Eden Olympia est un complexe ultra moderne dédié au monde de la recherche et de la finance. Basé sur la Côte d'Azur, à proximité de Cannes, il héberge tout ce qui se fait de mieux en matière d'infrastructure, de surveillance, de loisir, mais surtout d'efficacité au travail. On y trouve un grand centre commercial, des bâtiments luxueux qui hébergent l'intelligentsia internationale, des résidences de luxe, des maisons encore plus luxueuses, des étangs artificiels, des parcs sans âme, des clubs sportifs, où les milices privées patrouillent et où les caméras de surveillance tournent à plein régime. Car il faut bien préserver ce paradis des entrepreneurs, cet Eden de la finance, cet espace optimisé pour le travail des hauts cadres et des meilleurs chirurgiens. Une armée d'employés de maison vient accomplir les tâches ingrates chaque matin, chaque jour, pendant que l'élite travaille sans relâche, s'épanouit dans ce domaine où le moindre rouage est graissé plusieurs fois par jour afin de garantir un quotidien radieux à l'ensemble des résidents.
Si tout doit absolument s'y dérouler sans la moindre anicroche, un évènement sordide a cependant pris place dans ce nouveau temple de la modernité : un type normal, bien placé, investi, aurait pété les plombs, et projeté certains d'entre eux dans les corps d'une dizaine de ses collaborateurs, à coup de fusil, par une belle matinée. Un véritable carnage qu'Eden Olympia tente, coûte que coûte, de faire disparaitre des mémoires.
Un couple d'anglais débarque un jour en Jaguar sur le domaine sécurisé. Elle doit reprendre le poste laissé vacant par l'assassin. Lui se remet d'un accident qui lui a profondément meurtri un genou.
Ils s'installent dans la résidence où séjournait l'auteur des meurtres.
Elle travaille d'arrache-pied. Lui se prend d'intérêt pour l'affaire et soulève assez rapidement des zones d'ombres sur l'enquête dont on lui a fait part.
Alors qu'elle sombre dans la routine addictive et aseptisée du travail à Eden Olympia, lui commence à trouver des pistes qui l'amènent à penser que bien des choses sont cachées dans ce paradis artificiel au sein duquel ils ont débarqué.
Et si, sous ses dehors lisses frôlant la perfection, Eden Olympia n'était en fait qu'une façade ? Un lieu dépravé dont l'apparence tranquille cacherait, en fait, un exutoire aux pires penchants de l'humanité ? L'ennui que provoque une vie calibrée et rangée ne serait-il pas source de perturbations psychologiques profondes ?
Avec
Super-Cannes,
James Ballard plonge ses lecteurs au coeur d'une micro société réaliste, faite de surveillance numérique, de quête de la rentabilité, de consumérisme tout-puissant, où les apparences sont plus importantes que les faits, où le bonheur des puissants n'a pas de prix. L'auteur pose un regard critique sur une tendance bien réelle du monde moderne : créer un havre de paix ultra-sécurisé pour des nantis (éduqués, diplômés, travailleurs, investis) dont le coût réel, les répercussions violentes, sont mises sous le tapis tant bien que mal.
Ballard mène avec brio un mélange des genres qui allie polar, critique sociale, anticipation, avec un langage soutenu, des atmosphères dérangeantes, et une intrigue relativement simple mais fort bien menée.
Les différents protagonistes se révèlent être tout à fait cohérents, crédibles, et tous les personnages bénéficient d'un développement intéressant.
Super-Cannes aurait peut-être pu être un poil plus court, car certains passages de la seconde moitié du roman n'apportent plus de réelle surprise côté intrigue, mais je n'ai jamais décroché, ni même réellement souhaité que tout se termine plus vite : son univers est trop perturbant, trop convaincant, pour que je puisse vraiment lui reprocher ses quelques lacunes en matière de profondeur voire, parfois, de rythme. J'ai adoré. Et je crois bien que je m'y replongerais volontiers dans quelques années.