Un peu de neige, et l'enfance revient comme un boomerang.
Décidément, je ne suis convaincu ni par sa teinture blonde ni par sa nouvelle coupe dégradée. À croire qu’il n’y a rien de plus vieillissant que d’essayer de se rajeunir.
Il y a deux mondes à Paris : celui de ceux qui se déplacent à la surface et celui de ceux qui se déplacent en souterrain.
- Tu aimes avoir l'ascendant sur ceux que tu croises, quoi, conclut-elle.
- Toi qui es soi-disant littéraire, ce n'est pas de ça dont il s'agit toujours , Un rapport de force ? Une hiérarchie ? On vit tous avec cette distribution inégale du pouvoir, avec l'envie d'en avoir plus. Les gens veulent être désirés. Veulent être un... centre.
Parfois, j’ai envie de tout balancer, de partir faire un road trip en Amérique du Sud. Après, je me dis que c’est super cliché : quel étudiant d’école de commerce blindé ne fait pas sa crise pseudo-aventurière avant de signer bien sagement un CDI ? Je les vois bien, ceux des promos au-dessus, qui postent leurs photos de voyage sur Facebook. Ce sont toutes les mêmes : une bande de potes chaussés de lunettes Ray-Ban, sur un fond de paysage à couper le souffle. Le must : le saut dans les airs, captation de l’unique moment où ils ont tenté de toucher le ciel, avant de retomber les pieds vissés au sol. Dans trois ans, leur statut passera de « Célibataire » à « En couple », et ils mettront des clichés Instagram de leur super déjeuner entre collègues à New York.
Flippant.
Le chômage sans indemnités, ça craint. Je crois que c'est ça le pire, après un stage : avoir bossé avec acharnement durant des mois, mais n'avoir droit à rien par Pôle Emploi. Je passe mes journées ici, à chercher des offres, à rédiger des lettres de motivation sans... motivation, justement.
- Hey ! Mademoiselle ! Vous êtes charmante ! Belle comme tout !
Il n’y a rien que je déteste plus que les hommes qui accostent dans la rue. Leurs compliments sonnent comme des insultes. Quand on est une femme, on dirait que le simple fait d’aller d’un point A à un point B nous met dans une zone de non-droit.
- Surtout réponds pas, salope !
Ces mots me brûlent. La rue est le lieu où l’on peut être agressée verbalement pour ne pas avoir répondu à des avances.
Je sors avec soulagement du wagon asphyxiant. Les nombreux Parisiens partis s’aérer en province rejoignent Paris. Ils ont pourtant la mine grise, les soucis semblent planer au-dessus de leurs têtes, sans doute sont-ils découragés par la perspective du lundi.
Dans le métro, j’observe toute cette foule agglutinée autour des barres de métal. Pas un sourire ne semble susceptible de fleurir sur les lèvres.
Les personnes sont des vagues ; oui, c’est ça. Il y a celles qu’on voit frémir à l’horizon, celles qui nous touchent puis se rétractent, celles qui nous font couler... et celles qui nous portent.
-Bon je vais te donner une petite définition. Stage: période de formation, d'apprentissage ou de perfectionnement en entreprise.
Je le dévisage, interdite face à son rappel. Ca m'étonnerait que Caroline accepte ça comme justification à l'absence d'article dans la boîte mail, demain.
-Tu fais le boulot d'une employée, là, déclare-t-il. (...) Vous êtes payés 400 euros, merde!
-Je sais bien, je sais bien...
-Un conseil: ne commence pas à entrer dans ce cercle infernal. (...)
Tu seras exploitée, jusqu'à l'épuisement, continue-t-il, un citron qu'on presse, qu'on presse, qu'on presse, et quand il n'y a plus de pulpe: poubelle.
-Charmant, murmuré-je.
-Voilà dans quelle société on évolue Il faut se battre, Ophélie! Ne pas accepter qu'on te traite de la sorte! Tu es en stage, pas en poste! Si Pyxis permet que quelqu'un fasse autant d'heures sup, alors ça veut dire qu'il y a un besoin. La boîte n'a qu'à ouvrir des postes avec l'argent des jeux online, si ça marche si bien!