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sur 4228 notes
« Dis, Maman. Raconte-moi ton premier Balzac.
— Eh bien, vois-tu, ma fille, mon premier Balzac n'avait rien de très poétique ni de très motivant.
C'était par un temps gris d'automne, de la pluie et du vent à ne plus savoir qu'en faire. de plus, comme pour bon nombre d'entre nous, c'était une lecture imposée à l'école. Si tu savais comme je détestais ces lectures imposées. Bien souvent, je m'arrangeais pour ne pas les lire, pour faire illusion. Bref, cela m'est tombé dessus.

Bien sûr, Balzac, je connaissais de nom, mais n'avais jamais rien lu de lui. On ne m'en avait dit que du mal, que c'était ennuyeux, pénible à lire, très démodé, une vraie corvée. Certains titres de ses romans m'étaient connus, mais pas celui-là. Non, ça ne me disait vraiment rien ce nom, Eugénie Grandet, je n'en avais jamais entendu parler.

Ma mère était allée me l'acheter à l'une des mauvaises librairies de la ville, car, comme tu peux te l'imaginer, il n'y avait pas beaucoup de livres chez mes parents. Quand j'ai vu le livre que me rapportait ma mère, j'eus encore plus le bourdon. La couverture était moche comme il n'y a pas.

Un samedi après-midi, il n'y avait vraiment rien à faire dehors, il pleuvait sans discontinuer. Notre chienne était sur le point de mettre bas et comme elle n'avait pas l'air très en forme, mon père m'avait demandé de la surveiller afin de pouvoir appeler le vétérinaire au bon moment si le besoin s'en faisait sentir.

Alors je pris Eugénie Grandet avec moi et commençai à lire pour tromper l'attente. Je n'ai plus une conception précise du temps à partir de ce moment-là. Je sais juste qu'assez rapidement il m'a fallu allumer la lumière, soit que le ciel était trop gris, soit que la nuit commençait à tomber.

Je sais aussi que je n'ai pas vu naître le premier petit chiot et que je me suis couchée tard ce soir-là. Il n'y avait pourtant rien à faire me semblait-il. Je ne me souviens pas avoir vraiment dîné, par contre, je me souviens parfaitement que ce jour-là, outre les six petits chiots, un grand amour pour Balzac est né... »

Voilà un bien trop long préambule mais cela s'est réellement passé comme ça. Et ce n'est pourtant pas mon Balzac préféré ni même celui que je conseillerais à un jeune désireux de découvrir cet auteur. Mais celui-ci garde pour moi une saveur assez spéciale...

Quoi vous dire que vous ne sachiez déjà sur cet ultra classique de chez classique ? Peut-être que, comme parfois chez Honoré de Balzac, le personnage qui donne son nom au roman ne semble pas être le personnage principal, du moins le plus marquant. Ici, la figure du père Grandet, ancien tonnelier avare ayant fait fortune à Saumur, trône au coeur du roman, lui dont l'ombre et la férule continueront de planer au-dessus de la tête de sa fille même bien après son décès.

Quant au destin de sa fille Eugénie, il paraît n'être qu'un simple dommage collatéral de l'avarice maladive du vieux.
Molière nous avait peint un avare pathétique jusqu'au rire, Balzac nous en sert un pathétique tout court, qui crève avec son magot, le coeur dur comme un granit et les paupières plus sèches que le désert.

Eugénie et sa mère sont les pauvres témoins, voire, de vulgaires expédients du vieux radin. Elles n'ont nul droit à la chaleur humaine et surtout pas à l'amour. le vieux non plus d'ailleurs, mais il s'en fiche comme d'une guigne tant qu'il a de l'or.

À la mort du vieillard, Eugénie demeure richissime, mais effroyablement seule dans la froide maison de Saumur. Les oiseaux de proie tournent autour de ce jeune petit coeur naïf, petit coeur de femme qui a éclos coupée du monde et qui n'en connaît pas les dangers, petit coeur qui s'émeut et qui croit à l'éternité d'un premier amour né d'une rencontre fortuite, petit coeur qui croit en la pureté des hommes aimés et de leurs sentiments, petit coeur qui croit en l'inaltérabilité de la parole donnée, petit coeur qui croit qu'on l'aime pour ce qu'elle est non pour ce qu'elle possède...

Aura-t-elle droit à sa parcelle de bonheur ? Ceux qui l'ont déjà lu le savent et pour les autres, je me dépêche de me taire et de vous laisser lire la fin...

