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EAN : 9791095772224
255 pages
Anamosa (30/03/2017)
3.67/5   3 notes
Résumé :
Marcheur au long cours, Antoine de Baecque propose, avec le talent de narrateur et le sens de l'enquête historique qu'on lui connaît, de se pencher sur un objet a priori dérisoire : les godillots, ces chaussures solides initialement conçues pour l'armée. Ce mot que tout le monde croit connaître, au point que, comme la " poubelle ", il ait largement échappé à son concepteur du milieu du XIXe siècle, l'entrepreneur Alexis Godillot, est devenu un mot commun. Il reste p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Antoine de Baecque a déjà largement exploré l'histoire de la marche et de la randonnée qu'il pratique semble-t-il régulièrement depuis longtemps ; on lui doit quelques livres sur le sujet notamment « La traversée des Alpes, essai d'histoire marchée », 2014. Il n'aime rien tant que la raconter par les pieds, en témoigne ce dernier et fort instructif petit essai, lui aussi trempé au jus de chaussettes car consacré à l'accessoire le plus trivial mais le plus emblématique de la marche à pied : le godillot. Le lecteur est gratifié dès les premières pages d'une photo de sa vieille paire de pompes vintage, Isba Supertreck 1983, sortie droit du placard ! Gloire au godillot. L'histoire vous barbe, vous effraie, vous déprime, cette lecture est aussi pour vous. C'est un manifeste « d'esprit rando », le titre l'indique, dont le principe d'action proclamé est une méthode de crapahutage interdisciplinaire tous azimuts qui doit beaucoup à son objet d'étude auquel est rendu une vraie dignité. Si des mots tels que godasse, croquenot ou brodequin agrémentent le parler usuel ou argotique on a souvent oublié leur origine. Il en va autrement du godillot, historiquement daté, dont la fortune est liée au patronyme d'un entrepreneur avisé qui le transmit un jour sans le vouloir dans le langage commun (Alexis Godillot 1816 – 1893). L'acte de naissance du godillot a donc l'odeur de l'industrialisation et du capitalisme naissant sous les auspices de Badinguet dans les feux du second empire, et surtout celle d'une réussite économique indubitable (Godillot devint le fournisseur attitré de l'armée impériale). C'est la première partie de cet essai vivifiant (il en compte cinq) qui s'intéresse en creux à l'évolution culturelle et sociologique de la marche à pied à partir d'une chaussure primitive à clous jusqu'à la chaussure sportive moderne.

De réformes en innovations techniques (la révolution de la semelle viendra des Dolomites en 1915 et le coup de grâce du caoutchouc), le godillot a très vite incarné un certain nombre de valeurs se greffant sur l'imaginaire collectif. Aux pieds des soldats de 1870 jusqu'à la der des ders (il ne leur évitera pas la défaite…) ou plus tard dans les années trente à ceux des premiers bataillons de touristes randonneurs, il était soit symbole de régénération nationale soit celui d'un idéal pédestre et sportif renforcé après guerre avec la création de mouvements tels que le scoutisme ou celui des auberges de jeunesse. Quand la caserne s'appropriait la culture godillot en chansons, la scène l'intégrait à la Belle Epoque avec le comique troupier au caf'conc' et le succès se prolongeait au théâtre (vaudevilles et autres gaietés de l'escadron) puis à l'écran, de Fernandel aux bidasses mal chaussés des années soixante-dix. Après les grands Boulevards – il n'y avait qu'un détour à opérer – voici notre auteur qui emprunte les chemins inattendus de la peinture où contre toute attente le godillot s'immisce pour susciter la controverse (chapitre 3, Les souliers de van Gogh ou la chaussure misère). Enfin l'éclat de rire satirique final indispensable, à l'avènement de la cinquième république, pour le parti du Général (chapitre 5, le péché inconditionnel du gaullisme ou les godillots du Général). De Badinguet au Grand Charles voilà l'histoire documentée d'une "démocratisation pédestre" abondamment illustrée où l'on s'instruit et l'on s'amuse parfois. Ravie de cette découverte des éditions Anamosa.
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Cher Monsieur de Baecque,

J'ai comme qui dirait l'impression que vous avez essayé de tourner en dérision la définition de Wikipedia du mot 'Manifeste' : « Un manifeste est une déclaration écrite et publique par laquelle un gouvernement, une personne, un parti ou un courant artistique expose un programme d'action ou une position, le plus souvent politique ou esthétique. » Votre amour pour l'histoire de la marche ne transparaît pas (assez) dans ce livre.

