AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,84

sur 40 notes
5
9 avis
4
14 avis
3
3 avis
2
2 avis
1
0 avis
****

Tout a commencé un 13 juin 1936, à Hambourg, sur le quai de Blohm + Voss. Enfin... Ce fut ce jour là qu'August prit conscience de son pouvoir de dire non. Au milieu de la foule, il a croisé les bras plutôt que de saluer ce petit homme à la moustache, qui mettra à sa vie rêvée. August est aryen et il aime passionnément Irma, juive de naissance. En ces temps noirs, ils n'ont pas le droit de se voir, de se parler, et encore moins de se marier. Mais ce premier geste de révolte va le pousser à se libérer de toutes règles, de toutes lois, et il va aller au bout de son rêve... Mais à quel prix...

Tout parle, tout sonne, tout émeut dans ce très beau premier roman d'Adeline Baldacchino. On pourrait se dire que c'est un énième roman sur la seconde guerre mondiale, sur les déportations massives et les horreurs nazies. Mais celui-ci a un petit supplément d'âme. Est-ce l'écriture, vaporeuse et poétique, est-ce les personnages, ambivalents dans leur sentiment, est-ce l'histoire, racontée de nos jours par un regard détaché ? Autant de questions qui font de ce roman un témoignage touchant sur le grand amour, sa force et sa faiblesse, sa raison d'être et sa justification à mourir.

Il est des pages comme celles-ci qui se tournent avec regret, des livres qui laisseront une trace et des personnages qui nous guideront dans les mauvais jours. Je ne peux que vous conseillez de rencontrer August et Irma. Vraiment...

Merci à NetGalley et aux éditions Fayard pour l'envoi de ce roman.
Commenter  J’apprécie          270
C'est une photo datant de 1936 qui est à l'origine de ce livre. Au milieu de la foule en train de faire le salut hitlérien à l'unisson, on remarque un homme. Cet homme, isolé, se démarque des autres par son attitude. Il croise les bras contrairement à tous ses comparses. Il semble bien campé, droit et fier dans ses bottes. Je connaissais cette photo, que j'avais déjà vue à plusieurs reprises sur le net, mais ce que je ne savais pas, c'est que cet illustre inconnu n'en était pas un. Il aurait été identifié par sa famille comme étant August Landmesser, ouvrier sur les chantiers navaux de Hambourg. (Lieu où a d'ailleurs été prise la photo)
Adeline Baldacchino est allée à la rencontre de cet homme qui disait non en se rendant sur place à Hambourg pour faire des recherches. Elle n'a évidemment pas pu rencontrer de visu Herr Landmesser, ce dernier ayant disparu en Croatie en 1944 lors d'une bataille. Mais en allant sur place, l'auteur a pu se remettre dans le contexte. Et pas n'importe quel contexte, car cet homme qui disait non avait une raison bien légitime de refuser de faire le salut hitlérien : sa femme, Irma, était juive.
C'est leur histoire que Adeline Baldacchino va essayer de raconter, en se basant sur la réalité historique, sur les documents rassemblés par l'une des filles du couple et aussi en laissant son imagination faire le reste.
L'histoire de ce couple est édifiante. J'ai cependant un petit regret. Même si l'auteur a un très beau style et une belle qualité d'écriture, la manière dont elle a choisi de raconter l'histoire ne permet pas au lecteur de se projeter ou d'éprouver beaucoup d'empathie pour les différents protagonistes. On se sent un peu détaché de l'histoire…
En effet, elle se raconte en racontant l'histoire de cet homme qui disait non, car en même temps qu'elle écrit son livre, Adeline chemine dans le travail de deuil de son père.
Intéressant…
Et encore merci à Babelio et à son opération masse critique, ainsi qu'aux Editions Fayard pour l'envoi de ce livre.


