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EAN : 9782081330535
211 pages
Flammarion (05/02/2014)
3.94/5   35 notes
Résumé :
Le Silence des rails Alsace, 1942.
Parce qu'il est homosexuel, le jeune Étienne est envoyé dans l'unique camp de la mort installé en territoire français annexé.
Parce qu'il est homosexuel, il porte le triangle rose, insigne de son infamie, sur son pyjama de prisonnier. S'il sort vivant et libre de cet enfer, personne ne le croira, c'est sûr. « Les culs roses, comme ils nous appellent. »
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Tout commence dans une gare, par une guerre qui finit, celle qu'on nommera la Grande Guerre, celle de 14-18 dont on espérera qu'elle sera la dernière des dernières, et des soldats qui reviennent du Front.

Puis, à l'intérieure de cette gare, une femme qui attend, et qui attendra un qui ne reviendra jamais. Enceinte, elle mourra dans la gare en mettant son bébé au monde, au milieu d'inconnus, un petit garçon.

L'enfant passera d'orphelinat en orphelinat. Puis viendront les premiers émois, solitaire, incestueux puisque qu'ils ne peuvent s'accomplir qu'en pensant à sa mère. Jusqu'au jour ou surpris par un surveillant pervers qui prendra cette jouissance à son compte.

A 18 ans, il est emmené par son amie Georgette sur les barricades du Front Populaire où il fait la connaissance de Jules qui lui fait prendre conscience de son inversion. Entraîné par lui dans des amours clandestines, ses aventures s'avèreront multiples et fugitives dans des endroits assez glauques de la capitale. Ce qui devait advenir fini par arriver et il se retrouvera "fiché" aux moeurs. Il ne sera libéré que par l'intervention de son amie Georgette qui l'épousera pour faire taire les rumeurs.

Le trio part en vacances pour les premiers congés payés. Tout à son bonheur, Etienne ne veut rien savoir, ne rien voir, ni la débacle ni l'exode. Dans la ville occupée il est convoqué à la Kommandantur . Son épouse ? non il ne la pas revue. de conversation en interrogatoire et malgré une histoire servie d'avance il est relâché, bien que les fiches transmises le concernant ne leurs laissent aucun doute.

Malgré les risques, ils sont quelques ombres à glisser le long des rues désertes, à roder autour des vespasiennes. Les étreintes se font à la va vite entre deux patrouilles, le retour se fait par des chemins détournés. Un soir, alors qu'il est dans sa chambre et que les caresses ont à peine commencé, il est surpris par deux hommes en civil et 2 en uniforme. Ils ne sont pas là pour lui mais pour le juif qu'ils filaient depuis le canal. A peine le temps de se rhabiller et les voilà à Fresnes. Lui finit par être embarqué le 22/07/1942 en fourgon à bestiaux à Rethau en Alsace au camps de Natzweiler - Struthof dans les Vosges Alsaciennes.

Six mois qu'il est interné, privilégié ou non il est affecté au service général du camp, ce qui est moins difficile que de travailler à l'extérieur, aux carrières. Affecté à la collecte des déjections, il passe une partie de la journée à charier des sauts d'immondices pour les déverser plus bas dans une fosse à la limite des barbelés. A force de transporter les déjections des détenus, il finit par en évaluer la densité, en déduire la fréquence, en apprécier la qualité, la rareté. Pourquoi la légéreté des sauts annonce la mort ? Pourquoi la mort est-elle sèche de toutes ses absences ?

Ernst, son gardien personnel, fait preuve d'un peu d'humanité et lui offre des cigarettes. Il lui permet également de s'asseoir hors de vue du mirador, jusqu'au moment ou Ernst est fusillé pour avoir essayé de lui donner un vieux dictionnaire allemand-français afin de communiquer avec une petite fille qui a jeté son ballon derrière les barbelés. Remplacé par une Aufseherin, d'une vingtaine d'années, surnommée Madame, formée pour être gardienne en camps de concentration, les relations sont plus que difficiles, teintées de séduction et de cruauté. On raconte qu'il faut être volontaire pour obtenir une affectation au Struthof, ainsi la hiérarchie s'assure d'une sévérité exemplaire envers les déportés. Les soldats eux-mêmes punis, éloignés de leurs proches, reportant leur haine et leurs frustrations sur les déportés.