Ce monument De Balzac vaut principalement pour la dentelle dans laquelle l'auteur cisèle la sensibilité d'Eugénie, ses frêles attentes, ses désirs accessibles, son âme neuve, éprise de romantisme et si éloignée de la cruelle réalité de son père, de la rudesse confinant à la goujaterie de son cousin qu'elle aime, la dentelle encore avec laquelle Honoré de Balzac sait si bien nous faire sentir les attentes cupides des deux clans ennemis cherchant à tout prix à faire un beau mariage rentable avec Eugénie, la considérant, elle, comme une quantité négligeable.

Sublime oeuvre psychologique et sociale, écrite tout en finesse, en sensibilité, en amertume aussi, c'est à juste titre que ce roman figure parmi les plus célèbres de son auteur. Mais ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Honoré de Balzac - Eugénie Grandet - 1834 : Eugénie Grandet a-t-elle vu la vierge ? Non car elle est la vierge elle-même ou tout du moins une sorte de sainte. En effet la jeune femme vie en enfer au domicile d'un père ancien tonnelier devenu riche à millions grâce à des placements heureux. Ce père dont l'avarice crasse et la totale insensibilité transforme la vie de sa femme et de sa fille en chemin de croix quotidien garde jalousement sa progéniture sous sa coupe espérant pour elle un parti qui décuplera sa fortune. Dans cette vie d'ascète apparaît alors l'ange Gabriel en la personne du cousin Charles, neveu ruiné du père Grandet la bouche pleine de promesses d'amour éternel. Mais lui malgré ses ailes ne vient pas pour apporter le paradis à la jeune femme mais une vie faites de regrets et de frustration. Car malgré les serments échangés dans l'alcôve d'Eugénie, le cousin ne tiendra jamais ses engagements et après quelques années à chercher fortune il préférera négliger sa belle cousine pour épouser une femme laide et bien mieux dotée. A la mort du vieux tyran, Eugénie deviendra la femme la plus riche de la région et l'épouse distante d'un bourgeois de province à qui elle n'apportera que son patrimoine gardant ses besoins de femme aux souvenirs de son amour déçu. Balzac réussissait là une peinture saisissante d'une petite bourgeoisie médiocre d'esprit et de moeurs délaissant les élans du coeur et la générosité pour des valeurs uniquement basses et matérielles. La vie de couple sous cet hospice ne paraissait alors qu'une longue formalité traversée de petites joies et de déceptions futiles. «Eugénie Grandet» c'était aussi le magnifique portrait d'une femme liée tout autant au romantisme de son âme qu'à l'obligation de devoirs d'une société dominée abusivement par la gente masculine... un bien beau classique
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J'ai lu Eugénie Grandet pour la première fois au collège, et je n'ai pas du tout aimé. Mais plus tard, les années passant, j'ai retenté la lecture : ce fut un vrai plaisir. Il faut , je crois, de la maturité pour apprécier Balzac, sa façon de décrire personnages et situations, non sans ironie, et la société de l'époque.
C'est pour moi un très bon roman, émouvant et cruel, que je relis avec plaisir régulièrement. Il faut toujours laisser une deuxième chance à un livre.
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C'est le premier Balzac que j'ai lu. C'était il y a .... un certains temps à dire vrai ! Mais ce livre m'a quand même marquée.

Il m'a fallu du temps pour comprendre qu'avec cet écrivain il faut prendre sur soi car on a vite fait de bouillir d'impatience lorsque nous, pauvres lecteurs du 21ème siècle, nous retrouvons au milieu de digressions qui s'étalent sur des pages et des pages .... et encore d'autres pages !!
D'accord, en ce temps les écrivains étaient payés à la quantité, et tout flambeur qu'était le grand Honoré de Balzac, on imagine très aisément qu'il est ressenti le besoin d'étaler ses récits sur le plus de pages possibles.
C'est vrai aussi que ces descriptions nous laissent une peintures des moeurs de l'époque - dans son milieu social s'entend - des plus riches. Mais, difficile de ne pas se laisser tenter par l'abandon dans des moments pareils !

Enfin, une fois tout cela mis de côté, j'ai été touchée par Eugénie Grandet. Une jeune fille pleine de candeur, généreuse... et bien trop crédule !
Alors pourquoi ne pas m'être agacée ? Sans doute parce que je me suis un peu identifiée à cette époque (j'avais 13 ou 14ans), et découvrais que "donner" n'est pas gage de recevoir encore moins de gratitude.

