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Roger Pierrot (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253010678
540 pages
Le Livre de Poche (01/09/1975)
  Existe en édition audio
3.89/5   800 notes
Résumé :
La Cousine Bette est le récit d’une vengeance implacable, celle d’une vieille fille, Lisbeth Fischer, qui travaille à la destruction systématique d’une famille – sa famille. Le poison de jalousie et de haine qu’elle distille répand autour d’elle son venin mortifère ; la toile arachnéenne qu’elle tisse empiège ceux qui ont ouvert la boîte de Pandore de ses passions contrariées.
Nul ne sortira indemne de ce thriller réaliste, pas même le lecteur de Balzac, plon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (62) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 800 notes
Il s'en est fallu d'un cheveu, vraiment d'un cheveu, selon moi, pour qu'Honoré de Balzac produise encore avec La Cousine Bette un magistral chef-d'oeuvre (un de plus !). Au lieu de ça, il a " seulement " composé un très bon roman. Certes, beaucoup d'écrivains actuels s'en satisferaient amplement, eux qui en sont si loin, avec leurs pelles et leurs seaux dans les terres molles et collantes du roman contemporain, mais pour lui, c'est presque un peu décevant qu'il ne signe QUE ce très bon roman.

On sait bien que chez Balzac la figure « sacrificielle » a une très large place : c'était le cas par exemple dans le Père Goriot avec cet homme littéralement dévoré par les appétits insatiables de ses deux filles ; c'était le cas également dans Eugénie Grandet, d'une façon fort différente, avec cette jeune femme prise en étau entre l'avarice maladive de son père et les appétits farouches des prétendants qui lorgnent sur l'héritage.

J'ai utilisé deux fois le mot « appétits », qui évoque l'argent, et on pourrait multiplier de la sorte les exemples chez l'auteur. Eh bien ici aussi, il y a ce genre de figure sacrificielle, toujours très pure, très noble dans le fond, un rien dévote sur les bords, un genre de madone qui serait en même temps l'agnus dei, qu'on donne en pâture aux vilains, aux mesquins, aux exécrables, aux minables, aux ingrats, aux envieux, aux jaloux... La nuance, la différence, si différence il y a, c'est sur la nature même des appétits dévorants, qui ne sont plus, en premier lieu, l'argent (même si indirectement, un peu quand même).

L'agneau de dieu sacrifié, ce sera bien entendu la baronne Adeline Hulot. Au rang des envieux, des jaloux, des combinards, on trouvera bien entendu sa cousine, dite la cousine Bette (diminutif de Lisbeth), même si je ne peux m'empêcher de penser que Balzac a bien cherché à nous faire entendre dans ce nom les autres sonorités homophoniques du mot, à savoir le légume, long, insipide, inintéressant au goût (bon, je sais, il y en a qui aiment, mais moi non : j'ai l'impression de perdre mon temps quand j'en mange et ce sont toujours la sauce ou les aromates qui me les font avaler, preuve selon moi de son manque d'intérêt gustatif en lui-même), mais aussi et surtout le mot " bête ", qui signifie à la fois la bêtise et la férocité.

Bette est laide quand sa cousine est belle ; elle est vieille fille et pauvre quand sa cousine est bien mariée à un baron richement pourvu, et, ce qui la bouffe littéralement, elle a le sentiment (pas totalement injustifié au demeurant) d'être un meuble dans la famille, une domestique, quelqu'un à qui l'on fait l'aumône et que l'on tolère auprès de soi tel un mal nécessaire, telle une infirme, qui serait infirme de son manque de beauté et de son esprit étriqué.

Alors elle se consume la Bette, elle rumine, elle fulmine intérieurement, elle mûrit en elle-même ce qu'elle pourrait combiner de chausse-trappe et de fange à étaler sur sa trop belle, trop bonne, trop parfaite cousine. On ne peut pourtant pas dire qu'Adeline soit trop chanceuse avec son mari, le baron Hector Hulot d'Ervy, brave gars dans le fond, mais coureur de jupons invétéré et surtout... incurable !

Tout cela irait encore à peu près pour notre toxique et ténébreuse Lisbeth, mais un jour, Hortense, la fille de la baronne, qui bénéficie d'une aussi jolie figure que sa mère, commet le faux pas de lorgner sur le petit protégé de Bette, le Polonais Wenceslas. Alors là, mes aïeux, ça, c'est une grosse, grosse, grosse maladresse, car ce Wenceslas, voyez-vous, c'était un genre de chasse gardée, c'était son jardin secret à la Bette, pas un véritable amant, certes non, mais une sorte de platonicité accessible, une affection faute d'autre chose, une relation qui la faisait se sentir bonne et honnête et utile et (sur un malentendu) désirable pour quelqu'un...