Commenter  J’apprécie          270
Hambourg, le port, le 13 juin 1936 , baptême du trois-mâts Horst- Wessel, quai Blohm+Voss. La moustache est venu assister en personne au lancement , les photographes sont là ..Une photo surgira beaucoup plus tard des archives. Un homme au fond à droite se tient droit les bras croisés , fier , et dit non ... August Landmasser probablement ,certains parlent de Gustav Weigert . Adeline Baldacchino adopte August et parler d'August c'est parler d'Irma l'amour de sa vie, la prunelle de ses yeux , la belle juive qui a pris le coeur de ce jeune nazi et lui a permis d'ouvrir les yeux et de dire non, leur chemin est irrémédiablement tracé.
Un beau texte admirablement documenté , une écriture ciselée, incisive et rebelle , une histoire d'amour au milieu de la tourmente . Un beau premier roman , une auteure à suivre c'est certain.
Merci aux Editions Fayard via NetGalley pour ce partage.
Premier roman de la sélection des 68 premières fois hiver 2018.
Commenter  J’apprécie          263
Parfois l'Histoire produit des héros malgré eux, souvent anonyme, comme ce manifestant de la Place Tian'anmen, debout, si petit face à un char d'assaut.

August Landmesser, ne le restera pas. Photographié seul, bras croisés pour une entrée singulière dans l'histoire. J'espère que les filles d'Irma et August auront pu lire ce roman.

Rarement un roman m'a autant bouleversée !

"Et si c'était à refaire, je referai ce chemin
La voix qui monte des fers, dit je le ferai demain..."

Ces vers de Louis Aragon me sont venus à la lecture de l'histoire d'August, telle que l'a reconstitué Adeline Badacchino.

L'auteure frappée par cette photo vue sur le net, qui montre August Landmesser en juin 1936 à Hambourg, refusant de saluer Hitler, au milieu d'une foule d'hommes bras levés formant le salut nazi.

L'auteure en fait le point de départ d'une quête personnelle pour comprendre une époque, raconter à son père l'amour fou d'August et Irma, cueillir en passant une part de son histoire familiale. Entre fiction et réalité devenue historique.

Est-ce cela l'héroïsme ? "Hâtes-toi de transmettre ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance." René Char.

Adeline Badacchino cite ce vers. Comme elle a raison : August Landmesser nous a transmis sa part de courage resté dans L Histoire, son visage lumineux d'amoureux rebelle face à l'innommable fureur d'un homme.

Ce roman est un phare pour que l'ignorance ne soit plus de mise. Demain, encore de simples citoyens se mueront en bourreaux ordinaires, si nous ne sommes pas vigilants. L'Amour ne résout pas tout.

Leur amour au-delà de toutes les règles édictées par un fou moustachu n'a pas empêché le pire... Irma, August, vous n'avez pas résisté en vain : deux vies sont nées de votre amour. Deux vies pour se souvenir de l'indicible courage qu'il vous a fallu, pour aimer par-dessus tout, malgré tout.

Jamais, je n'entendrai plus la phrase "c'est politique" sans réagir désormais. Grâce à cet homme surgit du passé, lumineux et seul au coeur d'une mêlée de bras levé, pour dire que NON ce n'est pas possible, pour toutes les Irma de la terre. Il faut s'élever, il faut se lever !

Ces hommes ordinaires devenus bourreaux ordinaires ont cru à une politique, ont assassinés par milliers des hommes, femmes, enfants au mépris de toute humanité, parce qu'une politique le leur avait commandé.

Les mots justes, factuels, poétiques de l'auteure n'enlèvent rien à la cruauté de leur destin, à la beauté de la petite histoire d'Irma et August, devenue part de la grande. Indissociable du chant des mésanges, de ce qui reste de beau, d'irremplaçable toujours : l'Amour absolu, absurde puisqu'il coûte des vies mais total, unique rempart face à la barbarie.

Voici le roman de la sélection des 68 qui restera dans ma mémoire, pour la dureté de la réalité qu'il met en lumière, pour la grandeur de l'Amour qu'il nous donne à voir.

MERCI pour ce moment de lecture incroyable, qui touche au coeur, Madame Adeline Baldacchino !
Commenter  J’apprécie          230
L'histoire d'un héros ordinaire

Il aura fallu un concours de circonstances assez exceptionnel pour retrouver le nom d'un homme sur une photo et donner ainsi à Adeline Baldacchino le sujet de son premier roman.

