Un acteur célèbre fait une crise cardiaque un soir. Il n'en meurt pas, mais contraint au repos, voyant celles et ceux qui se pressent à son chevet, il se remémore quelques étapes de sa vie.
Leo Proudhammer est noir, né et grandi à Harlem. Il parle de ses parents, de son frère Caleb, avec qui il s'est senti jadis si proche, mais plus maintenant. Il est bisexuel, mais il parle surtout de Barbara, une blanche du Kentucky, car entre eux il y a tant d'amour et d'impossibilité de vivre ensemble. Il y a ses débuts au théâtre, ses petits boulots minables. le tout dans un pays raciste et corseté. Il y a des moments tragiques, et puis la vie et l'espoir reprennent leur cours.
Oui, certains passages sont difficiles à lire. Je pense aux pages où Caleb raconte ses années de prison. de façon générale, le récit de l'enfance du narrateur est empreint d'une grande tristesse. On y voit comment une société construit la haine de soi chez de petits enfants, comment, presque inévitablement, les enfants noirs en viennent à mépriser leurs parents, puis à se mépriser eux-mêmes, puis, devenus grands, à espérer faiblement pour leurs propres enfants, avant de renoncer. Les joies y semblent fausses ou fragiles, éphémères, enfouies dans le souvenir. La lutte politique ou la religion sont mensongères et la vie de famille ou l'amitié peuvent rapidement sombrer.
Et il y a l'amour et l'amitié, qui sauvent malgré tout.
L'Homme qui meurt n'est pas empreint de la même sensualité qu'
Un autre pays, où les personnages sont baignés de solitude (d'alcool), et de désir et où les barrières tendues par la société peuvent disparaître, même si c'est temporaire. Il y a aussi le jugement de la société sur les femmes, gardiennes de la pureté de tout et n'importe quoi. Ici, il y a la grande histoire de Leo avec Barbara (mais aussi avec Christopher), qui suscite la réprobation de tous, noirs et blancs, et qui complique la vie de tout le monde. C'est une relation particulière, mais malgré les impossibilités et les déceptions, si le narrateur survit à sa crise, ce n'est pas tant grâce à l'hôpital que grâce à la présence de ceux que l'on appelle les proches.
Le narrateur du roman est souvent désespéré, plein de haine, contre les Blancs, contre lui-même, contre les Noirs, contre la police, contre tout un tas de gens. On tremble pour lui, même si on sait qu'il a fini par réussir à devenir cet acteur célèbre que l'on reconnaît dans la rue. Il se découvre porté par une rage de vivre, une impossibilité de renoncer, lié par l'affection que lui porte diverses personnes tout au long de son existence. C'est aussi un roman sur la jeunesse et le temps qui passe. Les héros de Baldwin sont souvent jeunes, ne sachant pas très bien ce qu'ils veulent et qui ils sont, se débattant dans une société qui ne veut pas d'eux, ou qui ne veut pas d'eux comme ça. le narrateur s'exprime comme s'il était âgé et qu'il était capable de jeter sur tout cela un regard rétrospectif, mais il n'a pourtant que 39 ans. Ces quelques jours d'hôpital sont une pause dans une existence que l'on devine encore riche et longue. Et pourtant, beaucoup de choses sont déjà jouées.
Lien :
https://chezmarketmarcel.blo..