Et Bette, voyez-vous, c'est un peu comme un volcan actif : en temps normal, ça gronde, ça grognonne en sous-sol, ça fumotte, ça toussotte en surface pendant un bon moment, des mois, des années, des siècles, parfois, et puis un mauvais jour, quand la pression est trop montée des entrailles, trop contenue, trop puissante, eh bien ça BAM ! et ça POUM ! et ça BRRAAAOOUUUM ! et ça crache le feu et la mitraille de tout côté sur des kilomètres, et ça vomit de la lave et des gaz atroces à n'en plus finir, et ça balaie tout, et ça éclabousse tout, et ça fait trembler la terre de partout et dans toutes les directions.

Quel sera l'instrument de sa vengeance, ou plutôt QUI sera l'instrument de sa vengeance ? Ah, ah ! Ça, mes bons amis, mystère, et ne comptez pas sur moi pour vous le dévoiler ; lisez-le si vous voulez le savoir...

À présent, quel semble être le thème de ce roman ? La lutte, la constante, l'incessante, la sempiternelle lutte du bien contre le mal, ou, en l'espèce, plutôt celle du vice contre la vertu. C'est un combat toujours à l'oeuvre et de tout temps et de partout, où que l'on jette le regard, on le retrouve, des tréfonds de l'Asie ou de l'Océanie à l'Alaska ou à la Terre de feu, c'est toujours la même rengaine.

Il y a, au surplus, une autre nuance : le vice véritable et avéré d'un côté, et l'apparence du vice de l'autre. C'est particulièrement illustré dans ce roman par le personnage de Josepha (qui rappelle beaucoup Esther, " la torpille " de Splendeurs et misères des courtisanes), un thème et un personnage que reprendra plus tard Guy de Maupassant dans sa Boule de Suif. de même, il y a la vertu et l'apparence de la vertu, et Bette sait se faire experte dans le domaine de l'apparence de la vertu...

On sait que Balzac a écrit ce roman (qui est un gros roman) très vite. Il est rondement mené, ça s'enchaîne très bien : Balzac est évidemment l'immense écrivain qu'on connaît. En revanche, ce qui n'est pas trop son cas d'ordinaire, je l'ai trouvé un peu trop moralisateur sur la fin. Jusque-là j'étais enthousiaste, éblouie comme souvent avec lui, et puis, il y a cette fin, façon Liaisons dangereuses, où la méchante Marquise de Merteuil se choppe la vérole et que c'est bien fait pour elle, n'est-ce pas ?

Or là, c'est du Balzac, c'est un observateur expert de la réalité normalement, du monde et des gens, dans ce qu'ils ont de complexes et d'indéchiffrables, il ne peut normalement pas nous infliger une fin « morale » voire « moralisante », car le monde n'est ni moral ni immoral en soi, il est amoral ; il n'est ni optimiste ni pessimiste, il est, un point c'est tout, il est, dans toute sa diversité, dans l'éventail quasi infini des variations et des nuances s'étalant d'un extrême à l'autre, du gerbant au formidable. Je me dis que sur cette fin, il est peut-être allé trop vite, il aurait peut-être pu prendre le temps de la mûrir un peu plus comme il sait si bien le faire.

