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Critique de nico6358


La prochaine fois le feu est un essai qui se lit d'une traite, comme on écoute un plaidoyer de cour. Comme un plaidoyer, et différemment de nombre d'essais, il fait appel au coeur du lecteur autant qu'à sa raison. Par sa structure, déjà: il faut en attendre le dernier tiers pour connaître la pensée de Baldwin, les deux premiers étant une description, à vrai dire bien plus : une autobiographie qui met le lecteur en état de comprendre sa pensée.
Par là, Baldwin est un auteur majeur, qui réussit à rendre universel son expérience tout en conservant l'humilité de ne parler que de ce qu'il a vécut en propre. Il nous rappelle discrètement qu'il n'oublie pas, et ne sous estime pas, le malheur des autres populations qu'on a catégorisées puis opprimées en Amérique, mais ne s'appesantit pas. La force de sa vision, sa conception de l'humanité qui renvoie la société blanche américaine à un infantilisme suffisent amplement à nourrir le texte, sans avoir besoin de masque.
C'est là tout le fond de la pensée de Baldwin : l'infantilisme des faux semblants. Ces faux semblants que les opprimés, les pauvres, les descendants d'esclave, n'ont pas les moyens de s'offrir. Ceci les faisant rester vivants, humains. Cette vision claire, sans concession, permet aussi à Baldwin d'échapper aux pièges que la société américaine avait engendrés à son époque : piège de la vengeance, piège du sectarisme, piège de l'acceptation profonde de l'idée de racisme et de ségrégation qui mène à croire nécessaire de vivre séparément de ses oppresseurs.
Tout ceci est concentré dans les 100 pages de la prochaine fois le feu, véritable miracle de littérature qui nous fait pénétrer dans l'état atroce de la société américaine, en tout cas de l'époque et sans doute pour partie d'aujourd'hui, et qui nous amène dans notre propre inhumanité quotidienne. Baldwin nous fait percevoir tout le chemin que nous avons nous aussi à parcourir, où que nous vivions et quelle que soit la couleur, l'origine, la vie ou que sais-je des gens qu'on catégorise nous même pour les opprimer, et c'est à dire dans la pensée de Baldwin, pour les oublier.

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