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EAN : 9791023902969
176 pages
Capricci (06/09/2018)
3.95/5   10 notes
Résumé :
Paru aux États-Unis en 1976 et jusqu'ici inédit en français, Le Diable trouve à faire révèle une autre facette du grand écvrivain James Baldwin : celle d'un critique au regard incisif, attaché à explorer les fantasmes, illusions et préjugés des films qui ont marqué sa vie.
Dans son style à la fois vif et lyrique, il parcourt ses premiers souvenirs de cinéma, indissociables des difficultés familiales et de sa découverte de la société dans laquelle il vit. Nais... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Le Diable trouve à faire est un ouvrage à part dans l'oeuvre de James Baldwin. Dans ce livre, l'auteur décortique quelques films qui l'ont marqué lui ou certaines périodes de sa vie (La guerre de Corée, son retour d'Europe etc.)

Déjà, entendons bien, Baldwin est pour moi un écrivain génial, pas question de revenir là-dessus mais quand il raconte un film, soyons honnêtes, on ne comprend rien. Pour ceux que j'avais vu (presque tous heureusement puisqu'il se concentre sur quelques titres illustres) ça allait encore, mes propres souvenirs comblant la confusion du récit mais pour quelques autres, j'ai vraiment pédalé dans la semoule. Ceci dit et s'il en fallait une, voilà au moins une bonne raison de les visionner.
Bon, une fois chaque film obscurément expliqué, Baldwin sort sa moulinette et y passe la pellicule avec ce qui m'a semblé une délectation à peine dissimulée.
Je n'ai pas compris d'ailleurs cette satisfaction à dénigrer des films qui, en leur temps, ont tenté de faire avancer les mentalités ("Guess who's coming to dinner", "The defiant ones", "In the heat of the night"... un problème avec le magistral Sidney Poitier ?) et à contrario, la complaisance marquée face à "The birth of a nation".
Et puis à la fin de l'ouvrage, s'en prendre à l'Exorciste, nous le présentant comme une oeuvre mystico-théologique (?!) en fustigeant les effets spéciaux qui selon Baldwin ne représentent aucunement le diable (ce dernier ayant plutôt visage humain, ou plus clairement vivant en chacun de nous). Non James, il arrive qu'un film ne soit rien d'autre qu'un film (même si très souvent un petit message peut se glisser en filigrane) qui ne cherche qu'à divertir. L'Exorciste, en livre ou en film, est une oeuvre d'épouvante, on aime ou on n'aime pas mais pourquoi vouloir à ce point changer son identité pour s'offrir l'opportunité de lui casser les genoux ?
Parfois le cinéma n'est que du cinéma mais Baldwin ne l'entend apparemment pas de cette oreille et analyse chaque scène des films choisis comme s'il disséquait les oeuvres de Schopenhauer, cherchant la petite bête et finissant par trouver tous les défauts du monde à une oeuvre qui n'en demandait pas tant, quitte à faire preuve d'une certaine mauvaise foi (sur ce point je peux me tromper mais c'est ce que j'ai ressenti à de nombreuses reprises)

Bien sûr, tout n'est pas à jeter, loin de là dans le Diable trouve à faire. La première partie, par exemple, est particulièrement intéressante quand l'écrivain revient sur son enfance, son appartenance à l'église et son amitié avec "Bill", jeune enseignante blanche (qui sauve tous les autres Blancs de la haine aveugle que sans elle Baldwin leur aurait porté) qui l'initie à l'art en général et au cinéma en particulier.
Le petit James découvrant Joan Crawford, tout confus, ne sachant si elle est noire ou blanche (alors qu'elle n'est ni l'une ni l'autre, elle est Vienna, un point c'est tout) puis le théâtre, les pièces de Shakespeare... Oui, toute cette partie qui façonne ce que ce "petit gamin aux yeux de grenouille" deviendra plus tard mérite largement qu'on s'y attarde.

Au final, je pense être passée à côté de ce que James Baldwin souhaitait transmettre avec cet essai. J'espérais en ressortir forte d'informations et de renseignements sur des films devenus des incontournables du cinéma américain mais en fait non et sûr qu'avec le temps il ne m'en restera pas grand chose, pour ne pas dire rien.
Et c'est dommage parce qu'habituellement un livre de James Baldwin est toujours une promesse de connaissance et de réflexion... L'exception qui confirme la règle ?
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J'ai découvert James Baldwin grâce à I am not your negro, synthèse brillante de sa pensée.
