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EAN : 9782940523023
Editions des Syrtes (30/11/-1)
3.86/5   7 notes
Résumé :
ATTENTION : POUR PUBLIC AVERTI (descriptions de scènes violentes)

La connaissance de l’univers du Goulag peut désormais prendre appui sur le document unique que constitue un album original comprenant la reproduction de dessins effectués de 1949 à 1989 par l’ancien milicien et gardien de prison Dantsig Baldaev, album qu’il a lui-même offert en 1990 à l’ethnologue française Roberte Hamayon. Les 74 pages contenant les dessins qu’il a effectués lorsqu’il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ancien officier du ministère de l'intérieur et membre de la milice soviétique, Danzig Baldaev a constitué entre 1943 et 1989, un hallucinant corpus de dessins consacrés à l'univers concentrationnaire soviétique (planches de tatouages de détenus et planches de vignettes décrivant les conditions de détention au goulag). Objet rare et singulier que cet album : empruntant au récit-témoignage, à la fiction, au komiksy (bande-dessinée en russe) et au documentaire, Gardien de camp est le résultat d'un processus de création complexe qui n'a pas encore trouvé toutes ses explications. Ainsi que le suggèrent Luba Jurgenson et Élisabeth Anstett dans leur analyse introductive, cette oeuvre est susceptible d'ouvrir la voie vers de nouvelles recherches passionnantes. En effet, outre le fait que le travail de Baldaev témoigne d'une réalité extrêmement violente et peu admise ou connue du goulag (conditions de détention et conditions de vie, codes et pratiques), il permet aux deux spécialistes de nous en livrer quelques clés de compréhension à travers plusieurs pistes d'études : le positionnement de l'auteur par rapport à son oeuvre (L'album du gardien), l'album en tant qu'objet graphique (L'album : un objet soviétique ?), la portée ethnographique des informations clandestinement collectées par Baldaev (Le Goulag comme culture), la valeur documentaire au regard de l'espace géographique du système concentrationnaire soviétique (Des territoires infâmes), le traitement obsessionnel du corps à travers l'image (Corps vivant - Corps mort) et la frontière brouillée entre témoignage et récit (Questions autour du témoignage et du récit). Cette contextualisation des travaux de Baldaev est en réalité indispensable pour une bonne appréhension de ce livre. Sans celle-ci, l'album perd beaucoup de son intérêt et peut tout simplement tourner au voyeurisme. Regroupement thématique des images, traduction complète, annotations, bibliographie, publication parallèle du fac-similé de l'album originalement conçu et cédé par Baldaev à Roberte Hamayon, les choix éditoriaux opérés par les Éditions des Syrtes apportent à Gardien de camp une plus-value inestimable si l'on met de côté l'information purement visuelle que donne l'ouvrage. J'ai eu l'occasion de consulter rapidement Drawing from the Goulag édités en 2010 en anglais aux éditions Fuel qui proposent quelques-unes des mêmes illustrations reproduites dans Gardien de camp et j'avais éprouvé un certain malaise à observer ces images qui me paraissaient dépourvues d'une réelle démarche historique (je précise quand même que je n'ai pas lu tous les textes d'accompagnement de l'ouvrage). Aussi, grâce aux efforts conjoints des chercheuses et de l'éditeur, je conviens que nous tenons avec ce titre, un document rare qui je l'espère, saura alimenter et stimuler de nouvelles réflexions sur le sujet...

