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La Lorraine et son bassin mineur ou métallurgique composé d'honnêtes travailleurs est au coeur de cette BD. On sait que c'est une région qui a beaucoup souffert des licenciements de masse par rapport à ces usines qui ont fermées les unes après les autres, laissant des familles entières dans le désespoir et la misère.

C'est dans ce contexte qu'à la fin des années 70 alors que le mouvement social était assez répandu, qu'il y a eu la naissance d'une radio pirate qui avait pour mission d'informer les habitants de Longwy et ses alentours. C'était sans compter sur les méthodes des autorités qui brouillaient la radio avec des hélicoptères afin d'empêcher la circulation de l'information.

Cela paraît tellement dérisoire de nos jours où cette liberté est inscrite dans nos moeurs. C'est toujours bon de nous rappeler que ce n'était pas ainsi avant l'élection de François Mitterrand en 1981 qui a marqué la libéralisation des radios.

Cela sera pour certains lecteurs nostalgiques un retour sur le passé où se dégagera beaucoup d'émotion. On se rend également compte que les mouvements sociaux étaient également très difficiles avec beaucoup de violence et déjà de manipulation de la part du gouvernement et des médias. Je retiens l'épisode où le casseur en marge de la manifestation est un policier déguisé sans que cela ne puisse émouvoir les médias et le pays. C'est quand même assez instructif.

C'est une BD qui ne se prend pas la tête, qui reste humble à travers la vision de l'histoire de cette radio par un adolescent vivant avec un père syndiqué et une mère engagée. C'est toute une époque de solidarité pour des milliers de travailleurs lorrains.

Une fois coutume, je me risque à une réflexion toute personnelle suite à cette lecture. On s'est débarrassé de la sidérurgie et maintenant , on achète à prix d'or du fer aux chinois. La désindustrialisation était-elle vraiment une bonne chose pour une société de loisirs et de service ?

C'est vraiment passionnant et les quelques pages documentaires en fin d'album achèvent de nous imprégner de cette histoire assez peu connue.

Une belle BD sur une partie de l'histoire de la Lorraine et de notre pays la France. C'est surtout un récit sur les modestes travailleurs qui méritent tout notre respect. Et puis, c'est bien une radio qui donnait la parole à tout ceux qui ne l'avaient pas !
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Un récit de Tristan Thil
Dessin de Vincent Bailly
Postface de Baru

Nous avons vécu à Longwy-Haut alors que la sidérurgie n'était pas encore à l'agonie. Les hauts-fourneaux crachaient le feu et la "féerie nocturne", vantée par les cartes postales, ravissaient petits et grands.
Les aléas de la vie ont fait que nous avons quitté la région avant qu'elle ne s'embrase, avant que ne débute cette lutte perdue d'avance pour sauver les emplois.
Hommes et femmes, quelles que soient leurs professions, soutenaient courageusement les sidérurgistes.
Ils ont déployé toute leur énergie pour sauver ce qui faisait leur vie, avec le résultat que l'on sait : une région sinistrée, exsangue.
Mais qu'en ont à f****e les grands patrons ! Leur vie à eux ne sera pas impactée.
Que leur importe les vies massacrées, ce ne sont que des ouvriers.
Qu'ils créent leur propre entreprise !
Qu'ils traversent la rue pour trouver du travail !
Bien sûr !!
Les manifestations, les défilés, ils ont tout tenté. Ils ont même enlevé Johnny, oui, celui qui chantait « quoi ma gueule, qu'est-ce qu'elle a ma gueule ». Et bien leur gueule, à ces prolétaires, ils voudraient qu'elle reste marquée par un travail éreintant qui leur permettait de vivre dignement.
Le 17 mars 1979 à 16 heures la radio pirate "Lorraine coeur d'acier" est lancée par Jacques Dupont et Marcel Trillat.
Cette radio se veut une radio libre, à la parole libre, ouverte à tous même aux patrons, même aux travailleurs immigrés et même aux femmes, « sauf l'extrême droite, parce que le FN, ce n'est pas une opinion, c'est un délit ! le discours raciste on n'en veut pas » Page 17.
Ce choix ne fait bien sûr pas l'unanimité.
Et les autorités feront tout pour empêcher sa diffusion sur les ondes, allant même jusqu'à utiliser le brouillage via des hélicoptères.
Une bande dessinée utile, indispensable pour connaître la lutte farouche d'une région oubliée.
Pardon d'avoir été si longue, ce n'est pas dans mes habitudes.