Ce livre, resté longtemps inédit en français, s'articule autour d'une analyse critique de la représentation des Noirs dans le cinéma américain. le sujet est passionnnant mais, en tant que lecteur, je me heurte à un écueil "culturel". Baldwin y parle de films qui ont été formateurs pour lui, en tant qu'individu. Les films abordés sont donc majoritairement très anciens et si les acteurs et réalisateurs qu'il cite me sont évidemment familiers, je n'ai pas vu la grande majorité des films en question. Au mieux les ai-je vu il y a plus de 20 ans et n'en garde qu'un souvenir lointain.
J'ai gardé un souvenir assez clair de Furie de Fritz Lang.
J'ai vu les films de Sidney Poitier (La Chaîne, Devine qui vient diner et Dans la chaleur de la nuit) dans les années 80 ou 90 au mieux.
Je n'ai pas vu "Lady sings de blues", le biopic consacré à Billie Holiday avec Diana Ross.
Je ne connais le sulfureux "Birth of a nation" qu'à travers des articles et reportages analysant le cas particulier de ce film à la fois vénéré comme la première grande fresque cinématographique américaine, irréprochable d'un point de vue technique, et détesté à cause de son contenu ouvertement raciste.
Autant dire que les longs passages dans lesquels James Baldwin décrit des scènes de films que je ne connais pas avant de mettre en évidence la manière au mieux maladroite, au pire malhonnête, de représenter la réalité des Noirs m'a souvent paru abstraite.
Dans ce livre, à moins d'être un cinéphile absolu, les meilleurs passages sont ceux consacrés aux anecdotes de la vie de Baldwin comme sa relation avec son institutrice "Bill" Miller, son expérience de scénariste à Hollywood pour un biopic avorté de Malcolm X, son expérience avec le FBI...
Son analyse assez poussée des différences entre l'autobiographie de Billie Holiday et comment elle fut malmenée pour en faire un film "acceptable est également édifiante. le problème principal n'est pas tant les libertés prises avec les faits que la manière dont ces libertés narratives occultent la réalité sociale et raciale qui a influencé sa vie. Il procède le la même manière avec "La chaîne", dans lequel Sidney Poitier et Tony Curtis sont 2 détenus en fuite, enchaînés l'un à l'autre. Ce film, considéré comme progressiste par le public blanc, est perçu de manière radicalement différente par Baldwin, qui se fait porte-parole de la communauté noire.
En fait, l'argument principal de Baldwin est que le Noir hollywoodien est une représentation idéalisée mais complètement absurde. Ses réactions en deviennent absurdes et incompatibles avec la réalité rencontrée par les Noirs au quotidien. Les films qui tentent de représenter cette réalité sociale passent complètement à côté de la plaque, refusant de voir la réalité en face. Même dans un film considéré comme progressiste ("devine qui vient diner"), James Baldwin relève le personnage de la bonne de Spencer Tracy et Katherine Hepburn: une ressucée d'Hattie McDaniel, la rassurante Mammy dans "Autant en emporte le vent". Même s'il s'agit d'un ressort comique, cela reste symptômatique d'une certaine vision.
Mais ce qui frappe le plus dans ce livre, c'est à quel point ce qu'il dénonce reste d'actualité. A la sortie de Green Book, une polémique très violente est née, relayée entre autres par Spike Lee. Les reproches se cristallisaient autour du fait que ce film, qui retrace le voyage d'un pianiste virtuose noir et de son chauffeur blanc au coeur des USA ségrégationnsite, adopte, sous des airs progressistes, une vision biaisée et exclusivement blanche. En fait, ce film serait basé exclusivement sur les souvenirs de Tony Lip, le chauffeur, négligeant la version Donald Shirley, le pianiste. le résultat serait une version terriblement édulcorée et hollywoodienne de la réalité. La communauté noire y a vu une nouvelle forme de confiscation de leur histoire.
Il y a une autre anecdote amusante mais terriblement d'actualité à propos d'Ava Gardner qui avait demandé à James Baldwin s'il pensait qu'elle pourrait incarner Billie Holiday au cinéma. Il était pourtant de notoriété publique que Billie Holiday était plutôt noire et que la couleur de sa peau a grandement influencé sa vie. Actuellement, les réseaux sociaux s'agitent du fait que l'actrice retenue pour incarner la petite sirène, Halle Bailey, est noire et pas blanche et rousse comme dans le dessin animé. J'ai beau retourner la question dans tous les sens dans ma tête, la couleur de peau de la petite sirène n'a jamais eu une importance particulière, contrairement au cas de Billie Holiday. Cela revient à la question de la preprésentation par défaut que nous nous faisons d'un personnage de fiction. Nous en faisons inconsciemment des blancs sans même nous demander si c'est indiqué. Il me semble que lorsqu'une actrice noire a été choisie pour incarner Hermione Granger dans la pièce Harry Potter, JK Rowlings a insisté sur le fait qu'aucune mention n'a jamais été faite de la couleur de sa peau dans le roman.
