Histoire formidable, écrite par une passionnée qui, loin des clichés exaspérants sur les Celtes, nous fait pénétrer dans leur monde fascinant, leur société et leurs croyances complexes, leur tempérament exultant jusqu'à la folie. La Gaule est un foisonnement de peuples guerriers, fiers, emportés, capables d'alliances contre-nature, flamboyants de fierté, à l'image de leurs torques merveilleux, leurs épées d'une facture inégalée, leurs vêtements somptueux, tape-à-l'oeil et recherchés, capables de tout, y compris de répéter à l'envie les mêmes erreurs stratégiques au grand profit de l'ambitieux César. Mais ce récit va bien au-delà d'un épisode de la guerre des Gaules, s'insinuant dans les arcanes de la hiérarchie, dévoilant les attributs, devoirs, relations étroites entre rois, druides, bardes, cavaliers, compagnons d'armes, serviteurs. Les femmes, reines, compagnes, guerrières, sont à les égales des hommes. Au coeur de l'intrigue, Milo, petit esclave aux origines douteuses, va peu à peu construire sa place sous l'égide bienveillante du druide Gussou, dans le puissant village de Ségorix, roi des Aduatuques, et s'élever au rang de chef. Evidemment, l'aigle est là, tapis dans l'ombre, à regarde les corbeaux se chamailler, il sait comment les piéger un par un pour les séparer puis les anéantir. Il va piller leurs nids, déporter les couvées, mettre ses oeufs dans les nichées dévastées, brûler les nids, tuer les révoltes dans l'oeuf. Mais ce roman, s'il ne fait pas l'impasse sur ces événements violents connus, tend vers l'azur, plus haut que l'aigle, exaltant un sentiment plus fort. La féérie, le mystère s'y invitent, sous formes de visions, de rites, de passages dans l'Autre Monde, témoignant à quel point l'auteure a su pénétrer l'univers mystique de ces peuples.
Un mot sur la couverture : la photo a été réalisée au parc archéologique de Samara, en Picardie. Quelques associations d'irréductibles ont ainsi construit à travers la France des reconstitutions bluffantes de villages où de véritables artisans rompus aux méthodes anciennes de fabrication montrent leurs savoir-faire avec passion et pédagogie, dans divers domaines : métallurgie, poterie, dinanderie, orfèvrerie, tissage, construction de bateaux de pêche…Le village Gaulois, l'Archéosite, situé en Volvestre, à 50 km de Toulouse m'a émerveillée, Samara est inscrit sur ma liste.
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Milo vit une femme assise à côté de Ségorix. Il ne pouvait pas distinguer son visage mais elle semblait gracieuse avec de longs cheveux noirs tressés. Les autres personnages assis dans la grande salle étaient tous parés comme le roi : sayon agrafé sur l’épaule droite, torque doré, plusieurs ceintures et longue épée, tunique brodée et braies à carreaux, et bien sûr, bracelets serrés, brassards et fibules.
« Les princes ! » pensa Milo. Ils étaient venus des provinces du royaume des Aduatuques renouer les liens en cette occasion, flanqués des premiers guerriers de leurs compagnies qui leur servaient de témoins, des cavaliers d’élite reconnaissables à leurs mèches blondes liées en panache à l’arrière du crâne, ainsi qu’à leurs braies seyantes et bigarrées.
– Ce n’est pas une rumeur ! Un serviteur m’a rapporté une conversation qui a conforté mes soupçons : César profitera de la première bataille pour me faire tuer. Il rapportera à Diviciacos que j’ai succombé à la bonne mort, de manière à conserver l’estime des Eduens tout en étant débarrassé de moi.
–Ton frère ne sera pas dupe ! –Tu n’as donc rien compris ? Il l’est depuis le début !
La corneille se posa devant lui. Il la reconnut à la façon qu’elle avait de le fixer dans les yeux en inclinant la tête de gauche à droite. Milo remua les jambes pour la faire fuir. –Va-t-en ! Elle battit des ailes et sauta un peu plus loin sans le quitter du regard. La seconde suivante elle s’était changée en une femme aux très longs cheveux lisses, d’un noir bleuté comme son plumage, vêtue d’une robe bleu foncé qui frôlait l’herbe.
Nous sommes fous ! Fous et libres au pays des Hommes !