C'est donc comme cela que Balzac est resté dans ma mémoire : comme un peintre des tempéraments humains. En montrant aussi que tous ne sont pas blancs ou noirs, et que les préceptes enseignées à la messe ... restent à la messe ! car la vie a d'autres obligations : celles du "soi".
Une révélation pour moi à l'époque !
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Bien qu'appréciant la littérature classique, l'oeuvre de Balzac ne m'a jamais particulièrement attirée, peut-être parce qu'elle me fait un peu peur ?

Toutefois, parmi les volumes qui composent la "Comédie Humaine", "Eugénie Grandet" est sans doute celui qui me fascinait et m'aimantait le plus et ce parti pris a sans doute compté dans le grand plaisir que j'ai eu à le découvrir enfin.

Il y a une rare audace à juxtaposer la pire avarice, celle du père Grandet, à la plus généreuse abnégation, celle de la fille Grandet, sans pour autant donner dans le manichéisme. Le charme agit, on ne sait pas trop comment d'ailleurs, étant donné le cadre sinistre que l'auteur donne à son récit. A croire qu'il fallait cette gangue de grisaille, de médiocrité et de vice pour mieux faire ressortir l'éclat et la pureté de l'âme d'Eugénie, d'un jeune cœur pur, prêt à l'abandon de l'amour et au dévouement de l'amitié.

Les quelques personnages croqués par Balzac et qui composent ce drame social sont extrêmement vivants et tangibles. La course aux faveurs entre les Cruchot et les des Grassins est particulièrement bien rendue et nous renvoie à l'éternel rapport de l'homme à l'argent, un rapport malsain et dévastateur qui, couplé à l'ambition, a fait, fait encore et fera toujours bien des ravages dans notre société.

J'ai d'abord cru que la personnalité d'Eugénie me taperait rapidement sur les nerfs mais il n'en fut rien ; bien au contraire, j'ai ressenti énormément d'empathie pour elle voire de l'admiration.

Un très grand classique, à la portée de tous.


Challenge ABC 2015 / 2016
Challenge 19ème siècle 2015
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J'ai lu mon premier roman d'Honoré de Balzac à l'âge de 14 ans, et pour être tout à fait franche avec vous, je n'avais pas du tout aimé, trouvant que l'auteur s'éternisait dans des descriptions d'objets ou de lieux beaucoup trop longues, et y préférant de loin, à l'époque, Emile Zola. Je m'étais un peu réconcilié avec Balzac quelques années plus tard avec sa nouvelle "Le chef-d'oeuvre inconnu"' mais maintenant que d'autres années ont passé, je me suis décidée à me replonger dans l'univers de ce que tous considèrent comme un grand auteur du XIXe siècle. Alors qu'à l'age de 14 ans, je ne comprenais pas pourquoi tant déloges, aujourd'hui, alors que je suis âge de 29 ans et est dons beaucoup mûri, je commence à comprendre !

Je ne vais pas vous refaire un résumé complet de toute l'histoire que, la plupart d'entre vous, j'en suis certaine, connaissent déjà, ou, du moins en ont entendu parler, mais simplement vous donner mes impressions sur cette lecture. Celle-ci m'a procuré beaucoup de plaisir en y découvrant le père Grandet, riche et avare homme de Saumur, de sa femme et de leur fille Eugénie, que les gens intéressés se disputent afin de faire un beau mariage pour leur propre progéniture. Pour le plus grand malheur d'Eugénie, celle-ci vivait dans un monde, celui du début des années 1800 où les femmes, et encore plus les filles de famille, n'avaient que très peu le droit à la parole et ne devaient pas se permettre le luxe de tomber amoureuse et de choisir elles-mêmes leur mari. Aussi, est-ce une malédiction lorsque celle-ci s'éprendra de son jeune et beau cousin de Paris, Charles. Mariage qui n'est pas envisageable pour le père de la jeune demoiselle étant donné que son frère, le père de Charles, a fait faillite et est, par conséquent, déshonoré.

Quel avenir envisager alors pour ces deux âmes égarées ? La richesse, voilà le thème principal de cet ouvrage car sans fortune, pour Grandet père et, en se replaçant dans le contexte de l'époque, l'on n'est rien !
Un livre aussi sur les sentiments que l'on doit souvent enfouir pour faire plaisir à son père, qui à créer son propre malheur !