Etienne malgré le dramatique de sa situation ne peut s'empêcher d'y voir une certaine beauté, faire de la poésie avec l'horreur : la faim,

Alors que les alliés approchent, Etienne est affecté à l'infirmerie, il y verrra tout ce qu'il ne devrait pas voir et que les allemands tenteront de faire disparaître. Pour finir par y devenir, lui aussi cobaye d'expériences toutes aussi douloureuses qu'inutiles. Lorsque les alliés arrivent, la porte du camp est grande ouverte. "...Etienne Lotaal est libre, triangle rose oublié ..."

Le 15 mai 1968, dans une autre gare, il rencontre Arsène, jeune homme de 19 ans avec qui il fait connaissance puis, suite à son invite, le suit... Tout commence et tout finit dans une gare.

J'ai beaucoup aimé ce livre, qui bien qu'une fiction s'inscrit dans un contexte historique réel. Ce n'est pas un playdoyer larmoyant, ni militant, sur les déportés homosexuels. C'est la description d'une situation à une époque donnée. Contrairement à bien d'autres sur ce sujet, l'auteur de ce livre ne montre, ni ne dit directement l'horreur. Celle-ci est distillée parcimonieusement au fil des pages, et toujours avec une poésie qu'il semblait impossible à imaginer pour raconter l'indicible. A lire impérativement.

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Le lecteur est dans un premier temps cueilli à froid par la sécheresse de l'écriture. Les phrases courtes, elliptiques, donnent au texte un caractère abrupt, qui écorche...

Il comprend tout de suite que "Le silence des rails" ne livrera pas de longues descriptions des faits. Non, "Le silence des rails" est un texte taillé au cordeau, constitués de mots que l'auteur nous jette à la figure, avec l'intention consciente de frapper l'esprit.

On apprend en quelques lignes la naissance du narrateur sur le quai d'une gare, son abandon, aussitôt, par sa mère, au milieu de la liesse suscitée par le retour des soldats du front. Puis c'est l'orphelinat, et les premiers attouchements avec des hommes, et enfin la liberté, à dix-huit ans, et la révélation de ce qu'il nomme son "inversion" (comprenez son homosexualité) lorsqu'il rencontre le beau et viril Jules.

Voilà, pourrait-on dire, pour l'introduction. Car l'essentiel est après, et l'auteur s'y attardera davantage. Sa plume aussi, d'ailleurs. Elle conservera dans l'ensemble sa concision tranchante, ses mots qui percutent, mais se fera en même temps plus poignante, plus lyrique, empreinte d'amertume, puis d'une détresse de plus en plus forte, qui confine à la démence.

Étienne, parce qu'il est homosexuel, est déporté dans un camp en Alsace, le Struthof, où ceux de son espèce sont surnommés "les culs roses". Il ramasse les déjections et déblaie la neige, sous la garde d'Ernst, plutôt complaisante, trop sans doute, puisque Ernst n'y survivra pas. Au Struthof, Étienne découvre vite que l'on vous fusille pour un rien. Il apprend à faire profil bas, à ravaler sa révolte, à occulter la signification de la fumée nauséabonde qui sort des cheminées, à survivre au froid et à la faim, aux humiliations...

Si Franck Balandier choisit, pour nous faire part de cette portion d'histoire, d'utiliser la fiction, il étaie son récit de détails issus de témoignages bien réels, qui rendent significative l'horreur vécue par les prisonniers du Struthof. Par la voix de son narrateur, il rapporte notamment les nuits au cours desquelles on entend quasiment tout le dortoir claquer des dents, car, tenaillés par la faim, les prisonniers rêvent de nourriture, ou l'indécence macabre de ce commandant qui utilise les cendres des morts pour fertiliser son potager.

L'écriture de l'auteur, puissante, bouillonnante, rend son héros palpable. Franck Balandier met son imagination d'écrivain au service d'une réalité indicible, et parvient ainsi à toucher le lecteur, en dénonçant l'intolérance et la barbarie des hommes avec autant de force que s'il nous avait livré une réalité brute. C'est d'ailleurs grâce à ses facultés imaginatives que son héros survit, en transcendant l'horreur par la poésie et la dérision, se détachant ainsi de l'état d'animal auquel ses geôliers voudraient le ravaler.

