David aime les hommes, et se déteste pour ça. Chaque fois qu'il succombe aux charmes d'un jeune homme, il tremble de peur à l'idée d'être découvert, pense aux blagues salaces et aux propos injurieux qui accompagnent les gens de son espèce et craint de les incarner. Pour se tranquilliser, le jeune américain part à Paris. À l'abri de la foule, et des regards connus, il peut fréquenter les milieux homosexuels en relative tranquillité.
Cette tranquillité ne le pousse toutefois pas à s'affirmer, même pas dans ces cercles fermés. Il clame à qui veut l'entendre qu'il aime les femmes, et les quelques aventures qu'il a ne comptent pas vraiment. D'ailleurs, il a une petite amie, et il vient de la demander en mariage. Si ça, ce n'est pas une preuve ! le fait qu'elle soit partie seule en Espagne pour faire le point avant de répondre ne semble pas le troubler outre mesure.
Pendant cette absence, David rencontre Giovanni, un immigré venu d'Italie. Giovanni est tout le contraire de son nouvel amant : il se donne à 100 % dans cette nouvelle relation, sans crainte des regards, sans peur des préjugés. Dans la chambre de Giovanni, coupée du monde extérieur, avec ses rideaux toujours tirés, une petite bulle d'amour pur peut exister. En dehors, David ne peut tout simplement pas supporter le poids de cette relation. « Tu veux quitter Giovanni parce qu'avec lui tu pues. Tu veux mépriser Giovanni parce qu'il n'a pas peur de la puanteur de l'amour. »
L'ambiance de ce livre est très oppressante : dans la description du milieu homosexuel de l'après-guerre déjà, et la chape de plomb de la condamnation morale à supporter ; la haine de soi est omniprésente, tout comme la haine de l'autre, qui a contribué à vous faire chuter une nouvelle fois. S'ajoute encore à cela un rapport prostitutionnel qui ne contribue pas à adoucir les rancoeurs, car seuls les très riches, ou les déclassés, peuvent être à l'abri des poursuites.
On plaint également Giovanni, pour qui l'amour semble si facile, et le poids du regard des autres si léger. Jusqu'au bout, il croira à la victoire des sentiments contre l'obligation de conformité ; prêt, même, à sacrifier une grande partie de la vie de son amant à la société des gens biens comme il faut. Mais pour ça, il faudrait que David arrête de fuir ce qu'il a fuit toute sa vie. Et la partie est loin d'être gagnée…
La chambre de Giovanni est le récit d'une homosexualité qui se découvre sur le tard, malgré une vie que l'on croyait rangée, casée, formatée, mais qui peine à s'avouer. David, Américain expatrié à Paris s'éprend de Giovanni, alors que Hella, sa fiancée est en voyage en Espagne. S'il s'avoue son trouble, donne libre cours à leur désir et que leurs corps et leurs coeurs se rencontrent, David ne peut réprimer sa honte et faire de cet amour une histoire sordide et inacceptable.
Plus que le thème de l'homosexualité, James Baldwin nous parle du courage d'être soi. Derrière les masques que nous mettons parfois pour nous sécuriser et ne pas nous écarter de la norme, se cachent bien souvent de grandes solitudes. Ne pas être dans le moule, vivre sa vie et être soi, voilà qui demande parfois tellement de courage.
Encore une fois, c'est brillamment que James Baldwin explore les failles humaines. Qu'il s'empare de questions raciales - à noter que David, le narrateur est un Blanc, comme tous les autres personnages, ce qui interroge vu le caractère personnel du texte et de sa thématique - ou d'identité, quelle soit sexuelle ou simplement humaine, cet auteur sensible et profond nous jette une lumière crue et parfois désespérante sur la difficulté de vivre avec ce que l'on n'a pas choisi. Mais il nous dit aussi que l'on peut choisir de l'assumer et de se reconnaitre avec ce que nous sommes.