Les réseaux sociaux ont indéniablement quelques avantages. Quand, par exemple, une photo est partagée des milliers de fois, et qu'elle finit par intriguer et intéresser. On se souvient d'Isabelle Monnin avec Les Gens dans l'enveloppe, qui était partie à la recherche des personnes figurant sur un jeu de photos achetées dans une brocante et qui avait fini par les trouver.
Cette fois, il s'agit du cliché reproduit en couverture du livre et qui montre des dizaines de personnes faisant le salut nazi, sauf un.
En 2012, Marie Simon a raconté dans L'Express comment, grâce à un message posté au Japon sur Facebook pour illustrer la volonté de dire non – en l'occurrence à une catastrophe nucléaire – le monde entier avait pu faire la connaissance d'Auguste Landmesser. Quelques vingt années auparavant, c'est sa fille Irene qui avait reconnu son père sur la phto publiée par un quotidien allemand. « Depuis quelques années déjà, elle rassemble des documents sur le destin de ses proches. Elle en a même fait un livre, publié en 1996, dans lequel elle raconte l'histoire de sa famille "déchirée par l'Allemagne nazie".»
C'est ce livre que la narratrice a dans ses bagages, lorsqu'elle débarque à Hambourg en avril 2017, « un long fichier, un seul, qui rassemble l'essentiel de ce que l'on sait d'August et d'Irma, de leurs filles, Ingrid et Irene, de la grand-mère Friederike, du grand-père Arthur et de quelques autres. Des documents d'archives, aussi secs que le sont tous les papiers officiels. Tout est là. Ou presque. Car ce n'est que le squelette de tout. Ce qui est arrivé. Ce qui fut consigné. Les dates, les lieux, les noms : une chronologie. La vérité crue, brutale et nette, sans artifices ni sentiments. Deux cent cinquante pages d'actes et de fac-similés, quelques lettres, un sommaire qui ressemble à celui d'une dissertation d'histoire. » Un document qui doit ressembler au livre que vient de publier Colombe Schneck, Les Guerres de mon père, livrant lui aussi quelques documents bruts qui sont le fruit de ses recherches. Mais le projet d'Adeline Baldacchino n'est pas celui d'une historienne, mais d'une romancière qui entend traquer la chair. « Ce que nous disent les regards, ce que nous dérobent les actes administratifs. La pulpe du réel. C'est elle que je ne retrouverai qu'au prix de l'invention. Tout sera vrai, tout est déjà vrai puisque tout est arrivé. Je sais les tribunaux, les prisons, les camps. Je sais la dernière balle et même le plan détaillé de la chambre à gaz de Bernburg. Je sais qui est devenu quoi, je sais qui a emprunté quelle impasse de l'Histoire. Je sais les dates, les lieux. Je sais le bruit de cymbales du dénouement. le flot des larmes et les jambes qui flanchent en lisant. le reste, je le devinerai. Donc, je l'écrirai. »
Un choix juste, un choix vrai. de ceux qui donnent cette indicible épaisseur au récit, qui permet de faire se fusionner les sentiments, les époques, les émotions. Car si la narratrice est à Hambourg, c'est aussi pour essayer de faire le deuil de son père, oarti neuf mois plus tôt. « Je crois que j'écris aussi pour te crier que je t'aime et n'ai jamais su te le dire assez. Je ne connais pas d'autre moyen de te le prouver que d'écrire un livre et d'y glisser ton nom. »
Nous voici donc en octobre 1934, au moment où August rencontre Irma. « C'était l'automne à Hambourg. Des feuilles mortes voletaient dans les rues trop larges pour les âmes solitaires. Elle était allée s'asseoir au jardin botanique, Planten und Blomen, près du petit canal aménagé qui le traversait, sous un saule pleureur dont elle avait fait un ami. (…) Ce jour-là, sa robe était blanc et noir. Elle avait emprunté à sa mère un petit châle de laine. le livre venait de retomber sur ses genoux. Je crois bien qu'elle s'était assoupie, vaguement ivre dans l'odeur d'écorce et de colchiques. August cherchait un endroit pour faire la sieste. C'était l'automne, certes, mais l'une des dernières belles journées de l'année. Il avait repéré l'arbre et son ombre prometteuse. Il venait de pénétrer sous le rideau protecteur de sa ramure, quand il était tombé en arrêt, n'osant plus ni continuer ni se retirer.