Alors quand j'ai lu cette fin, j'ai été déçue, forcément, d'où ces 4 étoiles et non 5, tandis que j'étais persuadée tout du long que j'irais à 5, avec cette magnifique galerie de personnages encore une fois, allant du Crevel à la Marneffe, du maréchal sourd au sculpteur raté, de la putain à l'épouse modèle en passant par l'amante et la courtisane, mais il y eut ces quelques dernières pages... Bien entendu, cette déception n'est que ma Bette vision, ma Bette attente et ma Bette sensibilité, c'est-à-dire, pas grand-chose, car le mieux sera toujours de vous en faire votre propre opinion par vous-mêmes.
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Dans la famille Fisher, je demande la cousine.
La Cousine Bette s'appelle Lisbeth Fisher précisément, mais tout le monde s'attache à l'appeler Bette, jusqu'à ce facétieux Balzac qui, ici, n'hésite pas à donner de temps en temps et affectueusement, à travers les mots de certains personnages, du « ma bonne Bette ». Or, bête elle ne l'est pas, méchante allez savoir... Laide et pauvre, sûrement. Sa laideur et sa pauvreté auront sans doute cristallisé son destin dans le chemin complexe empli d'épines et de méandres, que nous dépeint ici de manière somptueuse Honoré de Balzac.
Dans la Cousine Bette, le personnage éponyme n'est pourtant pas le personnage principal.
Le personnage principal revient à sa cousine, la belle Adeline Hulot.
Il serait fastidieux de tenter de vous résumer tous les chassés-croisés multiples et biscornus qui sillonnent et tissent le ressort narratif. Ce n'est d'ailleurs pas mon intention, d'une part je risquerais de vous perdre et d'autre part un billet littéraire, tel que je l'imagine, n'est pas précisément dédié à cela.
En quelques mots, la Cousine Bette est le récit d'une vengeance implacable, celle d'une vieille fille, Lisbeth Fischer, qui va oeuvrer à la destruction systématique d'une famille - sa propre famille.
Pour situer le roman sous l'angle historique, il s'agit pour Balzac d'illustrer la déchéance d'une famille sous la Monarchie de Juillet. Dans cette oeuvre s'exerce sa férocité redoutable qui se fait un plaisir de dépeindre la réalité telle qu'elle est, dans toute sa médiocrité et sa noirceur. L'influence du contexte historique n'est sans doute pas anodin dans l'effet recherché et obtenu.
Alors, bien sûr toujours chez Balzac il y a cette atmosphère particulière liée à l'argent. Chez Balzac, l'argent a une odeur, celle du soufre. S'entremêlent ici comme ailleurs dans ses autres romans des opérations financières soit frauduleuses ou soit au détriment d'un des personnages. Ici on ne déroge pas à la règle.
La Cousine Bette est appelée presque à la rescousse à Paris par Adeline Hulot, sa chère et belle cousine, qui supporte tant bien que mal les infidélités de son vieux mari, le Baron Hulot, vieux beau, libertin éperdu. le Baron Hulot entretient des femmes l'une après l'autre et dilapide sa fortune et celle de ses enfants, incapable de surmonter son penchant. Sur ce terrain, il est le rival du beau-père de son fils, un certain Célestin Crevel, qui, quoiqu'il aborde ses relations comme des affaires et se préserve ainsi de la ruine, est tout aussi aveuglé par son désir. Ils ont même eu une amante commune, c'est dire...
La Cousine Bette voit tout de suite comment tirer profit de cette situation pour elle. Jalouse de cette famille qui n'a que condescendance et mépris pour elle depuis des lustres, elle voit dans ces relations adultères une occasion inespérée d'enfoncer encore un peu plus cette famille adorée dans sa perdition. Elle va alors imaginer tisser dans l'ombre des relations dévastatrices et immorales entre les protagonistes et surtout elle va les mettre en oeuvre.
Il s'agit ici aussi pour la Cousine Bette de se venger de la beauté de sa cousine Adeline dont elle souffre depuis l'enfance, puis de sa réussite sociale qu'elle ne supporte pas, et enfin du mariage de sa nièce Hortense avec l'artiste qu'elle avait pris sous sa protection et auquel elle portait un amour pour le moins ambigu. Elle décide d'oeuvrer sans relâche à l'anéantissement de ses proches, impitoyable.
Avec une sorte de délectation presque jubilatoire, nous voyons cette famille Hulot tanguer comme un paquebot digne du Titanic qui aurait éperonné un iceberg nommé la Cousine Bette. Cependant, il est utile de préciser que la charge de la responsabilité du naufrage vaut autant pour l'iceberg, c'est-à-dire la manière de la cousine Bette d'être à la manoeuvre, que pour l'état du paquebot qui était déjà bien gangrené de l'intérieur, c'est-à-dire une famille Hulot marquée par la présence d'un certain Baron capable d'entraîner à lui seul l'ensemble de la famille vers le naufrage.
Aussi, la Cousine Bette est bien aidée dans son entreprise par la victime toute désignée.
Étrangement, Bette ne se pose pas en ennemie de ses cousins, bien au contraire. Alors qu'elle travaille chaque jour à leur perte, elle se fait passer pour leur unique soutien et leur dernière amie dans la suite des débâcles qu'ils traversent. Hypocrite au plus haut point, la vieille fille est prête à vivre chaque jour près de ceux qu'elle haït pour mieux assister à leur chute, pour être certaine d'avoir une place aux premières loges pour admirer le spectacle de leur souffrance et de leur désespoir.
Après vous avoir posé ce décor harmonieux, je vous laisse deviner l'ambiance qui s'en est suivie : manoeuvres, manigances en tous genres, petits arrangements, chantages, bref ! La belle vie, quoi !
Ici les hommes sont fourbes, couards, avides, aveuglés. Quoi ! Vous imaginiez peut-être l'inverse ?
Finalement, la Cousine Bette a juste le beau rôle très facile de pousser certains pions déjà positionnés sur la scène, - la scène non pas de crime mais presque -, juste un peu plus les uns vers les autres. C'est juste un petit rôle modeste et ingrat de facilitatrice.
C'est donc un personnage très complexe construit avec beaucoup de subtilité que nous offre ici ce charmant et facétieux Balzac.
Mais la Cousine Bette n'est pas le personnage le plus pervers du roman, je vous laisse le soin de découvrir qui la détrône à ce titre et bien plus largement.
Que dire des thèmes qui s'invitent ? Bien sûr c'est la vengeance, une vengeance implacable qui porte l'ensemble du roman comme l'arc d'une nef. À la source de cette vengeance, il y a la jalousie et à la source de la jalousie, il y a beaucoup de blessures et d'incompréhension. Balzac dit tout cela aussi, de manière subtile, sans forcer le trait, nous invitant à porter ce regard de compréhension, évitant d'enfermer la Cousine Bette dans une forme de manichéisme. Elle vient avec son histoire, sa fragilité, sa douleur, sa méchanceté peut-être, son désespoir sûrement.
S'agissant de la morale, je trouve que Balzac est cruel avec son lecteur et s'en joue à chaque instant avec beaucoup de cynisme. Je ne parle pas de la fin, d'ailleurs je n'en parlerai pas, tiens !
J'ai aimé ici retrouvé Balzac dans son art des portraits, son habileté à mettre en scène les épisodes clefs de son récit, par son talent pour la chute romanesque, il dépeint les hommes de son temps comme un peintre, c'est beau et sans concession.
Mise à part Adeline Hulot, Balzac n'épargne aucun de ses personnages et dépeint leur médiocrité avec plaisir et dureté. Mais derrière cette satire, se lit aussi une pointe de compassion pour ces êtres fragiles soumis à des forces qui les privent de toute bonté. C'est cruel.
Mais le personnage le plus ambigu dans cette histoire, celui qui tire toutes les ficelles, triomphant par son art de la manipulation du lecteur, illusionné par le narrateur, ne serait-ce pas finalement un certain Balzac lui-même ?

