POLAROIDS,
Gaius Baltar
Un très beau livre qui recoupe des fragments de vie, un livre qui s'ouvre comme un coffre magique d'où émane tout un monde d'images et de musique, de fantasmagories claires obscures, plus amères que douces. Un petit livre qui nous renvoie à nos fragilités, à la peur du vide et du noir, à notre finitude.
Tel un clown funambule, Gaius semble livrer différentes facettes de son existence, de ses délires facétieux, de ses rêves éveillés, de son rapport à la mort et à la fuite du temps. de par sa composition en fragments et sa sobriété, ce livre illustré très justement par
Jeanne B ressemble à une autobiographie évoquant
Montaigne et son « tombeau littéraire » qui fait de lui, la matière de son livre, rendant hommage aux disparus et mettant en scène les personnes chères. Mais si
Montaigne dialogue avec l'antiquité, Gaius invite les arts de son temps comme le cinéma, la musique ou le théâtre, ouvertement ou en filigrane, et ce, notamment grâce à la forme choisie (récit, dialogue) ou le rythme très musical des textes. Ainsi, on peut parfois entendre
Miles Davis au détour des vers tels que : « C'était un Sunday morning / Alors oui, les klaxons klaxonnent, mais pour moi, ça pianote et saxophone. / C'est une chorégraphie, un défilement d'arbres [...] ».
A travers des fantômes, les ombres, le retour de certains personnages et l'apparition d'êtres réels (Emile, le chat Pierrot ou encore le père – celui souhaité- et certainement la compagne de l'auteur dans le texte « Elle »), ce recueil évoque avec dérision l'absurdité de la vie et la fuite vertigineuse du temps. Je ne peux m'empêcher de rapprocher l'écriture mais également les questionnements inhérents à ce recueil au Livre de l'intranquillité de
F. Pessoa. Comme le grande poète Portugais, Gaius dans son humilité, sait parler de l'Humanité.
Des textes à dire, à chanter. A nous, lecteurs, de nous emparer du souffle de ce nouvel auteur. Ces textes rendent urgent la prise de parole.
Extrait : « Elle »
[…] Mais je peux tout. Voler, me téléporter, cicatriser dans la seconde et rire en un fracas de sanglot, ça oui, je le peux. Les rêves ne brillent que par intermittence, le scintillement se ternit rapidement de nos jours.
J'ai croisé mon ombre ce matin, elle me paraissait plus terne que je ne le croyais. Puis, le soleil est apparu, et j'ai grandi, mais ce n'était que du vernis de lumière.
Heureusement, pour la clarté, il y a Elle. Elle est toujours là. C'est Elle. Elle, depuis 20 ans. Celle qui caresse ma tristesse, celle qui me fait sourire, et qui m'étonne aussi. [...]
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