August ne sait rien alors du début de la longue marche des communistes en Chine du Nord. Rien du vol du premier bombardier soviétique à grande vitesse, le Tupolev SB1. Rien de l'appel de Maurice Thorez à fonder le Front populaire en France. Tout cela se passe en octobre 1934. Tout cela, mais encore ce bruissement de feuilles sous un saule au bord du canal, une femme avec un livre ouvert au bout de ses doigts qui attirent la lumière. Elle pourrait lire, mais elle dort. Et c'est parce qu'elle sommeille qu'il peut regarder longtemps les commissures de ses lèvres, l'angle de son nez, la forme de ses sourcils, la blancheur de son front, les racines de sa chevelure noire et souple. Il peut détailler tout cela. Ses paumes ouvertes, abandonnées, il sait qu'il va les saisir et les retenir, qu'elles vont le caresser et l'épouser. Ce jour-là, August, grand bonhomme un peu gauche qui adhère au parti nazi depuis trois ans, a complètement oublié la politique. Il sait que son désir est charnel, mais aussi pur et puissant que la sève du saule. C'est quand il hésite à la réveiller, se demandant s'il doit s'asseoir là, lui aussi, et la contempler sans fin, qu'une rafale un peu brusque expédie une bouffée odorante dans les narines d'Irma. Crocus et camélias, des fleurs aux noms qui claqueraient dans la mémoire. Ou bien la feuille à peine détachée, jaune encore et rougissante, qui lui effleure la pommette. Elle s'éveille, Irma, et il est là. »
Une longue citation pour dire qu'il n'est guère nécessaire d'en dire plus. Vous découvrirez combien ce bel amour va se transformer en un défi fou. Car Irma est juive et que des lois absurdes «pour la protection du sang» interdisent non seulement leur union, mais aussi toute descendance. Sur ce quai de Hambourg, au moment de cette photo désormais célèbre, August disait non à Hitler, mais il disait surtout oui à Irma. Longtemps, il pensera que la force de leur amour aura raison de la stupidité des hommes. Que cet amour protégera aussi les deux filles qui vont naître. Et quand il se rendra compte que le pays est subitement devenu fou, il sera trop tard. En 1937, on peut arrêter un membre du parti nazi pour «souillure raciale» et l'envoyer en camp de travail et à la mort. Et on ne va pas tarder à expérimenter la solution finale sur ses propres ressortissants. Irma sera de l'un des premiers contingents pour Ravensbrück.
Ce premier roman est un hommage, mais aussi un cri. Qui résonne d'autant plus fort en nous qu'il est soutenu par une plume magnifique : «Les écrivains n'ont qu'une passion : ressusciter les morts en les racontant, retenir les vivants en les répertoriant. Ce goût de pâquerette sur les cendres. Quand les mots s'écoulent de l'âme comme du sang frais, c'est bon signe. Et je saigne. »
Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          200
« Encore un roman sur l'entre-deux guerres ! » me disais-je en recevant Celui qui disait non d'Adeline Baldacchino dans le cadre des lectures des 68 premières Fois !
C'est vrai que depuis le début du mois de mars, j'ai déjà lu quatre romans dont l'action se situe au cours de la première moitié du siècle dernier et qui abordent des problématiques en lien avec les deux premières guerres mondiales.
Cette polyphonie de points de vue était intéressante mais commençait à manquer de variété et si ce livre voyageur ne devait pas être rapidement envoyé au lecteur ou à la lectrice suivante, je l'aurais bien laissé attendre un peu… afin de changer un peu d'ambiance.