« L'amour de soi, pris comme principe de toutes nos maximes, est la source de tout mal.» Emmanuel Kant.
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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je viens causer d'un grand beau classique, La cousine Bette, d'Honoré de Balzac.

-Oh noooooon !

-Ah siiiiiiiii !

-C'est pourri, Balzac ! T'as vu l'épaisseur du bouquin, en plus ? Ca sent encore des pages et des pages de description qui ne font pas avancer l'action, c'est nul !

-Hé bien tu as tort : la première page ne s'ouvre pas sur quatre kilotonnes de description, mais sur un dialogue.

Or donc, Adeline Hulot, épouse du baron Hulot, rencontre des soucis d'argent : son époux dilapide leur fortune avec ses amantes. Adeline ne peut donc pas marier sa fille. Qu'à cela ne tienne : Hortense, ladite fille, va se trouver un fiancé en séduisant l'amoureux de la cousine Bette… qui va machiner...

-Qui va machiner ?

-Une Terrible Vengeance !

-Moué. Pourquoi pas.

-Tu parlais plus haut des pages de description : il n'y en a point autant dans ce livre. En revanche, je reconnais que les textes dissertant sur la nature du Polonais, des Sauvages, des Corses, des femmes m'ont quelque peu agacée. Ces passages-là ont mal vieilli, je le crains. Fort heureusement, ils sont peu nombreux si l'on considère l'oeuvre dans son ensemble, oeuvre qui fait la part belle à la peinture de caractères.

-Y a des trucs, quand même, nan mais, y a des trucs… ça va pas, quoi !

-Quels trucs ?

-Mais tu as vu le traitement d'Adeline ? comment la figure de victime est valorisée, donnée pour modèle de perfection, alors que… alors qu'aujourd'hui, on lui dirait de divorcer et de mettre Hector en taule s'il ne lui paye pas sa pension alimentaire ?

-Oui, mais le roman ne se passe pas « aujourd'hui ». Je pense que c'est une erreur de le lire entièrement avec ses lunettes de lecteur/trice du XXIe siècle. Bien sûr que sa situation est inadmissible et injuste, cependant, Balzac écrit sur et dans son siècle, pas sur et dans le nôtre, avec tout ce que cela comporte comme préjugés culturels et jugements religieux.

