Il y a quelques années, avant d'être inscrite sur Babelio, j'avais lu le 2ème tome de la série de
Peter Bagge mettant en scène Buddy Bradley « En route vers le New-Jersey ». Lire ce second volet sans avoir lu le 1er n'était pas vraiment gênant mais j'avais toujours regretté de ne pas avoir fait les choses dans l'ordre. Les années passant, les souvenirs se sont effacés et c'est donc quasiment en néophyte que je me suis attaquée à ce 1er tome intitulé « En route vers Seattle ».
Par rapport à d'autres auteurs de B.D américaine underground
Peter Bagge n'est pas très connu en France, ce que je trouve assez injuste tant j'apprécie son univers et son ton, dosage parfait entre humour corrosif et tendresse.
De quoi parle « En route pour Seattle » ? Buddy Bradley est un mec de 25 piges, un peu toujours en galère, qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. En attendant il bosse chez un bouquiniste et il partage un appartement avec deux zigotos assez particuliers : Stinky, un séducteur punk de pacotille qui attire les emmerdes avec une belle régularité et George, un type étrange, pas mal geek et surtout très introverti et totalement névrosé. Névrosées également les femmes dans la vie de Buddy, que ce soit la colérique Val ou la barjo Lisa. Autour de cette petite « bande » gravite tout un tas de personnages plus mou moins sympathiques, en tout cas toujours savoureux.
On suit donc le quotidien de Buddy et les autres à travers des histoires de quelques pages. A l'image de son trait caricatural et dynamique à la fois très personnel et très ancré dans l'underground américain, Bagge joue beaucoup sur le registre de l'outrance et de l'exagération. le résultat est très drôle, on se marre vraiment souvent lors de la lecture. Si ces situations sont outrancières, si Bagge force le trait, l'auteur ne se départit jamais d'une forme de tendresse envers ses personnages, et en premier lieu envers Buddy. Et pourtant, ce n'était pas évident. Buddy est finalement un type assez médiocre, il n'est pas séduisant ni brillant, parfois il se montre antipathique, voire odieux. Et pourtant, on s'attache à ce personnage qui n'a pas grand-chose pour lui. Peut-être parce qu'on se reconnait un peu en lui.
« En route pour Seattle » constitue un formidable portrait de la jeunesse de la classe moyenne américaine des années 90. Période emblématique s'il en est : la Guerre du Golfe, le Grunge au sommet (ce n'est pas un hasard si la B.D se passe à Seattle, mère patrie du mouvement musical), contexte social plutôt défavorable (les petits boulots, les galères de logement…). Ces jeunes n'adhèrent pas vraiment au modèle social américain mais ils ne croient pas en grand-chose, ils n'ont pas vraiment de rêves, ne s'attachent à aucune utopie. Il est loin le temps de l'idéal hippie et l'ère des yuppies et du fric-roi n'a pas fait illusion.
Cette peinture sociétale est un élément essentiel de la réussite que constitue « En route pour Seattle » mais il ne faudrait pas réduire la B.D à cet aspect. Si j'ai autant apprécié ma lecture c'est avant tout parce que j'ai beaucoup ri et que je ne me suis jamais ennuyée au cours des quelques 350 pages que compte le volume. le ton de Bagge, acide, burlesque, parfois trash fonctionne parfaitement sur moi.
Bien entendu, je conseille vivement la lecture de cette B.D. Si vous avez envie de rigoler, foncez ! Moi, je compte bien redécouvrir prochainement le tome 2.