Heureusement, ici, j'ai tout de suite été surprise par la posture de l'auteure.
Tout part d'une photo, oubliée, retrouvée, analysée, la photo d'un groupe d'ouvriers sur le quai d'un chantier naval à Hambourg, qui saluent Hitler venu baptiser un navire. Parmi eux, un homme se tient les bras croisés, refusant de faire le salut nazi. le non-geste de cet homme sera le point de départ du récit. Adeline Baldacchino va l'interpeler et reconstituer son histoire, dans un mentir-vrai de biographie fictionnelle. D'avril 2017 à juin 1936, elle va remonter le temps, entreprendre des recherches, fouiller des archives, séjourner à Hambourg, pour, à partir d'une identité, raconter l'histoire d'un amour impossible entre une juive et un aryen.
Paradoxalement, il va se faire tout un processus d'identification à ses personnages, qui la renvoie à son propre vécu, à la mort de son propre père, aux brouillards de sa propre histoire familiale.

Ce roman revisite le mythe du héros résistant : comment dire non ? comment refuser de se soumettre à des lois inhumaines ? Mais suffit-il de dire non ? le héros n'a pas mesuré les risques encourus par sa famille, a mal planifié leur fuite, l'a entrainée vers l'horreur… C'est une véritable tragédie où la notion de destin inéluctable, d'horreur et pitié provoquées chez le lecteur donne une dimension universellement classique.
L'auteure revient sur la montée du nazisme, sur la prise du pouvoir par Hitler, porté par la grande majorité des allemands qui voyaient en lui un sauveur pour l'Allemagne. C'est un élu du peuple, un élu démocratiquement plébiscité, et c'est quelque chose qu'on oublie souvent.

L'écriture est belle, efficace et poétique à la fois. La quatrième de couverture nous apprend que l'auteure est poète et magistrate… Il y a dans son roman de l'urgence, de la précision chirurgicale, de l'investigation, une volonté synthétique et une ouverture sur le monde, une magnifique mise en mots.
Dans l'écriture, il y a un rythme, des récurrences comme des refrains sur ce qu'on fait de la vie, sur ce qu'on fait de l'amour, sur que les autres leurs ont fait, ont fait de leur amour… Il y a aussi des passerelles entre les époques et les protagonistes, une mémoire des uns qui « habille » l'histoire des autres, une forme de transmission… Les bijoux jouent ici un rôle important, objets trans-générationnels par excellence.
Adeline Baldacchino imagine pour donner vie, pour donner à lire. « Si ce n'est pas vrai, c'est vraisemblable : qu'attendre de plus de la littérature ?».

Pourquoi Adeline Baldacchino raconte-t-elle l'histoire de « cet homme qui disait non » à son père, récemment décédé, qui n'est plus là pour l'entendre ? Quelle signification plus profonde que la vision historique met-elle dans ce récit de « l'envers de l'obéissance » ?
Il faut lire ce roman pour le comprendre et en prendre toute la mesure… « " C'est pour parler du mien, de père, que j'ai couru après le leur... Regarde, je commence à confondre ceux que j'interpelle. Est-ce à toi, papa, ou à lui, August, que je dis tu ?".
Un premier roman difficile, qui nécessite une lecture entre les lignes, dont les clés et le pacte de lecture ne sautent pas aux yeux.
Une belle surprise.
Commenter  J’apprécie          141
J'ai été subjuguée par l'écriture. Dès les premières lignes, j'ai su que ce serait un bonheur de lecture.
Émerveillée par l'écriture, oui, mais ensuite, tellement bouleversée par le déroulement des faits.
Qu'il est beau , dans l'Allemagne nazie de 1936, cet amour de August l'aryen pour Irma, la si jolie juive !
Qu'il est beau l'amour de Irma pour August !
Qu'elle est odieuse leur interdiction de s'aimer !
Un amour interdit par des esprits pervers qui mettent leur intelligence au service du mal et de la soi-disant pureté de la race.
Et ces interrogations qui reviennent : "qu'avons-nous fait de notre amour "?
"Qu'avons-nous fait de notre vie" ,
Ces interrogations-refrain que je ne peux oublier, qui ajoutent à la puissance dramatique.
J'ai tout aimé de ce livre, à tel point que je n'ai pas envie de le disséquer; je veux garder mon émotion en moi, profondément.
Merci Adeline Baldacchino.
Commenter  J’apprécie          92
"Cet homme capable de dire non à Hitler, si sereinement, comme si sa vie n'en dépendait pas, m'a instantanément fascinée. J'ai eu besoin de comprendre. Ce qu'il était mais encore pourquoi ce qu'il était m'importait tant. Besoin de le nommer. Besoin de le faire exister. Je l'ai très vite tutoyé."