Pour en venir aux détails mêmes du travail de Baldaev, notons que l'album tel qu'il a été offert par l'auteur à Roberte Hamayon, se compose pour certaines planches, de décorations travaillées en scrapbooking. Détail incongru qui me fait penser que Baldaev envisage sa production comme une oeuvre artistique alors même qu'il souhaite la revendiquer comme témoignage historique. En ceci, le positionnement de l'auteur par rapport à son oeuvre m'a fortement dérangé et je rejoins complètement Luba Jurgenson et Élisabeth Anstett lorsqu'elles se demandent : "Au nom de qui prend-il la parole et énonce t-il la vérité de son récit, au nom du bourreau, de la victime ou du simple spectateur ?" (p.10). Si les deux maîtres de conférence y voient le désir de l'auteur de "s'inscrire dans une filiation intellectuelle et savante" et de "rendre possible la transmission d'un savoir professionnel sur les camps", et je partage ces hypothèses, je ne suis pas convaincu pour ma part que Baldaev ait complètement mesuré toute la portée de ses travaux. Mu par sa passion pour le dessin, l'homme l'était indéniablement mais je ne crois pas qu'il maîtrisait véritablement son positionnement au regard de son oeuvre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'intention de l'oeuvre est si difficile à saisir. Pour moi, Baldaev se passionnait pour le dessin et il trouvait tout simplement au camp un prétexte pour donner corps à son art sans pour autant aller plus loin dans sa démarche documentaire mais peut-être me trompé-je ? En tous cas, c'est l'idée que j'en ai et je serais ravi d'avoir des retours sur la question. Ceci dit, quel que soit son positionnement, Baldaev laisse derrière lui un corpus graphique précieux pour au moins deux raisons : la première permet de nourrir les recherches relatives à l'étude des symboles et de codes des criminels russes. La seconde donne matière à réfléchir sur le régime concentrationnaire de l'ex-URSS. Même si Gardien de camp propose des images dures, brutales et parfois pornographiques, il s'agit d'un beau livre à découvrir. Attention toutefois : lecture réservée à un public averti !

Si vous souhaitez découvrir d'autres publications de Baldaev, je vous conseille de lire les 3 volumes de
Russian Criminal Tattoo Encyclopaedia édités par Fuel. Par contre, le coffret qui est désormais collector, coûte la bagatelle de 950 $. Soyez donc très très très sages pour Noël si vous caressez l'envie de les avoir à votre disposition !

Enfin, je voudrais remercier chaudement les Éditions Des Syrtes pour ce superbe ouvrage gagné dans le cadre de l'Opération Masse Critique organisée par Babelio. Et j'applaudis des deux mains le travail de l'éditeur dont la ligne éditoriale repose sur "l'exigence de ses choix, accentuée par l'indépendance intellectuelle et financière." En somme, de belles promesses de lecture en perspective...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Avec son album et les nombreuses annotations qui l'accompagnent, Dantsig Baldaev enrichit grandement la connaissance du système concentrationnaire soviétique communiste. Ces dessins, pointilleux et finement réalisés, sont dignes de n'importe quelle photographie. Ils ont tous comme point commun d'être centrés sur une violence omniprésente qui rythme le monde soviétique dans son ensemble pendant ces années noires. C'est un témoignage unique et précieux qui peut toutefois mettre mal à l'aise par la posture de voyeur qu'a du prendre l'auteur et qu'il engendre pour nous, lecteurs.

Notons également que cet album est complété par les explications d'Elisabeth Anstett et Luba Jurgenson. Essentielles pour mieux interpréter et comprendre l'importance de l'oeuvre de Dantsig, certaines explications n'en restent pas moins un tantinet lourdes de par la présence de phrases à rallonge. Malgré cela, j'ai trouvé l'ensemble très instructif et certains passages vraiment passionnants.

Grâce à l'opération Masse critique et aux éditions des Syrtes, je suis maintenant l'heureuse propriétaire de ce témoignage iconographique d'une valeur historique incontestable. Merci.
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Le format nous met tout de suite dans l'ambiance, ceci n'est pas un roman mais un album. Après une introduction de plusieurs pages on a droit à une série de dessins en noir et blanc tous plus dur les uns que les autres. On apprend ainsi les codes des tatouages des prisonniers (et moi qui pensait naïvement que ces derniers étaient choisis selon les gouts de chacun). Par exemple un serpent entortillé autour d'une épée sera porté par un chef de caste de voleurs, une tête de tigre est l'image d'une personne contre le pouvoir. En fait, les tatouages sont un peu comme un cv, chacun vous représente ou raconte des événement importants de votre passé. Par exemple, une rose entourée de barbelé veut dire : j'ai fêté mes 18 ans dans une zone de détention. Tout ça ne rend que plus ridicule les "Freedom" ou encore "Carpe Diem" que beaucoup de jeunes portent à même la peau de nos jours.