"Le silence des rails" est un texte à la fois beau et violent, court mais intense.
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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« Rosa Winkel », triangle rose en allemand servant à « marquer » les homosexuels masculins dans l'univers concentrationnaire.
18 Novembre 1918, Étienne né sur les rails gare de l'est à Paris, son père ne reviendra pas et sa mère l'abandonne dans son dernier souffle. Une vie d'orphelinat jusqu'à sa majorité.
Bac en poche il est libre,Il va vers son « inversion » , la rumeur gronde en Europe la chasse aux sorcières est ouverte.
Une vie d'ombre jusqu'à son arrestation et son marquage.
La vie à Struthof est rythmée par la mort et les lettres d'Étienne écrites dans la neige , dans le vide à Dieu.
Les mois et les saisons s'écoulent comme les fumées s 'échappent du crématoire à côté du village.
Les baraquements se vident, la mort est vivante , Étienne reste le témoin de la fin mais aussi le cobaye d'il ne sait quelle expérience....
Génuflexion, élévation, consécration, bénédiction, ite missa est , la gestuelle d'une messe , sont les chapitres de ce livre . NN « Nacht und Nebel » Nuit et Brouillard.
Un style éblouissant, poétique, d'une grande beauté même si ce terme peut sembler déplacer.
Ce livre est une pépite.
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Sans avoir à remémorer l'histoire épouvantable de Étienne, un jeune homme homosexuel incarcéré au Natzweiler-Strutof, seul camp de concentration constuit par les nazis dès 1941, en Alsace sur le territoire français pendant la seconde Guerre Mondiale. Les culs roses: c'est ainsi que ces hommes déportés étaient nommés à cause de leur orientation sexuelle. Ils portaient le signe distinctif de leur " infamie " avec un triangle de tissu rose cousu sur leur pyjama.. Trois minutes et 53 secondes ont été consacrées au récit fiction de Franck Balandier dans une émission télévisée: Entrée Libre il y a 7 ans sur France 5, pour la présentation de son livre, et pas une minute de plus! pour révéler aux grand public une situation que l'histoire et les historiens ont juste survolés sans prendre le risque de se perdre dans les détails...On pourrait aujourd'hui croire que l'homosexualité soit intégrée dans notre société, qu'elle ne soit plus un sujet tabou, et pourtant, elle demeure encore gênante et rarement abordée avec franchise dans beaucoup d'endroits, sauf pour des blagues salaces et grivoises. Les lesbienbes sont bien mieux tolérées par les hommes; même les femmes ne souffrent pas des mêmes maux que leur homologues masculins. Il va falloir du temps pour faire taire l'homophobie ambiante refaisant étrangement surface, pour ingérer totalement les lois récemment votées sur le mariage pour tous, le droit à l'adoption pour les couples quelqu'en soit le sexe. Nous sommes seulement au début d'une autre façon de penser. Franck Balandier n'a cessé jusqu'au bout de nous interpeller sur un danger potentiel planant toujours sur nos têtes, pouvant reproduire la montée du fascisme. L'être humain est ainsi fait: humeurs changeantes et versatiles faisant la part belle aux complotistes, manipulateurs de tous bords venant perturber les bonnes intentions et reprendre des mauvaises influences liées à une éducation de base. Des événements nouveaux venant des politiques, les religieux peuvent à n'importe quel moment nous faire basculer dans l'ignominie. Hitler a bien réussi à entraîner l'Allemagne dans sa chute. Nous ne serons jamais à l'abri d'une future dictature.
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Alors qu'est annoncé comme l'une des publications majeures de la prochaine rentrée littéraire le nouveau roman de Franck Balandier, Gazoline Tango, aux éditions du Castor astral, il me semble urgent de vous parler du Silence des rails, roman paru en 2014 aux éditions Flammarion, que j'ai lu voici quelque temps. Je me dis que l'évocation de l'un ne manquera pas de vous mettre l'eau à la bouche et de vous donner l'envie de découvrir l'autre.

"J'étais fier de mon triangle rose plus imposant que leur géométrie jaune. 17 cm de côté, le triangle. le meilleur de tous. Une manière de nous identifier. Nous signaler. J'aurais dû me méfier. J'aurais dû compter les coups de crosse. Organiser des concours. Nous étions tous des victimes. Certes. Mais qui souffrait le plus? Existe-t-il une échelle de la souffrance lorsqu'on en arrive là?…"

Au royaume de la douleur et de l'abomination, le triangle rose n'est pas mieux loti que l'étoile jaune. Étienne Lotaal en sait quelque chose, lui qui, parce qu'il est homosexuel, est interné au Struthof en 1942. Nous assistons à sa longue descente aux enfers. Parce parce qu'il est un cul, il est violé, parce qu'il est un corps, il est mutilé, parce qu'il est un coeur, il est brisé. Réduit à néant. Les mots eux-mêmes ne sauvent plus. Bien au contraire.