L'homme qui fascine l'auteure c'est August Landmesser, un jeune ouvrier allemand qui, le 13 juin 1936 dans le port de Hambourg où Hitler vient baptiser un navire est le seul à ne pas faire le salut nazi, geste ou plutôt non geste immortalisé sur la photo prise par un journaliste. de ce point de départ naît d'abord une enquête, la compilation de dossiers, un empilement de faits... "Manque la chair". C'est là qu'intervient la romancière. C'est ce qu'elle nous offre au fil de ces pages haletantes, émouvantes, remuantes, poignantes. En redonnant vie à cet homme, à son histoire d'amour, aux enfants qui en furent le fruit. En retraçant, dans les méandres de l'absurdité des lois allemande de l'époque, le destin contrarié d'un couple et en tendant, quatre-vingts ans après, un miroir à ceux qui voudraient encore contrarier les vélléités de mixité. Elle ne se contente pas de raconter, elle insuffle la vie, fait vibrer le courage face aux sirènes de la bêtise et de la lâcheté. Elle donne surtout du sens à cet événement qui trouve encore un écho dans notre actualité, autant que dans son intimité à elle.


August Landmesser n'a rien d'un héros, jeune homme issu de la classe ouvrière, adhérent comme tout le monde au parti nazi parce qu'il fallait bien tenter d'avoir un peu d'espoir en quelque chose. Pas plus politique que ça. D'ailleurs ce n'est pas la politique qui fait basculer son destin, non, mais plutôt l'amour. Un coup de foudre. Elle s'appelle Irma. Irma Eckler. Et elle est juive. Ça, August s'en moque comme de sa première dent de lait. Sa peau, ses cheveux, ses yeux seuls l'intéressent et l'enflamment. Il n'a pas prévu, August que les lois de Nuremberg proclamées en 1935 les transformeraient en criminels aux yeux du régime ; qu'ils ne pourraient pas se marier et qu'il serait lui arrêté pour "souillure raciale", désormais incapable de veiller sur son Irma. Et devenu peut-être son pire ennemi. Il n'a pas prévu ce que leurs deux filles devront subir. Il n'a jamais imaginé, August en adhérant au parti nazi quelques années auparavant qu'il aurait dû devenir un assassin à l'image de ses nombreux camarades... Et que seul l'amour a fait bifurquer son histoire, pour le meilleur et pour le pire.


Il faut du souffle pour raconter l'irracontable et en faire un texte qui touche à l'universel. Un texte qui interroge sur le poids de l'amour face à la politique. Un texte qui interpelle ceux qui croient que l'on peut ignorer la politique, lui tourner le dos tout simplement. On ne sort pas indemne de ce roman court mais intense, de ce terrible chapitre 3 au coeur de la nuit de cristal, de ce voyage sans retour à Ravensbrück. L'auteur nous saisit aux tripes, nous tord le coeur, nous remplit aussi d'admiration pour cet homme qui disait non.


Une lecture d'une force incroyable. Puisse-t-elle inspirer ceux, nombreux je l'espère, qui s'y confronteront.


