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EAN : 9782954041506
Irina (01/01/1900)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Villiers-le-Bel. Quelque part entre la littérature et la sociologie, la droiture. Droiture au sens d’authenticité de cette autobiographique pourtant romancée (première partie d’une trilogie). Droiture au sens de narration sans complaisance d’un âge de la vie. Droiture au sens de découverte d’une voix assurée dans un nouveau paysage littéraire. Qu’importe si le chemin emprunté par le personnage central ait été, lui, droit. Il a été. Et il nous est conté. Le tout avec... >Voir plus
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Villiers-le-Bel. Quelque part entre la littérature et la sociologie, la droiture. Droiture au sens d'authenticité de cette autobiographique pourtant romancée (première partie d'une trilogie). Droiture au sens de narration sans complaisance d'un âge de la vie. Droiture au sens de découverte d'une voix assurée dans un nouveau paysage littéraire. Qu'importe si le chemin emprunté par le personnage central ait été, lui, droit. Il a été. Et il nous est conté. le tout avec une simplicité désarmante qui réussit le tour de force d'allier réflexion sociétale et “voix de l'enfant” : authenticité de la narration et de la réflexion donc. Rare.

L'histoire commence en Côte d'Ivoire, que le père – issu d'une famille plutôt aisée – quitte pour exercer le métier de comptable en France. Elle se poursuit dans le travail, la rigueur, la passion aussi, cette passion qui le pousse à retourner au pays pour rejoindre la femme qu'il aime – d'une “caste” inférieure – et l'emmener avec lui en France. de cet amour naîtront trois enfants ; le premier, Tibault, puis ses deux jeunes soeurs. Travail encore, reconnaissance embryonnaire puis plus franche, installation dans le paysage local, église le dimanche, puis le trou noir. le vrai. Tibault devient “chef de famille”. Il est encore loin d'avoir dix ans.

L'histoire d'une enfance troublée dans la banlieue parisienne, donc… Certes, mais pas que, car l'auteur ne sacrifie jamais la vision collective de la “banlieue” à l'individu qu'il était et les évènements qu'il traversait. Et réciproquement. Constamment sur la corde raide entre drame littéraire (entre autres, tant les émotions traversées sont diverses) et introduction sur un territoire (la banlieue de Villiers-le-Bel) méconnu malgré le nombre d'avis péremptoires de politiques ou de simples citoyens, le Bon Lieu trouve toujours sa voie : celle de la cohérence. Droiture, disions-nous. Oui, dans ce registre où l'émotion et la pulsion sont omniprésents tout en restant compatibles avec une réflexion posée. Oui, dans le langage “parlé” (on trouvera d'ailleurs à la fin de l'oeuvre un astucieux glossaire de beauvillésois, “le petit mamadou”), choix assumé et finalement évident. Oui, dans l'expression de toutes sortes de mises en perspectives, de tentations sociologiques.

La dramaturgie, chronologique, classique, n'est jamais phagocytée par de lourds passages explicatifs. Si l'auteur fait toujours preuve de recul, il laisse toujours une place à la naïveté, à la simplicité de la représentation du monde par un jeune enfant. Jamais misérabiliste, jamais angéliste. Lorsque le scénario semble tourner à l'avantage du jeune Tibault, on sait pourtant que le ver est dans le fruit. Lorsqu'à l'inverse, le désespoir semble l'emporter, on sait que rien n'est perdu. Il est agréable de voir un récit aux ressorts dramatiques aussi simples distiller une saine complexité : la “révolte” suite à la mort du père est vue à travers le personnage de la mère ; la tentation de la délinquance ne peut se départir de ressorts multiples, individuels, familiaux, collectifs, etc. ; la rupture avec l'école apparaît plus conséquence de l'urgence de la vie que rejet du savoir, voire même de l'institution. L'auteur n'a pas peur de la complexité, ce qui est d'autant plus honorable qu'il ne cherche jamais à se dédouaner, à se donner le beau rôle ou à se protéger.

Complexité de l'existence intime et sociétale donc, entremêlement de sentiments et d'émotions contradictoires, entre le devoir et la nécessité, les valeurs et les contingences sociales de la “vraie vie”. le tout ancré dans un poumon : Villiers-le-Bel – banlieue, “bon lieu”, les deux à la fois et plus encore – qui, bien plus qu'un décor, est un personnage à part entière, un coeur qui s'agite, un corps qui hésite, qui oscille entre pulsion de vie et pulsion de mort.

Alors certes, les esprits taquins auront beau jeu de pointer du doigt la tentation parfois agaçante du “bon mot”, de la “phrase-somme” ou de la “phrase choc”, dont l'auteur abuse avec plus ou moins de bonheur. Mais même dans cette timide entrée d'artifices stylistiques et/ou rythmiques, la sincérité du pacte passé entre l'auteur et le lecteur reste : Tibault Baka, au détour d'une page, nous explique que la source des incompréhensions interindividuelles – parmi lesquelles le racisme – se situe dans l'incapacité de se mettre à la place de l'autre. Rien de révolutionnaire là-dedans, peut-être, mais tellement juste en réalité. Et, tout en cohérence, son “Bon Lieu” est tout bonnement une invitation de l'auteur à se mettre à la place d'un personnage principal et d'en comprendre les ressorts. Véritable conte (péri)urbain, récit lumineux n'ayant d'autre prétention que de partager la réalité d'un “tiek's” (comprendre quartier pour les non initiés) à travers l'exemple de ce garçon trop vite propulsé jeune homme.

L'oeuvre, truffée de valeurs, ne tombe jamais dans la facilité d'un regard moralisateur. Si le récit interpelle l'individu-lecteur, il parle aussi au citoyen qui sommeille en chacun de nous, sans jamais chercher à asséner, encore moins à convaincre. La force de la narration vaut bien plus que tous les discours. Sur un sujet propice à tous les amalgames et à toutes les récupérations, c'est rare. Peut-être parce que, pour la première fois, l'histoire est racontée par ceux qui la vivent. Sans idéologie, sans facilité, sans raccourcis. Sans arme, ni haine, ni violence. Ou presque.
Lien : http://madamedub.com/WordPre..
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