« Salut et fraternité »
Tristan Thil
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Radio pirate fondée en mars 1979 par la CGT à Longwy pour lutter contre les fermetures d'usines sidérurgiques, Lorraine Coeur d'acier fut une véritable expérience sociale, marquée par son ouverture.

C'était une radio véritablement libre, qui prônait la solidarité et qui aura notamment accueilli des personnalités politiques comme Georges Marchais, Daniel Cohn-Bendit, Alain Krivine, Françoise Giroud, Jean-Jacques Servan-Schreiber.

Mais tout le monde pouvait y intervenir, et elle diffusait aussi de la poésie, de la musique et des récits de vies.

Ce roman graphique d'envergure assez exceptionnelle est avant tout une belle ode à la liberté d'expression, et dévoile avec un peu de nostalgie mais sans s'appitoyer non plus un pan de l'ancien monde quand on parlait encore de politique sur de nouvelles radios dont l'adverbe libre n'était pas galvaudé .

Le scénariste Vincent Bailly et l'illustrateur Tristan Thil restituent avec pas mal d'élégance et de soin le climat un peu fin de régne et crépusculaire de ce monde révolu tout en insistant sur l'humanité et la solidarité qui se dégagent des personnages.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Lorraine Coeur d'Acier raconte l'histoire bouleversante d'une radio libre et populaire, et je referme cet album les larmes aux yeux sur ces mots:
« Tout ça finissait mal. Mais on avait essayé.... Et comme disait Marcel « C'est pas parce qu'on a perdu qu'on avait tort ! » »
Lorraine Coeur d'Acier, c'est l'histoire d'une région sacrifiée et du combat de ses habitants pour qu'elle continue à vivre, combat qui est malheureusement toujours d'actualité car les trahisons et les mauvais choix des gouvernements de tous bords se sont succédés.

Les auteurs ont fait le choix de raconter cette histoire à travers l'exemple de la famille Lipowski, mais j'y ai retrouvé des tranches de vie de mon enfance : la dureté mais aussi la fierté du travail à l'usine, les jardins cultivés avec soin et amour sur fond de hauts fourneaux, le premier de la famille qui passe le bac, etc.
Je ressors donc de cette lecture profondément émue (notamment par le passage sur la maternité de Mont St Martin) et je ne peux que vous conseiller la découverte de cet album qui raconte un épisode de l'histoire de notre pays qui vous fera passer en quelques pages de l'espoir à la tristesse.
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De battre son coeur s'est arrêté. Après avoir rythmé celui des Longoviciens et prêté sa voix pendant presque deux ans à tous – aux sidérurgistes en lutte bien sûr, mais aussi à toute la population de Longwy – à la fin des années soixante-dix, Lorraine Coeur d'Acier, « radio pirate, libre et populaire » s'est tue. C'est l'histoire de cette radio mythique silencieuse depuis maintenant 40 ans mais encore bien présente dans le coeur et les esprits des habitants du Pays-Haut que nous content le Messin d'origine Tristan Thil et le Longovicien Vincent Bailly dans l'album Lorraine coeur d'acier qui vient de paraître aux Éditions Futuropolis.

Longwy, mardi 20 mars 1979, 3 jours avant la grande manif à Paris
D'une vue de la ville de nuit jouxtant le crassier surmonté d'un SOS au pied duquel les hauts fourneaux crachent leur feu en continu, on passe dans une ruelle de maisons ouvrières adossées à l'usine. Dans cette ruelle, une fenêtre éclairée nous fait pénétrer dans une cuisine où nous assistons à une belle engueulade entre Camille et son père Eugène. La dispute tourne court après une gifle et Camille s'en va retrouver son pote Ismaël au café du coin avant que celui-ci n'aille pointer à l'usine. Sur le chemin du retour, Camille allume l'autoradio : « Lorraine Coeur d'acier, bonsoir… Je vous rappelle que vous êtes sur 100 MHz de modulation de fréquence et que notre numéro de téléphone est le 223 22 35 »...

