Quel magnifique livre ! Je crois qu'
Eugénie Grandet est mon personnage préféré
De Balzac jusqu'à maintenant. Une incarnation de la pureté qui n'abjure pas sa dignité sur l'autel des sentiments, une grande dame qui tient tête à son avare de père sans jamais le dénigrer publiquement, un équilibre parfait, enfin, entre amour authentique, fermeté morale et sens du devoir et de l'effort, couronné par une classe absolue dans l'adversité.
Balzac n'a même pas eu besoin d'en faire une réincarnation de Vénus pour la sublimer. Une figure vraiment très inspirante !
La petite étoile que je retire ne s'explique que par l'abondance de passages qui traitent de spéculations et de négociations de rentes, un charabia économiste d'autant plus incompréhensible qu'il se rapporte à des pratiques qui n'ont plus ou quasiment plus court. le livre, mis à part ces passages nécessaires quoique laborieux, est parfaitement lisible, avec énormément de très belles phrases et d'observations que chacun fait sans forcément réussir à mettre des mots dessus. le personnage de l'avare est particulièrement réussi, il retranscrit parfaitement le côté pathologique, "harpagonesque", de l'obsession de l'argent, à laquelle se subordonnent sans disparaître totalement les affections profondes pour sa famille.
Ce roman semble être le pendant provincial du Père Goriot, très "parisianocentré", à la différence majeure que la figure paternelle, cette fois, accumule au lieu de prodiguer. Les factions bourgeoises qui s'affrontent à coup de politesses sournoises pour décrocher une union matrimoniale qui leur ouvrirait la fortune des Grandet sont particulièrement savoureuses à suivre. Au milieu de ces luttes d'intérêt, comparables, quoique moins sophistiquées, à celles des Parisiens, une jeune femme de Saumur se confronte à la dure réalité des rapports humains en essayant de préserver l'once d'idéal qui a marqué le début de son affirmation dans le monde.
Enfin, plusieurs passages montrent la préoccupation de l'auteur pour l'avenir de cette société de l'argent pour l'argent, préoccupation dont les esprits les plus aiguisés dans l'observation de leur propre époque apprécieront la perspicacité.