Une première partie parle d'Alexis Godillot, inventeur de la chaussure militaire et pourfendeur de la chaîne industrielle aux avant-postes du capitalisme, également attentif au bien-être de ses ouvriers. On y apprend qu'il a généralisé la différenciation entre pied droit et pied gauche, qu'il a innové en introduisant la protection de la malléole et de la cheville, mais que c'est encore la marche seule qui façonne la chaussure ! « Là est son apport à la technique pédestre militaire : les soldats de la guerre de 1870, du moins ceux équipés de Godillot, perdront leur bataille mieux chaussés que leurs adversaires. »

La deuxième partie commence bien avec la ‘science de la locomotion' et autre ‘réforme du godillot', puis divague vers la ‘chanson de troupe' et le ‘comique troupier'. « le caf'conc' est le domaine du godillot, son espace en-chanté ». Grand bien lui fasse, mais on s'éloigne du Manifeste.

La troisième partie se pose la question existentielle de savoir si les souliers dessinés par Van Gogh en 1886 sont des godillots ou pas. Une intéressante controverse historique pour ceux que cela intéresse.

La quatrième partie traite (enfin) de la chaussure de randonnée, par monts et par vaux : « Plus ils seront lourds, plus on sera solide : le matériel excursionniste des premiers temps ». On passe (enfin) des soldats aux marcheurs, via le Club Alpin, le scoutisme, les Auberges de jeunesse, les congés payés, le camping, la généralisation du caoutchouc, etc. « Les godillots permettent aux jeunes de se libérer de la ville. Les inégalités disparaissent avec les chaussures, identiques pour tous ; l'homme n'est jamais plus lui-même que lorsqu'il choisit ses godasses ».

Re-divagation dans la cinquième partie autour d'une phrase du 15 janvier 1959 : « Nous, à l'UNR, nous sommes les godillots du Général… ».

Le quatrième de couverture était accrocheur, mais la lecture m'a laissé sur ma faim, trop inégale.

Peut-être que votre livre « Une histoire de la marche » paru en 2016 m'aurait plus davantage.


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J'ai été intrigué par le titre. Que pouvais-je apprendre sur ces fameux godillots? Ce que j'ai appris est au delà de toute attente. Les parties historiques et sportives sont très intéressantes. En plus, l'écriture est très agréable. Les livres d'histoire thématique ont tendances à être un peu laborieux à la lecture et nécessite des pauses. Alors que là, c'est écrit un peu comme un roman avec des rebondissements, du suspens et même de l'humour. J'ai trouvé un peu longue la partie sur les chansonniers et j'ai eu l'impression que c'était la préféré de l'auteur. Il a du prendre beaucoup de plaisir à écouter de chanson. D'ailleurs, j'en venais presque à regretter de ne pas les entendre. Pourquoi ne pas avoir intégré un QR Code? 

C'était très plaisant à lire. Je l'ai même prêté à quelqu'un qui c'est laissé séduire dès les premières pages. En plus, le livre objet est très beau. La dernière page est rigide et se referme sur la première page souple du livre. la couverture est originale aussi avec un jolie travail graphique avec du blanc, du vert et une peinture de van Gogh. le petit souci, est le choix du papier de couverture. Dans le frottement du sac, il y a eu des tâches sur la couverture blanche. C'est le seul point négatif. 

