrera, telle la loi du marché, les fake et les raisonnables news) fait face à une philosophie franco-allemande où l'interdiction de contenu négationniste est nécessaire pour garantie cette même liberté de parole.

Le second chapitre propose un état des lieux des différentes techniques et approches de la modération : l'externalisation et le digital labor (ou microtravail, on peut lire à ce sujet le très instructif En attendant les robots d'Antonio A. Casilli) sont de mise, tandis que les clauses de confidentialité abusives et les conditions de travail déplorables sont là pour rappeler que le travail pénible est toujours délocalisé, quel que soit le secteur...La modération est ses différents niveaux d'automatisation soulignent les difficultés des algorithmes à filtrer avec finesse les différents contenus signalés (nu artistique bloqué, harcèlement bien tourné laissé aux yeux de tous), et les plateformes ciblent de plus en plus, plutôt que l'analyse du contenu posté, celle du comportement de l'utilisateur (interactions et heures de post) pour distinguer comportements normaux et anormaux.

Le troisième chapitre est quant à lui consacré au grand paradoxe de l'économie numérique, à savoir que c'est l'audience qui permet aux plateformes d'accumuler des gains exorbitants : on comprend mieux leur réticence à limite la diffusion de contenu, ou au contraire à assurer une transparence totale entre annonceurs et sites où seront affichés les publicités. Certaines grandes marques ayant subi des reproches pour avoir "financé", avec un budget marketing injecté dans la publicité en ligne via Google ou Facebook, des sites aux contenus pas franchement sympathiques qui tiraient profit de la vente de leurs espaces publicitaires.
Romain Badouard revient également sur les usages détournés du ciblage marketing en ligne, notamment lors de périodes électorales majeures, qui peuvent prendre le visage d'une démobilisation de l'électorat adverse (la démobilisation de l'électorat afro-américain, qui s'est pour beaucoup abstenu, est souvent citée en exemple).

La société civile est évoquée en dernière partie, puisque l'auteur estime que c'est elle qui a finalement un réel pouvoir pour faire pression sur les plateformes et modifier les pratiques, plutôt que les timides expériences de "régulation par le design". Citant plusieurs collectifs (Sleeping Giants) ou évènements clefs de l'histoire de la mobilisation de la société civile pour dénoncer les pratiques des modérateurs, l'auteur évoque ici aussi les différentes méthodes à portée de main : autorégulation (Wikipédia, Reddit...), Fast-checking, Contre-discours...

A l'issue de cet exposé très instructif et absolument clef pour comprendre les débats qui agitent la régulation tout autant que la neutralité du net, Romain Badouard formule les trois recommandations suivantes : une transparence totale des procédures de modération, la reconnaissance d'un droit d'appel face à une décision de suppression de contenu, et enfin une agence publique indépendante de contrôle.

On en est bien loin, mais on espère que Les nouvelles Lois du web nous y mèneront ! Une lecture édifiante, comme c'est souvent le cas avec la collection La République des idées.
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critiques presse (1)
NonFiction
01 avril 2021
R. Badouard passe en revue les modèles politiques, sociotechniques et économiques de régulation de la liberté d’expression en ligne. Une tentative pour combler un vide juridique alarmant.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La modération des contenus sur les réseaux sociaux et les espaces d'échange en ligne est aujourd'hui devenue une véritable industrie, qui emploierait plus de 100 000 personnes dans le monde. Le marché est diversifié et se décline à travers différents modèles. Certaines entreprises du web ont des services en interne dédiés à la modération. Il existe également des prestataires externes spécialisés, qu'une plateforme peut solliciter pour effectuer des tâches de modération ponctuelles ou permanentes. À ces deux formes d'organisation s'ajoutent les plateformes de microtravail, qui visent à payer à la tâche des internautes volontaires pour effectuer à distance l'évaluation de contenus.
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La modération est un acte éminemment complexe qui coïncide mal avec les conditions de travail de celles et ceux qui l'exécutent. La masse de contenus publiés tous les jours sur les plateformes exerce une pression sur les conditions de travail, et rend difficile la garantie d'un temps minimal d'interprétation.
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La conception américaine de la liberté d'expression trouve son origine dans la notion de « libre marché des idées » qui structure l'organisation du débat public aux États-Unis. Cette vision de l'espace public postule que la libre concurrence des idées est le meilleur moyen de faire émerger la « vérité » dans le débat et que, face à la confrontation d'opinions divergentes, les citoyens, en tant qu'êtres rationnels, se rallieront logiquement à la proposition vraie, juste ou souhaitable. Selon cette conception, la censure n'est jamais une solution efficace pour combattre des discours problématiques : c'est par l'opposition d'arguments contraires que l'on fait taire les avis fallacieux, donc en produisant des contre-discours plutôt qu'en interdisant.
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Videos de Romain Badouard (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Romain Badouard
Après avoir racheté Twitter, Elon Musk a déclaré que l'oiseau bleu était enfin "libéré". Son objectif : "aider l'humanité" en faisant du réseau social "la plateforme de la liberté d'expression dans le monde". Nos démocraties peuvent-elles s'en retrouver fragilisées ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : - Olivier Tesquet, journaliste médias chez Télérama - Romain Badouard, chercheur en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris II Panthéon-Assas - Annabelle Gawer, économiste, directrice du Centre of Digital Economy et professeure titulaire de la chaire d'économie numérique à Surrey University
#twitter #elonmusk #reseausociaux
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