Une lecture qui m'a ravie, même si elle n 'est pas des plus joyeuses, mais qui m'aura au moins permis de me réconcilier définitivement avec l'auteur en me donnant cette fois envie de ma plonger dans l'intégralité de "La comédie humaine" afin de combler mes lacunes dans le domaine balzacien ! A lire !
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Un roman qui se déroule à la façon d'une pièce de théâtre, dans la maison bourgeoise de Grandet à Saumur en 1819. Grandet est riche et avare. Il est entouré de trois femmes soumises à son despotisme; sa femme, sa fille Eugénie, et sa servante. Autour d'eux gravitent, comme des vautours, deux familles avides de dévorer l'or du Bonhomme Grandet. Eugénie ferait l'épouse idéale pour ses flatteurs prêts à toutes les bassesses.

On frappe un coup à la porte et la tragédie entre en scène sous le visage du cousin Charles, dandy parisien qui apparaît comme une tâche de lumière dans ce tableau de province étriqué et morne.

Avarice et amour ne font pas bon ménage. L'un dévore la vie, l'autre lui ouvre les bras. L'éclat de l'or ne vaut pas la pureté des sentiments. L'un est pouvoir et destruction, l'autre est bonté et don de soi. Pour Grandet "la vie est une "affaire", pour sa fille elle est émotions.

L'argent qui dessèche les cœurs comme ce fut le cas de Charles. En son nom, on en oublie les Droits de l'homme, tout est permis pourvu qu'on soit riche et respecté.

"Où est l'homme sans désir, et quel désir social se résoudra sans argent ? "

Une triste réalité que nous décrit ici Balzac, dans ce 19e siècle, entre la révolution française et la fin de la monarchie, où l'argent synonyme de puissance, s'accumule dans les provinces, et se gaspille à Paris.