Bienvenue chez les Lipowski
Le choix de nous faire découvrir l'histoire de la radio par le biais d'une famille fictive représentative d'une famille ouvrière lorraine permet aux auteurs d'éviter le piège d'un ouvrage didactique et également d'aborder de façon vivante et naturelle des sujets familiaux et sociétaux tels que les conflits intergénérationnels, le sentiment de trahison que peuvent ressentir les jeunes à quitter cette région qui n'a d'horizon que ses usines et leur fermeture à venir.
Dans la famille Lipowski, il y a le père Eugène, sidérurgiste cégétiste sectaire, il y a la mère que son mari aime bien voir à sa place dans sa cuisine, il y a la fille et il y a le fils Camille, élève de terminale. Cet ado, passionné de photo, ne se voit pas passer sa vie à l'usine et, contrairement à son père qui va tout d'abord refuser d'y mettre les pieds, va s'investir dans la radio d'autant plus qu'il n'est pas insensible à la voix de la belle Mathilde qui officie sur les ondes. Et c'est à travers le prisme de Camille et des membres de cette famille que nos bédéistes vont montrer à quel point cette expérience de radio a, en libérant la parole, fait évoluer les mentalités et changer les protagonistes : émancipation pour la mère, ouverture d'esprit et tolérance pour le père, projets d'avenir pour le fils. Pour bien comprendre les choses, comme Camille nous invite à le faire dans la séquence introductive de l'album, revenons en arrière.

Sur le plan Davignon, chronique d'une mort annoncée
12 décembre 1978, annonce de la restructuration de la sidérurgie européenne par la mise en place du plan Davignon : suppression de 22 000 emplois dont plus de 6 000 sur le bassin de Longwy. Il n'en fallait pas plus pour allumer le feu et un SOS lumineux au sommet du crassier de Longwy, signal rassembleur d'un combat pour l'emploi tandis que dans les usines se multiplient les actions (grèves, manifestations, occupations) parfois musclées ou spectaculaires. C'est dans ce contexte que Lorraine Coeur d'Acier va voir le jour.

LCA, what else ?
Si l'histoire de la famille Lipowski est une fiction, celle de la radio, créée par la CGT n'en est pas une et est retracée très fidèlement depuis son cadre avec l'implantation du studio dans l'ancien Hôtel de ville de Longwy-Haut et son antenne sur le clocher de l'église mitoyenne, en passant par les acteurs de l'époque autrement dit les journalistes professionnels Marcel Trillat et Jacques Dupont, le secrétaire CGT de la section de Longwy Michel Olmi jusqu'à la reconstitution de différentes émissions allant jusqu'à reprendre les discours prononcés par les différents interlocuteurs auxquels les auteurs ont eu accès en piochant dans les archives sonores de la radio, nous livrant ainsi de grands moments d'émotions.
Dans la France giscardienne de l'époque les radios libres étaient interdites et rapidement démantelées. Alors, comment « la seule radio libre tolérée par le pouvoir » selon Guy Bedos lors de son passage dans les locaux de LCA a-t-elle pu résister si longtemps ? C'est ce que nous apprend ou nous rappelle l'album de façon très dynamique.

Sur les ondes de LCA, j'écris ton nom …
« On ne peut pas brandir ses idées en faisant taire les autres », dixit Marcel Trillat.
La liberté, la liberté de parole, un des sine qua non de LCA. On leur a donné la parole et ils l'ont prise : les sidérurgistes en lutte, les femmes venant parler accouchement, contraception, avortement, les émigrés à travers « La parole aux émigrés », une série d'émissions en langue française et arabe ... de radio conçue au départ pour la mobilisation en vue de la manifestation à Paris du 23 mars, elle s'est mise sous la protection de la population et est devenue cet espace de liberté au studio et au micro ouverts à tous et à toutes où débats, témoignages, invités se sont succédé avec priorité au direct pour les différentes actions de la lutte et les appels téléphoniques nullement filtrés. Magnifique aventure pour ceux qui l'ont vécue !