"La mort au bout du vocabulaire, les mots, c'est de la viande oui, du mou pour les chats."

Devenu cobaye, nourri aux injections, il attend la mort.

"J'ose encore demander de quelle race je fais partie(…) le rose me va si bien, mais de quel mal je souffre encore après avoir tant souffert, qu'ai-je encore à découvrir de ma souffrance et de la mort qui m'attend?"

Mais il a du pot, Étienne. Il en réchappe. Ça étonne tout le monde, même la gentille infirmière qui lui inocule la mort et qui est presque déçue de ne pas pouvoir mener le protocole à son terme. Elle doit se carapater. Les Alliés arrivent.

Dans un mauvais français, elle m'explique que j'ai eu finalement de la chance. D'habitude, les « triangles roses » ne font pas long feu ici. « C'est le cas de le dire ». Elle rit de sa plaisanterie.

La narration, précise, réglée à la virgule près, colle au destin d'Étienne. Elle est émaillée de moments d'introspection touchants et glaçants à la fois. On sent qu'un mot n'en vaut pas un autre pour Franck Balandier. Que j'aime cet art de l'horlogerie! Voilà qui est de bon augure pour la rentrée littéraire…

Lien : https://latoileciree.wordpre..
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critiques presse (1)
Lhumanite
10 février 2014
Le texte, tendu à l’extrême, apparaît d’une beauté rare. Écrire après Auschwitz, c’est ici concevoir une façon nouvelle de faire vivre l’humain.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je ne sais pas si je meurs demain. Si c'est déjà mon tour. Forcément. Ça ne devrait plus tarder, avec toutes ces injections.
Nous ne sommes plus que quelques un à loger ici.
Loger ! La plupart des baraquements sont vides.Ceux encore occupés sont transformés en salle d'opération, d'expérimentation, par manque de places. Plus assez de prisonniers. Trop de morts vivants.
Strudhof, Alsace, France, camp de malades involontaires, Strudhof, hôpital concentrationnaire militaire. Camp de morts. Presque le nom d'un gâteau.
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"...le rêve éveillé de nos dents, l'horrible va et vient de nos mâchoires à vide, nous dormons au pas de nos estomacs, nous parlons à nos gencives mortes, qu'avons nous donc à croquer avec tant d'urgence, sinon nos propres langues...". Le froid, les seaux entassés sur la carriole, qui ressemblent à du lait à cause du givre sur le bord, et "...toute cette pisse gelée. Tu ressembles à de l'or en paillettes. Un sorbet au citron...."

Et puis, "....le souvenir criant et hagard d'une sentinelle qui me prend au hasard... " J'ai conscience qu'il m'aime de presque rien, de mon anus, de mes hémorroïdes mal soignées..." Je conçois qu'il est des mots qu'on ne traduit jamais.
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On m'a encore changé d'affectation. J'espère que, cette fois, c'est bien la dernière. Maintenant, j'officie dans la pièce qui précède le four crématoire.
Je suis arracheur de fausses dents. Je visite des bouches qui paraissent sourire, d'autres qui portent aux lèvres la trace de leur bave. J'explore des gorges aux remugles étranges. Je longe le chemin des gencives abandonnées. Je bute sur des ornières d'incisives cassées. J'aimerais décrire l'excitation que me procure la découverte, au fond d'une bouche, d'une dent en or, les précautions que je prends. Surtout ne pas l'abîmer, l'extraire, telle une pépite. Il est des gorges comme des mines à ciel ouvert. On devrait supprimer les langues, de toute façon, on n'a plus le droit de parler, et puis il est trop tard pour crier, pour appeler quelqu'un...
Je suis chercheur d'or, orpailleur du fleuve Amazone. Je suis voleur de ma propre mort.
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Moi, je vis encore. Je ne vais pas me plaindre. Je n'ai même plus froid. Je m'habitue à la neige, la pisse et à la merde.
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Dès demain, vers cinq heures, comme tous les matins, elle se penchera sur moi.
Elle va revenir.
Il faudrait qu'elle revienne.
Je l'attends.
Commenter  J’apprécie          10

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Vidéo de Franck Balandier
Petit zoom sur Chuck Berry, l'un des pionniers du rock'n'roll. Ce portrait est à retrouver dans le dernier ouvrage de Franck Balandier, Sing Sing, musiques rebelles sous les verrous, préface Philippe Manoeuvre, au Castor Astral. Au programme, agressions et concerts en prison !
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