Le roman, disais-je plus haut, est parfaitement réussi en ce qui concerne les portraits. Les personnages ont les défauts de leurs qualités, leur bonheur provoque paradoxalement leur malheur (je pense ici à Hortense et à son époux). La cousine Bette constitue un personnage ambigu : sa vengeance ne tombe pas complètement du ciel, il y a un contexte fort défavorable pour elle et l'on peut se demander quelle est la responsabilité de ses parents dans le ressentiment qu'elle éprouve pour Adeline. Il n'en reste pas moins qu'elle est habitée par une soif de pouvoir malsaine, démontrée par sa relation avec Wenceslas, l'artiste qu'elle soutient, soigne et torture en même temps.

Voilà ce que j'ai apprécié dans ce roman : il plonge au fond des coeurs pour nous les livrer dans ce qu'ils possèdent de pur et de noir. Evidemment, ces nuances ne sont pas également réparties entre les personnages et j'avoue mépriser le baron Hulot.

Un autre des points forts de ce roman réside dans ses dialogues. Plusieurs scènes sont traitées comme des scènes de théâtre, ce qui dynamise le texte et l'action, les rendant plus prenantes.

Et puis, c'est très sexuel, comme roman.

-Pardon ? Balzac ? Sexuel ?!

-Oui, bon, pas de façon explicite, bien entendu, nous sommes en 1846 quand même. Toutefois, il est plaisant de repérer les sous-entendus, les métaphores dissimulant la vérité crue et nue.

Il reste une dernière chose que je voulais mentionner : l'humour.

-L'humour? Ah, parce que maintenant, Balzac, ce poids lourd de la morale, de l'analyse psychologique, devient un blagueur faisant rire les foules ? Ben j'aurais tout lu, Déidamie.

-Non, tu exagères ! Bien sûr que non, tu ne vas pas trouver des boutades désopilantes à la façon d'un humoriste maître de l'art du stand-up. Cependant, tu vas lire dans ce roman des tournures pince-sans-rire, une ironie discrète, de l'humour authentique, mais appliqué en touches légères et subtiles, parfois si ténues qu'elles ne se remarquent qu'à la deuxième lecture. Je regrette, quand la cousine Bette foudroie du regard sa bobine, cela me fait sourire.

La cousine Bette est un roman incroyablement riche par son style et ses portraits approfondis. Oui, le texte est pessimiste, parfois alourdi par des réflexions désuètes et des allusions bibliques ou antiques (qui connaît encore aujourd'hui Combabos* ?), je le reconnais. D'un autre côté, il offre une exploration extraordinaire de la société du XIXe siècle avec une prose intelligente et complexe.

-C'est beau, quoi.

-Oui, voilà. C'est beau. »

*Combabos (résumé rapide) : son roi le chargea d'escorter la reine Stratonice, désireuse d'élever un temple à Hiérapolis. Terrifié à l'idée de trahir le roi, il se coupa les parties génitales avant de partir. Lorsqu'il fut accusé d'avoir couché avec la reine, il put aisément prouver son innocence.
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Une véritable oeuvre de génie! Quels personnages! Quel monde machiavélique que nous dresse Balzac dans ce livre! En effet, La cousine Bette est un brassage de moeurs que l'auteur peint avec entrain, manipule avec subterfuge, développe avec subtilité. C'est avec réticence qu'on fait la rencontre de la cousine Bette. Elle est grincheuse, elle est d'une humeur hargneuse qu'on aurait dit pourquoi le titre ne serait pas La baronne Hulot, cette femme en proie de victimisation dans son ménage, plutôt que cette cousine Bette grognonne, ronchonne. Elle est comme couverte d'un voile, et c'est au fur et à mesure que sa vraie nature va se révéler. En fait, une nature qui va se forger, se corser et s'accroitre au fil des circonstances, des machinations auxquelles elle est prise comme un instrument commode, maniable...et quel retournement nous réserve l'auteur!!! On arrive peu à peu à s'attacher à la cousine Bette qui, d'un personnage apparaissant juste comme une lueur va devenir un personnage incontournable!
La cousine Bette, c'est aussi la ville parisienne de la débauche où les courtisanes se disputent les hommes influents. En les enivrant de leur beauté, de leur jeunesse, elles les étripent aussi bien de leur richesse, que de leur honneur, au risque de faire perdre leur âme. Ce qui arrive bien malheureusement au baron Hulot d’Ervy! Surtout, après s'être étripé auprès des comédiennes, qu'il n'a pas pu étancher la soif, il va se prendre au piège dans les saveurs de Valérie, Mme Marneffe...O quelle gourmande, quelle maniaque!
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Avec ce roman Balzac poursuit son exploration de la société de son temps (et moi la mienne dans l'oeuvre De Balzac), en l'occurrence la bourgeoisie parisienne triomphante de la première moitié du 19e siècle. Si jusqu'à présent ce que j'ai lu de cet auteur avait toujours un aspect sombre et âpre, avec la Cousine Bette le portrait de l'humanité qu'il nous dresse est d'une noirceur désespérante. Dès l'ouverture, le ton est donné : un nouveau riche fier de sa réussite commerciale profite de la situation difficile dans laquelle se trouve une épouse fidèle pour tenter de l'acheter ; cette tentative n'est pas seulement dictée par un simple désir libidinal mais surtout par celui d'assouvir une vengeance sur le mari de la dame ainsi transformée en prostituée. Ce début m'a franchement surpris par la rapidité et la violence avec laquelle on se trouve jeté dans l'action. En outre cette introduction indique clairement quels seront les éléments moteurs du récit : sexe, argent, haine.