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Un classique de la littérature française.
je suis fan De Balzac , j'ai un très grand souvenir “"des Chouans” lu dans mon adolescence....
Ici il nous raconte la triste destinée de cette pauvre Eugénie, fille de Félix Grandet riche vigneron, père avare au coeur sec.
Huis clos dans la pauvre masure du richissime Grandet, petites scènes de la vie de province, théâtre de la vie domestique, rétrécissement de la cellule familiale et son misérable tas de petits secrets “Eugénie Grandet” est une tragédie bourgeoise sans poison.
Nous saurons tout du triste destin et de la fatalité tragique d'Eugénie, véritable héroïne de la comédie humaine, victime sacrifiée au Dieu Argent.
Quel plume!Quel talent!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'aime Eugénie Grandet. Il y a quelques temps, je vous avais écrit que j'aimais Emma Bovary. Peut-on aimer plusieurs femmes à la fois ? Oui, bien sûr, dès l'instant qu'elles s'appellent Emma Bovary , Eugénie Grandet, Louise de Rênal ou Anna Karénine... Emma Bovary est à Gustave Flaubert ce qu'Eugénie Grandet est à Honoré de Balzac. La comparaison s'arrête là et n'engage que moi. Les deux personnages ont des destins bien différents, bien que tout aussi tragiques, malmenés par les certitudes malveillantes des hommes.
En revanche, à la différence d'Emma Bovary, j'aime Eugénie Grandet, non pas par amour, mais comme si elle fut une sœur, une sœur abandonnée dans la tourmente d'une famille, d'un père tyrannique et avare. Je l'aime comme une amie. Je n'ai pas toujours aimé Eugénie Grandet. Je me souviens des bancs de l'école, d'une lecture obligée de ce livre au collège. Ce roman m'était paru très austère. En ce temps-là, Eugénie Grandet me paraissait comme une femme d'un autre temps, triste et poussiéreuse, qui venait me traumatiser jusque dans mes cahiers d'écolier. Elle n'était pas alors mon amie.
Je me souviens d'une semaine d'été dans les Alpes, il y a quelques années. Dans un camping en pleine vallée du Champsaur il y avait une petite bibliothèque proposée aux estivants et c'est à cette occasion que j'ai relu ce roman. J'en ai été totalement ébloui.
Honoré de Balzac aimait les femmes et son amour était très respectueux de celles-ci. Je pense que Balzac était un romancier féministe. Je m'avance peut-être un peu sur le sujet, mais ayant lu plusieurs livres de cet auteur, j'en suis aujourd'hui profondément convaincu. Et le livre dont je veux vous parler ici témoigne d'une profonde empathie de l'auteur pour son héroïne principale. Balzac a forcément aimé ce personnage humble et sensible, il a voulu lui donner une existence, un corps, une âme, des gestes, un rêve, quelques illusions de vie dans sa trajectoire tragique, au travers de ce roman magnifique.
Au tout début du roman, le personnage principal est le père Grandet. Un homme détestable, effroyablement avare et cruel. Cruel envers sa fille, Eugénie. D'autres personnages viennent à leur tour, cupides, entrent en scène, dans cette famille où le sujet principal tourne autour de l'argent. C'est ainsi qu'elle s'éprend de son cousin...
Le père Grandet est riche, c'est un tonnelier ayant fait sa fortune à Saumur. Sa fille Eugénie devient donc un objet de convoitise, dans le monde desaffaires de cette petite ville de province, où son père, très âgé va vraisemblablement mourir dans peu de temps. Donc, des regards se posent déjà sur le visage d'Eugénie Grandet qui ne sont pas forcément des regards d'amour, des yeux bienveillants.
Tout pourrait passer pour un sujet banal, vu et revu. Balzac construit ici un personnage féminin, sensible, solitaire, romantique, détachée de la fortune dont elle peut hériter, aspirant par-dessus tout au bonheur, le vrai bonheur d'aimer et être aimée, vivre...
Balzac est un fin peintre des sentiments. Il décrit ici la sensibilité généreuse et sans doute candide d'Eugénie Grandet, ses attentes, ses rêves, ses désirs aussi. Oui cette femme que certains pourraient considérer comme austère parce que le roman l'est d'un certain point de vue, a des désirs, des désirs amoureux, sans doute sexuels aussi. Ici c'est l'imaginaire du lecteur que je suis qui l'exprime ainsi, mais Eugénie aimait, voulait aimer et être aimée pour ce qu'elle était...
Plus loin, autour de la vie d'Eugénie Grandet, là-bas à Saumur, des hommes vont et viennent, gravitent dans l'existence de cette jeune femme. Son père est encore là qui régente tout. C'est un environnement d'une médiocrité absolue qui tourne autour d'Eugénie Grandet dans ce drame social, une manière de faire jaillir une forme de lumière dans ce fatras d'ombres et de boues. C'est cette lumière qui saisit le lecteur malgré le sujet austère et le cadre un peu sinistre dans lequel s'inscrit le récit.
C'est sans doute le huis clos dans lequel se déroule la narration, qui rend le sujet austère. Mais au-delà, ne faudrait-il pas faire venir Eugénie Grandet dans un peu plus de lumière, elle le mérite tant ?
C'est à l'issue de la seconde lecture de ce livre que j'ai compris que Balzac est un auteur digne d'un respect énorme. Ce personnage beau et tragique qu'est Eugénie Grandet mérite d'être regardé avec beaucoup d'attention et d'empathie. Pourquoi pas d'amour ?
Eugénie Grandet, c'est un rai de lumière qui pénètre le vitrail d'une chapelle gothique. C'est une page où luisent les mots qui parlent d'elle. C'est le jour qui vient s'accrocher dans les branches d'un arbre. C'est une femme à sa fenêtre...
Je m'aperçois qu'à la fin de ma chronique je ne vous ai rien dit, ou très peu, sur le sujet du livre. Mais qu'importe, je voulais simplement vous parler d'une femme que j'aime comme une sœur, ou comme une amie...
J'aime Eugénie Grandet.
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J'aime la manière dont Balzac nous amène tout doucement dans la province angevine par la description de maisons calmes et mélancoliques. On pénètre dans l'une d'elles et y rencontre la famille Grandet, le père légèrement tyrannique et très Harpagon qui dirige son foyer et son argent d'une main de fer. La mère, soumise et tristounette, Nanon la bonne, costaude, au service de chaque membre de la famille, forte et dévouée, et enfin, Eugénie, qui dans ce récit de sa vie, va s'éveiller d'un long sommeil pour tenter de vivre sa vie, de s'affirmer, tout en restant fraîche et innocente.

Tout ici balance entre générosité, don de soi et calculs froids et cyniques. le père sait tenir son rôle pour embobiner tout le monde, même ses proches, alors qu'Eugénie résistera ce trait d'hérédité propre aux Grandet.
La province - mais aussi les milieux parisiens - que Balzac décrit ici sont détestables au possible et seuls les plus impitoyables y ont leur part du gâteau, au détriment d'âmes faibles comme la pauvre madame Grandet. Eugénie, quant à elle, en ressort grandie et sans taches contrairement à tous les autres personnages, ce qui en fait une des grandes qualités du roman, en plus des effets stylistiques qui parsèment le roman (par exemple, la lettre de Charles (le neveu orphelin) qu'Eugénie est en train de lire devient celle qu'il est en train d'écrire, par un effet de retour dans le temps, précurseur de ce que le cinéma fera dans ses récits).

Portrait d'une époque et d'un milieu qu'on pourrait superposer à ceux d'aujourd'hui sans trop de problèmes, ce qui rend ce roman intemporel.
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