"Et j'avais vu Dachau, Bergen-Belsen et Buchenwald, vu Auschwitz et pleuré dans la lumière du crépuscule, quand j'essayais encore de comprendre comment il était encore permis d'écrire de la poésie, comment il fallait justement en écrire parce que prier, non, ce n'était plus possible - qui voulez-vous prier : celui qui ne répondit jamais quand on le suppliait dans les chambres à gaz ?"
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          90
Waouh ! Quel roman ! Je ne sais si je saurai définir tout ce que j'y ai trouvé, tout ce qui m'a fait l'aimer immédiatement, comme une évidence, comme un coup de foudre amoureux. La première de couverture déjà est fascinante : une foule d'hommes faisant le salut nazi et, au milieu d'eux, comme isolé par un objectif photographique ou comme la lunette d'un fusil, un homme qui, seul, croise ses bras dans une attitude qui n'est même pas de défi mais simplement de refus tranquille, opiniâtre et sûr de lui. La scène se passe à Hambourg, le 13 juin 1936 et cet homme qui dit non se nomme August Landmesser. Quatre-vingt -un ans après, la narratrice reconstruit son histoire en prenant pour postulat de départ que c'est par amour qu'August a dit non ce jour-là. Car il est follement amoureux d'Irma, August, absolument, éperdument amoureux de sa femme et qu'importe que la loi pour la protection du sang aryen l'empêche d'aimer une Juive. Les idéologies, la politique, les convictions, il ne s'en préoccupe guère lorsqu'il câline sa petite Ingrid et lorsqu'il regarde le ventre à nouveau rond d'Irma. Aimer est peut-être la première insoumission, l'originelle, celle qui nourrit la force du choix. Aimer alors que les mâchoires de l'Histoire se referment insidieusement sur les existences ordinaires, sur les vies des petites gens. Et les broient. Mais finalement, finalement, n'est-ce pas l'amour insoumis qui reste vainqueur ? A la seule condition que la mémoire recouse le passé à l'avenir.
Il y avait probablement beaucoup de manières d'évoquer August Landmesser et autant de points de vue à adopter. Adeline Baldacchino choisit d'y pénétrer, en entraînant le lecteur à sa suite, pour nous en faire découvrir les enchaînements, les possibles, les attestés, les rêvés, les imaginés. le récit construit de superbes passerelles entre les temporalités, entre la fiction et le réel, entre la biographie et la poésie. Et cette écriture ! Magique ! Sa musicalité, son rythme lui donnent une puissance incantatoire qui offre consolation et espérance. L'enquête que mène la narratrice pour retrouver trace d'August en prend une dimension sacrée. Pour l'émotion, pour le plaisir de la beauté pure, j'ai relu plusieurs fois certains passages et me suis laissée submerger par l'harmonie du choix des mots et de leur agencement.
Ce premier roman d'Adeline Baldacchino est, pour moi, une merveille, un diamant que l'on garde précieusement et que de multiples relectures ne peuvent ternir. Il rejoint mes inoubliables précieux. Mes essentiels. Ceux qui témoignent. Ceux qui élèvent. Ceux qui dispensent l'inexprimable bonheur de lire et de savoir toujours s'en émerveiller.
Commenter  J’apprécie          71
Ce qui m'a interpellé en premier lieu, c'est cette couverture et la photo qui y est représentée : un homme au milieu d'une foule, une foule faisant le salut nazi et cet homme lui, est là, les bras croisés. Qui était-il, pourquoi fait-il cela, qu'est-il advenu de lui ?

C'est à ces questions que l'auteure nous répond.

Il s'agit d'un roman tragique et plein d'amour.
Plein de cette histoire d'amour entre cet homme sur la photo, August Landmesser, et de celle qui ne sera sa femme qu'à titre posthume, Irma Eckler, car le destin a voulu que ces deux-là s'aiment en dépit de tout et surtout de la politique : Irma est juive et nous sommes en Allemagne en 1934 lorsqu'ils se rencontrent.
Une autre histoire d'amour est également présente : celle d'une fille, Adeline Baldacchino, pour son père décédé, l'auteure évoque avec beaucoup de pudeur cette douleur qui quelque part la pousse à raconter également l'histoire d'August et Irma comme pour conjurer l'absence paternelle.
C'est un roman qui ne s'oublie pas une fois la dernière page refermée, l'auteure réussit à donner corps à cette histoire d'amour en se basant sur des registres, des notes et rapports froidement administratifs.
Adeline Baldacchino nous entraîne dans son sillage d'écrivain, on suit ses doutes et ses moments d'hésitations lorsque pour elle le récit devient trop éprouvant. Pourtant elle continue et en évoquant ce couple et le destin tragique qui fut le leur, elle leur rend ainsi hommage avec respect et compassion mais également à tous ceux qui ont osé dire non, qui ont osé braver des lois inhumaines et qui malheureusement l'ont payé de leur vie.
C'est un nouveau roman sur la seconde guerre mondiale mais qui par sa singularité et son émotion justifie sa place dans ma bibliothèque.

Lien : https://allylit.wordpress.co..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (85) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3141 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}