Tout le long de la lecture j'ai senti comme une urgence, une impatience à montrer les turpitudes qui se trament. Impression d'urgence accrue par le fait que l'histoire qui s'étale sur près de 500 pages n'est pas subdivisée, le roman est d'un seul tenant, il n'y a pas de pause. Je suis loin de connaître l'ensemble de l'oeuvre De Balzac, mais il semblerait que le fait de ne pas ménager d'étape dans la lecture soit une de ses caractéristiques, est-ce dû à la publication sous forme de feuilleton ? Je ne sais pas, mais quoi qu'il en soit le récit est haletant et comme fiévreux. Et de la fièvre, les personnages qui se démènent comme des âmes damnées dans cette histoire, en sont atteint. J'avais parfois le sentiment d'épier la vie d'un hôpital psychiatrique où les malades s'agitent poussés par des pulsions qui les dépassent.

Le plus bel exemple de ce type de personnage complètement possédé par un désir insatiable, c'est le baron Hulot d'Evry. Voilà un homme plutôt comblé par la vie et la société, qui va sacrifier fortune, position sociale, famille, honneur, santé physique et mentale pour satisfaire son appétit libidinal de jeunes femmes ; et plus on avance dans le roman et plus elles sont jeunes au point de se rapprocher de la pédophilie vers la fin. Malheureusement pour lui, la société qui est en train de se constituer en ce début de XIXe (et sous le régime de laquelle nous vivons toujours), est celle du marché, de l'offre et de la demande, ainsi sa tendance « pathologique » est donc encouragée car pécuniairement rentable, tant pis s'il se détruit, il est libre.
À toute demande sur le marché répond une offre appropriée, et c'est là qu'interviennent les femmes qui ont un capital physique exploitable dans le cadre d'une prostitution de luxe. D'une manière détaillée Balzac révèle le professionnalisme avec lequel les courtisanes parisiennes opèraient pour appâter le chaland dans toutes les occasions festives de la vie parisienne d'alors. le costume occupe certes une part importante de la mise en valeur du produit, mais à celui-ci doit s'ajouter le jeu du décolleté, de la bretelle glissante mais également du sourire et de l'oeillade. Balzac nous fait assister aux préparatifs de la principale courtisane (Valérie Marneffe) que nous suivons dans ce roman ; nous la voyons qui s'entraîne, à parfaire les mimiques qui feront mouche devant son miroir, avec une méticulosité et une compétence tout à fait impressionnante, digne des professionnels de la scène. Ces postures aguicheuses constituent une gestuelle technique qui ne fait que répondre à l'attente des hommes, elle ne correspond à aucune réalité intérieure, c'est une sorte de mécanique. Ce pauvre Baron Hulot succombe totalement au charme de cette enveloppe de femme, à l'instar de Nathanaël dans l'homme au Sable de Hoffmann qui tombe fou amoureux d'un automate de forme féminine. Si Hulot se laisse détruire par la terrible Valérie Marneffe, il en est d'autres qui savent négocier chaque clause de la prestation, s'établit ainsi un contrat commercial où chacune des parties trouve son intérêt.