Le diable trouve encore à faire...
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James Baldwin n'est pas le genre d'homme à baisser la tête et à faire profil bas parce qu'il est noir et homosexuel.
Il décide donc de s'exiler en France à vingt quatre ans pour y trouver une vie plus facile. "Le Diable trouve à faire" a été écrit par James Baldwin en 1976, mais il n'est édité qu'aujourd'hui. L'auteur serait-il devenu à la "mode" ?
Dans ce livre-ci, il s'attaque au cinéma hollywoodien. Dès le plus jeune âge, il a usé ses fonds de culottes dans les fauteuils des salles obscures, amoureux de Bette Davis. le cinéma des années 60 ne s'embarrasse pas des clichés du noir esclave, exemple : "Autant en emporte le vent" ou du noir qui serre "la soupe" aux comédiens blancs, exemple : Sydney Poitier dans "Devine qui vient diner ce soir ?".
James Baldwin décrypte ce politiquement correct que les médias vendent aux WASP (White Anglo-Saxon Protestant).
L'auteur dénonce tout simplement le racisme dans le cinéma et plus largement dans la vie de tous les jours aux Etats-Unis.
Cet ouvrage est à mi-chemin entre l'autobiographie et l'essai. Et il est passionnant à lire.
L'auteur commence, aujourd'hui, à être reconnu grâce au succès du documentaire "I'm not your negro" de Raoul Peck.
Foncez, d'abord, lire ce livre (si ce n'est pas déjà fait) et ceux que l'on édite et/ou réédite.
Très bonne lecture !
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Ma première rencontre avec le FBI eut lieu en 1945 à Woodstock, dans l'état de New York, où je vivais dans une cabane dans les bois. Les deux hommes ne ressemblaient en rien à Van Hefling.
C'était tôt le matin. Ils m'ont entraîné à l'extérieur du "diner" pour me tenir debout contre un mur. Ma couleur de peau me rendait déjà assez repérable dans cette ville – c'est le moins que l'on puisse dire – et les gens regardaient à distance. J'avais le sentiment qu'ils attendaient d'être choisis comme membre du peloton d'exécution.
Je n'avais pas la moindre idée de la raison pour laquelle ils étaient venus me chercher. Je ne voyais rien dans mes agissements qui aurait pu attirer leur attention. Plus tard dans ma vie, j'ai très bien compris pourquoi j'avais attiré leur attention, et me suis contenté d'essayer de continuer à continuer. Toujours est-il qu'une fois que vous avez éveillé l'attention du FBI, ils gardent un gentil dossier sur vous, votre famille et vos amis.
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Les Noirs connaissent aussi les flics noirs, même ceux que l'on nomme « Monsieur » à Philadelphie*. Ils savent que leur présence dans la police ne change pas la police, ni les juges, ni les hommes de loi, ni les esclaves, ni les prisons. Ils connaissent la mère et le père du flic noir, ils ont peut-être rencontré la soeur, et ils connaissent le petit frère, ou le grand, qui est peut-être un esclave, ou un junkie, ou un étudiant perdu de Yale. Ils savent à quel point le flic noir doit faire ses preuves, et combien ses moyens pour cela sont limités : là où j'ai grandi, les flics étaient même plus terrifiants que les flics blancs.

*Référence au film "They Call Me Mister Tibbs!" (Appelez-moi Monsieur Tibbs), réalisé par Gordon Douglas en 1970. Virgil Tibbs est un personnage de fiction qui apparaît dans plusieurs romans et films, incarné trois fois au cinéma par Sidney Poitier.