Une belle découverte qui m'a permis d'apprendre pleins de chose et qui m'a donné envie de lire d'autres ouvrages de la maison d'édition. En plus, j'ai vu qu'Anamosa propose un livre sur le Louvre. Il a l'air très intéressant aussi.
Lien : https://22h05ruedesdames.wor..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
En chantant les vertus de leurs godillots, les militants randonneurs des années Front Populaire sont les héritiers des soldats de la der des ders. Ils transfèrent également, souvent sans le savoir, la mythologie des godillots de droite à gauche, des troupes impériales et bonapartistes à celles des ajistes. Le godillot passe des poèmes patriotiques de Déroulède aux chants populaires, voire révolutionnaires, des jeunes pionniers de la marche pour tous, symbole d'une fierté du peuple qui découvre son corps et les vertus de la marche, contre les "valochards" et les "souliers vernis" de la bourgeoisie, ou les escarpins des soirées mondaines. Les godillots sont toujours "lourds", surtout après plusieurs heures de randonnée en terrain escarpé, mais du moins ne pèsent-ils plus leur poids de matériel militaire, la plupart du temps subi - les marches forcées des soldats français portaient bien leur nom -, ni celui de la revanche nationaliste. Ils sont désormais frappés du sceau de la jeunesse en marche de son plein gré, pour ses loisirs et ses vacances, une jeunesse qui croit progresser vers un monde meilleur, qui se dessine derrière l'horizon, au bout du chemin menant à la fraternité des hommes, non plus celle qui allait à l'abattoir avec un enthousiasme aveugle vers la ligne bleue des Vosges.
Touristes et ajistes, bataillons des gros mollets (p. 187)
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Face aux godillots, grâce aux godillots, la lutte la plus intense, au cours des années 1960, est celle du rire. Pour Le Canard enchaîné, de Gaulle est l'adversaire idéal. Militaire, il concentre les attaques de la tradition antimilitariste du journal, notamment celle de son rédacteur en chef, Robert Tréno. Ce dernier, au journal depuis 1924, d'abord comme correcteur, ensuite comme rédacteur à partir de 1932, prend les rênes de la publication en 1953, et l'oriente délibérément vers l'antigaullisme satirique. Tréno écrit en mai 1966 : "De Gaulle, c'est la république dominée, subjuguée par un militaire. La République de la caserne. La République du sabre."
La méfiance vis-à-vis du képi et des deux étoiles du Général reproduit la défiance que la gauche républicaine à toujours eue face aux aventures militaires en politique, depuis Boulanger et l'affaire Dreyfus jusqu'à Pétain. (p. 228)
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le profil imaginaire du godillot n'est pas héroïque, il ne vole pas sur les ailes du temps de l'Histoire ni ne souffle dans la trompette de la Renommée quand vient le moment des éloges, des hommages, des médailles, des condoléances. Sa musique, en fait, est plus modeste, pleine d'entrain, d'une joie simple, d'éclats de rire, d'apartés complices, jouée sur les scènes de la chanson de troupe et du comique troupier. Là est le registre du godillot, partageant et faisant partager cette culture populaire ; il n'est ni celui du discours officiel, ni celui des genres nobles de la littérature classique. (p. 88)
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Le godillot est symbole de liberté et instrument d'égalité, de même qu'il efface les hiérarchies sociales. Léo Lagrange en pratique l'éloge inconditionnel dans un esprit très Front Populaire : "Les godillots permettent aux jeunes de se libérer de la ville. Les inégalités disparaissent avec les chaussures, identiques pour tous ; l'homme n'est jamais plus lui-même que lorsqu'il choisit ses godasses." (p. 182)
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Vidéo de Antoine de Baecque
Lecture de correspondances autour de la figure de Marie-Antoinette par Isild le Besco, commentées par Antoine de Baecque, professeur à l'Ecole normale supérieure. Marie-Antoinette, dès son arrivée en France à 14 ans en 1770, suscite un flot ininterrompu de correspondances, souvent les plus contradictoires. S'esquisse ici l'avènement de la célébrité et s'affirme le lien désormais indissoluble entre espace privé, univers public et visions politiques, éléments essentiels d'une nouvelle modernité. Une rencontre explosive à laquelle la comédienne Isild le Besco, et l'historien Antoine de Baecque mêlent leurs voix. Avec le soutien de la Fondation d'entreprise La Poste.
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