Quand deux Lorrains se rencontrent et racontent …
Sensibles tous deux aux problèmes sociaux et sociétaux, les deux Lorrains avaient déjà coopéré lors de l'écriture de Congo 1905, le rapport Brazza qui levait le voile sur un côté sombre de l'Histoire coloniale française, ouvrage paru en 2018 chez Futuropolis également. Pour la réalisation de ce nouvel album, ils sont allés faire un tour du côté de l'AMICAL (Association pour la mémoire industrielle de la communauté d'agglomération de Longwy), ont recueilli divers témoignages des acteurs de l'époque et consulté les archives sonores.
Tristan Thil, le scénariste, réalisateur de plusieurs documentaires notamment sur la fin de la sidérurgie en Lorraine dont « Florange dernier carré » en 2012 a également signé le scénario de l'album « Florange, une lutte d'aujourd'hui » paru en 2014 chez Dargaud, la réalisation graphique ayant été confiée à Zoé Thouron. Autant dire que l'histoire de la sidérurgie lorraine, il la connaît bien.
Natif de Nancy, installé à Longwy depuis une dizaine d'années, Vincent Bailly, bien qu'étant sur place a dû malgré tout se plonger dans la documentation et notamment les photos de l'époque pour recréer ce paysage hérissé des hauts fourneaux et du crassier aujourd'hui disparus. Les magnifiques planches en couleurs directes mettent parfaitement en valeur la beauté paradoxale de la ville éclairée de ces feux continus qui ont fait vivre la région tout en consumant par leur nocivité ceux qui les alimentaient. C'est une bande dessinée haute en couleurs dont le choix judicieux des tons employés sert à merveille les différentes atmosphères. Avec ce trait très reconnaissable qui n'appartient qu'à lui le dessinateur rend parfaitement compte de la violence de la situation et en donnant à ses personnages une très grande expressivité, nous fait bien ressentir les différentes émotions qui les traversent.
A la fin de l'album, avant qu'une chronologie ne retrace conjointement la lutte des sidérurgistes et l'histoire de LCA. un troisième Lorrain est venu apporter sa modeste contribution dans une postface de 3 pages. Il s'agit de celui « qui dessine si bien les hauts fourneaux », autrement dit Baru.

Cet album passionnant nous dresse le portrait d'une radio pas comme les autres avec en creux la fin d'un monde, l'agonie de Longwy Texas, cette région qui était passée en un siècle de l'état de pâturage à celui d'eldorado industriel avant de retourner en friche. Elle fut le théâtre du baroud d'honneur des derniers sidérurgistes, le témoin d'un bel élan de solidarité dans l'adversité et un bel exemple de libération de la parole populaire. Pour conclure, laissons, comme dans l'album, le mot de la fin à Marcel Trillat qui aurait dû signer la préface s'il n'était malheureusement décédé en septembre 2020 :
« Ce n'est pas parce qu'on a perdu qu'on avait tort !»


Lien : https://laccrodesbulles.fr/2..
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Moins de deux années, de mars 1979 à janvier 1981... c'est la durée de vie de Lorraine Coeur d'Acier (LCA), radio libre émettant dans le bassin de Longwy. Une radio où tout le monde peut prendre la parole, pour défendre l'emploi dans ce bassin sidérurgique meurtri, ou le droit à l'avortement.

Cet album retrace la courte mais intense existence de LCA, sur fond de lutte ouvrière. Cette histoire m'a touché car elle évoque, à travers un épisode dont j'ignorais tout, le passé récent de la Région qui est devenue la mienne, la Lorraine. Ce récit constitue ainsi un superbe hommage à celles et ceux ayant permis de faire vivre cette tribune...
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Lorraine Coeur d'Acier (2021) est un roman graphique de Tristan Thil (scénario) et Vincent Bailly (dessin). 1979. le plan Davignon menace de liquider la sidérurgie dans le bassin lorrain. A l'instigation de la CGT, deux journalistes créent une radio libre pirate et donc illégale. Malgré les tentatives de brouillages des autorités et les inquiétudes de la CGT sur la liberté des invités, Lorraine Coeur d'Acier tient le cap pendant plus de deux ans. Une bande dessinée réussie et instructive au coeur de plusieurs luttes.
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Je suis parti très circonspect sur cette BD, me disant qu'il s'agissait là encore d'une énième BD sur les mouvements ouvriers et leurs luttes. Bien que d'obédience radicalement à gauche, je suis assez souvent gavé de retrouver un peu les mêmes combats et les mêmes faits dans d'innombrables récits. C'est plus ou moins ce que je m'attendais à retrouver ici, ce qui explique d'autant plus ma surprise à la lecture de la BD.