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De son côté, The Defiant Ones est un film avec des gens que nous sommes habitués à voir au cinéma. Bon, tous sauf un. La difficulté irréductible de ce film sincèrement bien intentionné, c'est que de toute évidence, personne n'avait su prévoir ce que Poitier allait faire de son rôle - et que personne n'a pu le défaire par la suite. Sa performance, seul élément distinctif du film, est aussi paradoxalement ce qui l'a fait voler en éclats. il est impossible de croire à la fois Noah Cullen et à l'histoire. Même avec toute la bonne volonté du monde, lorsque Sidney est à l'écran, il est presque impossible de regarder Tony Curtis ou qui que ce soit d'autre, à l'exception peut-être de Lon Chaney Jr. Il est impossible d'accepter le présupposé de l'histoire, car il a pour fondement l'incompréhension profonde par l'Amérique de la nature de la haine entre les Noirs et les Blancs. La haine est là, assurément, même si j'utilise désormais ce terme avec grande précaution et seulement à la lumière des effets ou des résultats de cette haine. Mais elle n'est pas égale des deux côtés, car elle n'a pas les mêmes racines. L'argument est peut-être très léger, mais les Noirs n'ont pas les même raisons de haïr les Blancs que les Blancs de haïr les Noirs. La racine de la haine des Blancs, c'est la rage. L'homme noir ne déteste pas tant le Blanc qu'il ne souhaite le voir s'écarter de son chemin et, plus encore, de celui de ses enfants. Quand l'homme blanc commence à avoir dans l'esprit du Noir le poids que le Noir a dans l'esprit du Blanc, l'homme noir devient fou. Et quand ce dernier sombre, il ne le fait pas en poussant des cris de terreur, mais en hurlant de rage. Un Noir sait que deux hommes enchaînés doivent apprendre à fouiller, manger, péter, chier, pisser, trembler et dormir ensemble : ils sont indispensables l'un à l'autre, et tout peut arriver entre eux. Quiconque a connu cela le sait. Dans ce type de situation, aucun homme noir, surtout sachant ce que Poitier transmet si vivement du savoir de Noah Cullen, ne mordrait à l'appât tendu par ce pauvre enfant blanc débile, dont la seule véritable plainte est d'être un médiocre qui n'a pas réussi à l'emporter dans la foire d'empoigne américaine. Mais beaucoup qui ne sont pas mieux que lui, et beaucoup qui sont bien pires, y parviennent chaque jour, jusqu'à Washington, et parfois, de fait, en passant par Hollywood. C'est une forme de lâcheté très sérieuse de prétendre que les Noirs ne le savent pas. Et c'est par le sentimentalisme le plus désastreux que l'on tente d'intégrer les Noirs au cauchemar blanc américain qui plus est sur les même termes qui rendent la vie des Blancs pratiquement intolérable.
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Les civilisés ont crée les miséreux, froidement et délibérément, et n'ont pas l'intention de changer ce statu quo. Ils sont responsables de leur massacre et de leur asservissement, font pleuvoir des bombes sur des enfants sans défense dès lors qu'ils décident que leurs « intérêts vitaux » sont menacés, et trouvent naturel de torturer un homme à mort : comment alors les prendre au sérieux lorsqu'ils évoquent le « caractère sacré » de la vie humaine, ou la « conscience » du monde civilisé ?
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Je ne m’en souviens pas. Les enfants sont bien trop égocentrés pour s’intéresser à un dilemme qui ne les concerne pas de quelque façon que ce soit, qui ne les renvoie pas à leur propre dilemme en devenir. Ils veulent fuir dans des situations qu’ils aimeraient vivre, or je n’avais aucune envie d’être un fugitif dans un train en marche. Et puis, une autre partie de moi savait que Joan Crawford était une femme blanche. Je me souviens pourtant qu’on m’avait envoyé faire des courses peu de temps après, et qu’une femme de couleur, qui pour moi ressemblait en tout point à Joan Crawford, était en train d’acheter quelque chose. Elle était si incroyablement belle – on aurait dit qu’elle portait la lumière du soleil, et qu’elle la réajustait de temps en temps autour d’elle en souriant, d’un mouvement de la main ou de la tête – que lorsqu’elle était sortie de la boutique après avoir payé, je m’étais mis à la suivre. Le marchand, qui me connaissait, et d’autres clients qui savaient que j’étais le petit garçon de ma mère (et connaissaient aussi ma Miss Crawford!) avaient éclaté de rire en me criant de revenir. Miss Crawford avait ri aussi, et posé ses yeux sur moi avec un sourire si beau que je ne m’étais même pas senti mal à l’aise. Ce qui était rare.
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Spécial centenaire de l'écrivain humaniste James Baldwin - Interview courte mais remarquable de James Baldwin pour Champs Libre 30 novembre 1963
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