Ce roman a par moment quelque chose qui le rapproche du documentaire dans le sens où il ne semble ne rapporter que des faits bruts. Il y a peu de digressions (sur la vertu, la femme, le vice, la religion...) qui interrompent le fil de l'action, à une exception notable en plein milieu du roman, subitement l'auteur apparaît, pour nous signifier qu'il existe et que derrière tous ces personnages qui s'agitent pour notre plaisir il y a quelqu'un qui s'épuise et souffre à leur insuffler vie.

« Un grand poète de ces temps-ci disant en parlant de ce labeur effrayant [l'écriture] : « Je m'y mets avec désespoir, je le quitte avec chagrin. Que les ignorants le sachent » ».
Remarque qui apparaît après deux pages sur la nécessité pour l'artiste de traquer l'inspiration, de la piéger pour l'obliger à se plier aux exigences d'une forme artistique, qu'elle soit poétique, littéraire, picturale ou sculpturale.

Pour le reste nous sommes dans l'action et uniquement dans celle-ci. Action qui peut prendre des tournures théâtrales ; la Cousine Bette fait la part belle aux dialogues. Certaines séquences m'ont fait penser à des scènes de vaudeville d'un Labiche ou d'un Courteline. Je pense notamment à l'épisode où Valérie Marneffe enceinte offre un repas aux cinq pères potentiels. Elle réussit le tour de force de faire en sorte que chacun d'entre eux se croient le géniteur de l'enfant qui va naître, ce qui donne une séquence où nos cinq cocus sont tout fiers de la naissance d'un mâle ; car en plus elle leur a fait croire, en se basant sur « des signes que seules les femmes sont capables de percevoir », que l'enfant à venir serait un garçon.


Les situations ont, dans cette oeuvre, plus d'importance que les personnages, car si nous voyons se dessiner le destin des individualités qui forment le noeud de l'intrigue, Balzac nous fait surtout le portrait d'un monde, d'une époque qui voit l'avénement d'un système qui s'il ne crée pas la folie humaine la favorise avec un cynisme consommé. Il nous donne à voir les débuts du capitalisme, et comment il agit sur les mentalités. C'est ainsi que nous voyons des individus se transformer volontairement en produits de consommation. Quant à ceux qui ne parviennent pas à s'insérer dans l'engrenage de l'offre et de la demande, soit parce qu'ils sont intoxiqués et totalement dépendant d'un produit comme le baron Hulot soit parce qu'ils sont trop dignes, nobles ou simplement conscients de leur humanité comme la Baronne Hulot, ils sont détruits ou réduits à la folie. Destruction mentale qui est particulièrement sensible dans la confrontation entre Crevel (archétype du nouveau riche, brutal et content de lui) avec la Baronne Hulot (femme intègre, pleine d'espérance et si naïve). Pour sauver un membre de sa famille la baronne accepte finalement de s'offrir à Crevel contre monnaie sonnante et trébuchante, seulement Crevel ayant déjà une maîtresse qui le satisfait pleinement refuse l'offre de la Baronne. Toutefois il essaie de trouver une solution pour sortir la baronne de ce mauvais pas, en lui proposant un « plan ». Il connaît un ami financièrement bien pourvu mais qui trop fraîchement débarqué de sa province n'a pas eu le temps d'acquérir la maîtresse de premier choix qui correspondrait au standing de vie parisienne auquel il peut prétendre, madame Hulot pourrait éventuellement faire l'affaire. Accepter de se vendre à un homme qu'elle connaissait était déjà un viol qu'elle s'imposait, mais qu'en outre elle se voit d'abord rejetée puis reléguée au statut de marchandise, est une humiliation si violente qu'elle provoque une commotion nerveuse qui laissera des traces (un tremblement nerveux du bras droit) jusqu'à sa mort. Ce qui il y a de remarquable dans cette scène, c'est l'incrédulité de Crevel devant la réaction de la Baronne, il n'a rien compris, il pensait simplement rendre un petit service en facilitant une transaction tout ce qu'il y avait de rentable : un bon plan, un tuyau. Cette scène est d'une cruauté assez rare, elle pourrait figurer dans un roman noir tout ce qu'il y a de plus trash.