Les deux auteurs n'en sont plus au coup d'essais sur les BD politiques ancrées dans les luttes sociales et ouvrières, mais je n'en ai pas eu connaissance pour l'instant. Cependant, à la lecture de celle-ci je dois avouer que j'ai envie d'y jeter un coup d'oeil. Parce que Lorraine Coeur d'acier, c'est une BD riche en informations et également didactique dans sa façon d'être. En nous racontant la lutte que menèrent ces ouvriers autour de la fermeture des usines du bassin de Longwy, les auteurs brassent une diversité de thèmes, tout en conservant une cohérence avec cette radio pirate crée par la CGT.
Si aujourd'hui, une radio pirate semble assez peu intéressante (et la radio en générale d'ailleurs), il faut se souvenir que cette BD raconte des évènements datant d'avant la libéralisation des radios par Mitterrand, et donc le moment où émettre illégalement une station était répréhensible et maté parfois violemment. Bref, ce n'est pas une simple radio, c'était un défi à l'autorité et au pouvoir de l'état, ainsi qu'une appropriation du pouvoir de diffusion par le peuple. Symboliquement fort, mais aussi essentiel dans la diffusion d'informations, cette radio animera pendant quelques années les luttes dans la région, mais aussi les débats et la libération de la parole.
Le récit parle d'une famille imaginaire, mais qui sonne terriblement réelle, de condition ouvrière. Et au fur et à mesure des émissions, des luttes et des nouveautés, nous découvrons le quotidien de ceux qui n'avaient rien que leurs mains. le récit parlera aussi bien de chômage, de lutte, de grèves que de racisme, de féminisme, des mouvements de la gauche. Plusieurs points interpellent encore aujourd'hui, comme ces femmes qui eurent le droit à une émission sur l'avortement et les naissances, ou le parasitage des manifestations par des casseurs de la police. le récit peut sembler parfois un peu trop fleur bleue, notamment dans la relation père-fils compliqué qui se découvre un peu au travers de la lutte qu'ils mènent. Mais je dois dire que ça permet de comprendre les combats et les motivations qui amenèrent ces gens à lutter ainsi.

Bref, je pourrais être assez long (et je le suis déjà) dans ma critique, mais je voulais retransmettre ce que j'ai ressenti à ma lecture. C'est le genre de BD qui me fait dire que les combats qu'on a menés, c'est un terreau fertile pour l'apprentissage de nos luttes d'aujourd'hui. Parce que nos droits à la liberté d'expression, à la manifestation, aux réclamations légitimes à un patronat de plus en plus gavé d'argent semblent se réduire chaque jour, il est bon de se rappeler que lutter, ce n'est pas seulement pour nous, mais aussi pour les autres. Tous ensemble, nous manoeuvrons dans le même bateau, et il n'appartient qu'a nous d'en récupérer le gouvernail.
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Lorraine coeur d'acier raconte l'histoire passionnante d'une radio pirate qui a permis de laisser s'exprimer, au début, les ouvriers des mines de fer de Longwy, puis par ricochet toute la population de ces territoires tant marqués par l'immigration que la désindustrialisation, aux opinions politiques divergentes, aux moeurs et aux cultures hétérogènes. Toutes les opinions politiques se virent attribuer un temps de parole pour diffuser leurs points de vue et débattre avec leurs opposants.

J'ai aimé le fait que cela se passe sur un temps très court, j'aime aussi beaucoup quand un auteur mêle sa vie personnelle et ses souvenirs à l'histoire "avec un grand H" : cela permet aux lecteurs de comprendre les conséquences des évènements politiques et économiques sur des vies et des trajectoires personnelles à un moment où les individus ont en fait de moins en moins d'emprise sur leur existence ... Tous ces gens qui voient leurs intérêts ignorés et sacrifiés se révoltent avant que la majorité ne soit calmée par les "retraites anticipées", "primes de départ", "mutations" (p. 77), avant qu'elle ne soit achetée, en somme.

Ce que je trouve intéressant dans ce genre de livre, c'est qu'on passe son temps à se demander à quel point c'est autobiographique, à quel point c'est romancé, à quel point l'auteur lui-même se trompe, malgré lui, sur ses souvenirs ... Il avoue par exemple avancer le concert des Clash à Rettel de quelques années ; n'est-il pas bien plus important de partager un souvenir aussi marquant que d'être fidèle à la véracité historique ? Des livres d'histoire sur le sujet, il en existe sans doute pleins, ce à quoi on s'intéresse ici c'est le vécu, le souvenir (source historique de première main !), magnifié par la narration et le dessin ...