David est un jeune américain dans le Paris des années 50. Sa fiancée Hella est en Espagne...Seul, il fréquente les bars, cherche de la drogue...il doit de l'argent, ne sait où dormir...Rencontre avec Giovanni, jeune italien, qui l'héberge. Début d'une relation sexuelle, d'un amour, d'amours qu'on cachait alors. Magnifique roman, que certains disent autobiographique sur l'amour homosexuel...
Roman tragique aussi sur la peine de mort, évoquée très tôt dans le livre. Pourquoi ? Je vous laisse le découvrir.
Si Giovanni se donne complètement à cet amour véritable, il n'en est pas tout à fait de même pour David, qu'on perçoit tantôt passionné, tantôt incapable et fautif du fait de cette relation interdite par l'époque, interdite par les bonnes moeurs. Tiraillé par les conventions. Incapable de s'assumer.
Cette petite chambre l'étouffe parfois, Hella est toujours présente à son esprit.
Un roman troublant, non pas du fait du thème, mais surtout du fait du témoignage de la période. Un petit côté vieillot bien nostalgique dans la description des lieux, de l'époque, de l'ambiance. Et surtout dans la perception du poids des convenances.
Je ne sais pas comment ce livre fut reçu lors de sa parution. Il a certainement dû être montré du doigt, banni dans certains milieux bien pensants. Peut-être confidentiel, James Baldwin n'étant pas alors très connu..C'était l'un de ses premiers livres.
Si la confrontation culturelle ne posait pas de problème, il n'en était pas de même ce ce qui concerne l'identité sexuelle, les amours homosexuelles, même sincères.
"On a beaucoup écrit sur l'amour qui se transforme en haine, sur le coeur qui, avec la mort de l'amour, devient de la glace. C'est un processus remarquable. Considérablement plus terrible que tout de que j'avais lu sur le sujet, plus terrible que je ne saurais jamais le dire." (P. 222)
Passion amour-haine entre David, un homme gay, noir, né et grandi environ dans les années cinquante aux États-Unis et Giovanni, un Italien installé dans une chambre miteuse à Paris. L'action se déroule principalement dans la Ville-Lumière, où le narrateur (David) est exilé pour pouvoir laisser libre cours à son orientation sexuelle loin du regard de son père et de sa fiancée, qui se trouve à ce moment-là en Espagne, seule, pour voyager. David fréquente les clubs gays avec son ami Jacques, un vieux riche qui représente tout ce qu'il ne veut pas devenir, envers qui il entretient du dégoût et du mépris. Bien qu'il fréquente les milieux homosexuels, il est complexé, incapable de s'assumer. Il semble chercher à se placer au-dessus des autres jusqu'à ce qu'il rencontre Giovanni, l'irrésistible serveur chez qui il ira passer la nuit et qui le fera « tomber ».
En quatrième de couverture, on qualifiait ce roman de « classique » en raison « de l'audace et de la sincérité » avec lesquelles l'auteur décrit le conflit, le déchirement du personnage principal entre son amour pour Giovanni et l'admiration sincère qu'il a pour sa fiancée.
Le terme « classique » ne me semble pas approprié, à moins qu'on ne catégorise ainsi les drames américains, dans lesquels les sentiments sont typiquement médiocres. En effet, il me semble que David, qui a intériorisé la voix de la société, et dont l'homosexualité le répugne du début à la fin, n'éprouve qu'une sorte d'affection coupable pour son Giovanni, sans vraiment parvenir à l'aimer. Il me semble qu'il ne fait que l'utiliser lâchement pour assouvir ses pulsions refoulées en attendant le retour de sa fiancée. Son affection pour son partenaire qui habite la chambre désordonnée n'a d'égale que son profond mépris pour cette vie, ce taudis. Il va même associer cette passion à la « puanteur ». J'ai l'impression que le fameux dilemme au coeur du récit ne se pose jamais, ni pour lui ni pour le lecteur. le roman s'ouvre sur l'échec, l'évènement de la mort de cet amant maudit à qui il aura seulement menti en lui laissant croire tout au long à la possibilité de leur union.