Une fois passée la partie tatouage, dont le travail de recherche ne peut qu'être félicité, on entre la partie la plus sombre de ce livre, celle de la vie dans les camps. Entrecoupée d'affiches de propagande mettant en avant des leaders comme Staline ou Lenine, les dessins sont souvent choquants. Le style graphique est en totale adéquations avec les faits relatés : expressif et noir. Certaines images sont presque insoutenables tant elles semblent impossibles. Ce livre démontre une chose : en matière de torture l'homme se révèle toujours très original. Un exemple parmi tant d'autres : une femme qui refusait de devenir la maitresse d'un bourreau du goulag se voyait attachée nue à un arbre sur un nid de fourmis. Pour le reste des détails j'aurais du mal à vous les décrire les images tant ils sont durs.

Ce livre choc est une mine d'informations, mais au final sa qualité est aussi sont défaut. Riche en dessins, dont l'organisation n'est toujours évidente (certains dessins reviennent d'ailleurs plusieurs) fait que cet album peut sembler légèrement brouillon. Comme un livre d'histoire, on se s'assoit pas pour le lire d'un bout à l'autre, mais on le feuillète un peu de temps en temps. Une façon de le lire qui vous préservera si tout comme moi vous avez un seuil de tolérance limité aux scènes de tortures.

En conclusion, "Gardien de camp" est un album intéressant, un livre d'histoire en image qui vous en apprendra plus sur ce qu'on endurait des milliers de personnes dans les goulags. On croit savoir, mais ce n'est qu'une fois ce livre ouvert qu'on découvre la vérité brute et nue.
Lien : https://justlilite.wordpress..
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critiques presse (1)
Liberation
23 octobre 2013
C’est toute la passionnante ambiguïté de Gardien de camp, dénonciation du goulag et du système d’oppression par un témoin qui n’était pas, ou n’était plus, du côté des victimes.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Oui, des camarades, il y en a eu,
On partageait le dernier bout de pain misérable,
la dernière bouffée de gros gris.
On croyait à la force,
à la témérité.
On ne croyait pas aux rumeurs délirantes,
on était capable de serrer les dents,
de sortir du jeu.
Il y avait même des amis, et ce n'était pas chose facile
que de trouver une goutte d'amitié - une seule -
dans l'océan d'hostilité.
Accroché à une paille, le corps contrariait l'esprit
mais refusait de sombrer.
Certains n'étaient plus que des cabans
- pas des hommes, des ombres
indifférentes à tout sauf à la bouffe.
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C'est en effet le regard ambigu du narrateur et sa position, qui le situent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du système, ainsi que sa volonté de donner la parole, indirectement - à travers les tatouages, les chansons, etc -, aux "voleurs dans la loi", qui permettent d'ouvrir un nouveau chapitre dans la réflexion sur la violence des camps et leur représentation, non plus "la culture au Goulag" mais "le Goulag comme culture", à savoir l'ensemble des processus par lesquels s'élaborent, au sein des camps, des valeurs, des codes, des représentations, des comportements, des traditions et des croyances, ainsi que les modalités de leur fixation et pérennisation.
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Le travail de Viktor Kroutkine, l'un des tenants de l'anthropologie visuelle en Russie, pose ainsi que l'album de photographie peut y être considéré comme un genre narratif à part entière - de nature éminemment anthologique - qui offre la possibilité de tisser simultanément les fils de l'histoire nationale et d'une destinée familiale singulière.
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Afin de nous rendre aimables à tes yeux
Tu as brûlé dans nos âmes l'honneur et la fierté.
Pourtant, la nuit tu ne trouves pas le sommeil
Même sous la protection des miradors.
Eh bien, il n'y a pas de fumée sans feu:
Dans la taïga, tous n'ont pas péri ensevelis sous la neige !
Dommage seulement que je ne sois pas là
Quand ils viendront te sortir du lit !

[Extrait du poème: "Le Défi" de Anatoli Klechtchenko]
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Le monde du Goulag s'étend en effet à la totalité des territoires placés sous l'administration du NKVD: le camp est là où règne la loi du camp, et pas seulement là où sont les barbelés.
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