Le dessin est original et peut surprendre avec ces traits bien épais (si l'on est habitué comme moi à Tintin et Astérix ...) mais l'on s'y habitue rapidement. Les plans d'ensemble du carreau, avec les maisons des mineurs en contrebas, les visages, les passages dans les mines, au bistrot, dans les locaux de la radio, tout transpire le vécu, le dévouement et une réelle empathie pour cette histoire, ces militants et ces ouvriers (je connais un longuyonais qui m'a dit reconnaître les lieux !) - le dessin transcrit l'aspect crasseux de cet environnement mais aussi le côté vibrant de ce mouvement enthousiaste, de toutes ces volontés qui s'unissent et de l'espoir qui les anime.

J'ai tout de même trouvé qu'en termes de récit et de personnages, c'était parfois un peu "cliché" et "convenu" – le père violent et raciste envers le meilleur copain arabe de son fils qui a sa rédemption quand il comprend que les immigrés maghrébins vivent la même chose qu'ont vécu ses propres parents immigrés italiens, la mère qui sort du silence, le jeune qui fait des études et ne se sent à sa place ni parmi les mineurs ni parmi ses camarades, la belle de la radio qui lui fait son éducation sentimentale … mais le propre d'une histoire comme celle-ci n'est-il pas justement de représenter des trajectoires types afin que le lecteur comprenne les enjeux de la désindustrialisation ?

J'ai surtout trouvé que certains traits d'"humour" étaient malvenus : je pense au moment où ils brisent le quatrième mur (on peut dire cela pour une BD ?) J'ai trouvé que cela nous sortait du récit jusqu'alors très immersif, sans aucune raison. Surtout, je n'aime pas quand le narrateur s'adresse au lecteur et lui dit qu'il "lui doit des explications" : pourquoi ? Etienne Davodeau fait la même chose dans le droit du sol que j'ai lu au même moment et c'est bien la seule case qui m'a sorti de son livre ... Non, vous ne devez pas d'explication au lecteur, ce qu'il se passe est clair ! Dans les deux cas, il suffisait d'enlever ces cartouches et de laisser le lecteur essayer de comprendre par lui-même ... D'autant plus que, dans les deux cas, le dessin retranscrit bien et bien mieux ce qu'il se joue : dans le droit du sol, on a bien compris que le guide expert de la grotte du Pech Merle n'avait pas vraiment attendu l'auteur au bord du chemin et qu'ils n'avaient pas eu cette conversation dans ce contexte, c'était parfaitement clair, pourquoi rompre ainsi la subtilité et même le potentiel poétique de ces cases ?

Ici, on passe d'une introduction, durant laquelle on nous a présenté les personnages, leur relation à travers divers évènements (dispute familiale, bagarre dans un bistrot) sur un temps resserré, une soirée, pour ensuite passer à la description du contexte du démantèlement par le narrateur. Entre les deux, le personnage principal s'arrête et veut prendre en photo une coulée, quand les ouvriers travaillent le fer en fusion … Il prend la photo, et le noir et blanc, la disparation des couleurs, insinue et illustre la fin de cette industrie, ou en tout cas fait une transition parfaite entre une introduction « in medias res » et une exposition du contexte.

Ce genre de détail est agaçant pour trois raisons : d'un côté on peut avoir l'impression que l'auteur estime que son lecteur ne comprendrait pas ce qu'il se passe, de l'autre qu'il sous-estime la capacité du dessin à raconter quelque chose, à faire avancer l'histoire. Ce genre d'encart me fait aussi toujours me dire, mais c'est peut-être plus subjectif, qu'ils veulent « faire comme au cinéma », imiter les films où un personnage raconte son histoire en voix-off …
Quoi qu'il en soit, cela m'a fait à chaque fois sortir du récit et en a rompu le charme un petit instant.

Cela reste toutefois un détail parmi toutes les qualités de cette BD que je conseillerais à n'importe qui voulant s'immerger dans les luttes ouvrières des années 1970 !
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Un roman graphique réjouissant sur l'émergence d'une radio libre à la fin des années 70, au coeur du bassin sidérurgique de Longwy. Les auteurs de Lorraine Coeur d'Acier ont réussi tout à la fois à faire revivre un mouvement de grève, le lancement d'une radio pirate et toute l'exaltation des discussions qui animent ce haut bassin ouvrier, tout cela dans une époque marquée par la déstructuration de l'industrie sidérurgique française. On en sort un chiffon rouge entre les doigts, avec l'envie d'entrer en lutte et de soutenir toutes celles qui existent aujourd'hui !
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