Cette chronologie inversée m'a fait lire pour élucider le mystère entourant les circonstances de la mort de Giovanni. Ainsi, j'avais plus l'impression d'être dans une intrigue policière que dans une romance. le ton est sombre et le lyrisme de ce drame cynique est suffocant. Heureusement, Baldwin a du talent, et ses pointes d'ironie sont placées aux bons endroits pour faire ce roman à l'image de son narrateur, c'est-à-dire à la fois noir et gai. (Ceci est un bon jeu de mots que vous me pardonnerez).
Finalement, c'est la passionnée d'études culturelles en moi surtout qui a su apprécier cette oeuvre. En effet, il est intéressant de voir à quel point le narrateur s'identifie d'abord à ses ancêtres idéalisés - dès la première scène, celle où il décrit son reflet dans le miroir : « mon visage ressemble à un visage que vous avez vu maintes fois (…) celui de mes ancêtres qui ont conquis (…) » - puis, toujours dans le même scène, il s'identifie, se fond dans la masse informe des gens civilisés qui voyagent dans le même train : « C'est complet ? Nous hocherons tous affirmativement la tête, comme des conspirateurs, et échangerons des sourires entendus (...) ».
Il y a là toute l'expression du poids de la société fermée, raciste et puritaine dans laquelle l'auteur a évolué. Malgré l'emploi de la première personne du singulier, David n'aura pas réussi à exister au complet dans son individualité, incapable d'assumer, même dans une chambre secrète, cachée, à l'abri des regards, son homosexualité.
La vieille a demandé à la caissière si cette carte de voeux était appropriée pour une naissance.
- Oui, elle convient à toutes les étapes importantes de la vie : mariage, naissance, pacs (!), achat de maison.
J'ai essayé d'imaginer ce que pouvait être "la vie" selon cette trentenaire aux cheveux filasses. Je me suis aussi demandé si elle était responsable, en partie ou totalement, de la table des « coups de coeur » sur laquelle partouzaient, comme des allemands, des polars nordiques, de la romance pour prépubères, des livres « engagés » et autres merdes. Ces interrogations sans réponses ont tout de même eu le mérite de conforter mon projet.
Le matin, alors que j'essayais de faire la nique à ma gueule de bois en buvant bière sur bière, je me suis dit que j'en avais ras-le-bol, sans que je sache vraiment pourquoi, vous voyez, ce genre de lassitude que l'on retrouve dans les romans de Simenon. Et l'idée m'est venue comme ça : ne plus sortir du tout de chez moi, ne plus prendre le risque d'entendre tous ces gens.
J'ai donc eu l'après-midi pour faire les courses nécessaires : des tranches de fromage, du pain de mie, des nouilles, des bières, du whisky, du vin, des clopes, et des livres. C'est pour ça que je me suis retrouvé là, à Roubaix, cette cour des miracles sans miracles. Je n'ai hélas pas la place ici pour évoquer l'indigence du catalogue de la librairie, mais j'ai fait ce que j'ai pu. Je les ai débarrassés de leurs Simenon, Jim Harrison, Proust (c'est peut-être l'occasion ou jamais de lire plus de dix pages de ce zigue, ai-je pensé),et de ce bouquin.
J'ai laissé passer quatre métros chargés de travailleurs et d'étudiants, avant de monter. Et j'ai commencé le Baldwin. Trois pages plus tard, je suis tombé sur ce passage qui m'a pas mal éclairé sur mon trouble :
"Il y a quelque chose d'ironique dans l'image que je me fais de moi-même : avoir couru si loin, avec une telle rage, pour me retrouver une fois de plus face à face avec un bouledogue dans ma propre cour, et constater que, entre-temps, la cour a rétréci et le bouledogue a grandi."
Et je me suis dit que j'avais fait le bon choix : la piaule, la gnôle, les livres.
Comment s'appelle le premier roman de Benjamin Alire Saenz !?