La cousine Bette est une oeuvre d'une actualité brûlante par la logique du cynisme marchand qui nous est révélée dans toute sa crudité. Cet ouvrage pourrait aisément être réactivé dans une adaptation cinématographique mais transposée à notre époque. Balzac a signé il y a moins de 170 le scénario d'un film toujours atrocement contemporain.
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Citations et extraits (94) Voir plus Ajouter une citation
Au moment où la cousine Bette, la plus habile ouvrière de la maison Pons, où elle dirigeait la fabrication, aurait pu s’établir, la déroute de l’Empire éclata. L’olivier de la paix que tenaient à la main des Bourbons effraya Lisbeth, elle eut peur d’une baisse dans ce commerce, qui n’allait plus avoir que quatre-vingt-six au lieu de cent trente-trois départements à exploiter, sans compter l’énorme réduction de l’armée. Epouvantée enfin par les diverses chances de l’industrie, elle refusa les offres du baron, qui la crut folle. Elle justifia cette opinion en se brouillant avec M. Rivet, acquéreur de la maison Pons, à qui le baron voulait l’associer, et elle redevint simple ouvrière.

La famille Fischer était alors retombée dans la situation précaire d’où le baron Hulot l’avait tirée.

Ruinés par la catastrophe de Fontainebleau, les trois frères Fischer servirent en désespérés dans les corps francs de 1815. L’aîné, père de Lisbeth, fut tué. Le père d’Adeline, condamné à mort par un conseil de guerre, s’enfuit en Allemagne, et mourut à Trèves, en 1820. Le cadet, Johann, vint à Paris implorer la reine de la famille, qui, disait-on, mangeait dans l’or et l’argent, qui ne paraissait jamais aux réunions qu’avec des diamants sur la tête et au cou, gros comme des noisettes et donnés par l’empereur Johann Fischer, alors âgé de quarante-trois ans reçut du baron Hulot une somme de dix mille francs pour commencer une petite entreprise de fourrages à Versailles, obtenue au ministère de la Guerre par l’influence secrète des amis que l’ancien intendant général y conservait.
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- Vous voilà comme je vous veux mon enfant, dit-elle en le regardant avec ivresse.
La vanité chez nous tous est si forte, que Lisbeth crut à son triomphe. Elle éprouva la plus vive émotion de sa vie, elle sentit pour la première fois la joie inonder son coeur.
- Je suis engagé, répondit-il, et j'aime une femme contre laquelle aucune autre ne peut prévaloir. Mais vous êtes et vous serez toujours la mère que j'ai perdue.
Ce mot versa comme une averse de neige sur ce cratère flamboyant. Lisbeth s'assit, contempla d'un air sombre cette jeunesse, cette beauté distinguée, ce front d'artiste, cette belle chevelure, tout ce qui sollicitait en elle les instincts comprimés de la femme, et de petites larmes aussitôt séchées mouillèrent pour un moment ses yeux. Elle ressemblait à ces grêles statues que les tailleurs d'images du moyen âge ont assises sur des tombeaux.
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[...] ... En examinant les fenêtres de sa nouvelle belle, [Hulot a déjà aperçu Mme Marneffe mais sans lui parler] le baron aperçut le mari qui, tout en brossant sa redingote lui-même, faisait évidemment le guet et semblait attendre quelqu'un sur la place. Craignant d'être aperçu puis reconnu plus tard, l'amoureux baron tourna le dos à la rue du Doyenné, mais en se mettant de trois-quarts afin de pouvoir y donner un coup d'oeil de temps en temps. Ce mouvement le fit rencontrer presque face à face avec madame Marneffe qui, venant des quais, doublait le promontoire des maisons pour retourner chez elle. Valérie éprouva comme une commotion en recevant le regard étonné du baron, et elle y répondit par une oeillade de prude.

- "Jolie femme !"s'écria le baron, "et pour qui l'on ferait bien des folies !

- Eh ! monsieur !" répondit-elle en se retournant comme une femme qui prend un parti violent. "Vous êtes bien monsieur le baron Hulot, n'est-ce pas ?"

Le baron, de plus en plus stupéfait, fit un geste d'affirmation.

- "Eh ! bien, puisque le hasard a marié deux fois nos yeux, et que j'ai le bonheur de vous avoir intrigué ou intéressé, je vous dirai qu'au lieu de faire des folies, vous devriez bien faire justice ... Le sort de mon mari dépend de vous.

- Comment l'entendez-vous ?" demanda galamment le baron.

- "C'est un employé de votre direction, à la Guerre, division de monsieur Lebrun, bureau de monsieur Coquet," répondit-elle en souriant.

" - Je me sens disposé, madame ... madame ?

- Madame Marneffe.

- Ma petite madame Marneffe, à faire des injustices pour vos beaux yeux ... J'ai dans votre maison une cousine, et j'irai la voir un de ces jours, le plus tôt possible, venez m'y présenter votre requête.

- Excusez mon audace, monsieur le baron ; mais vous comprendrez comment j'ai pu oser parler ainsi, je suis sans protection.

- Ah ! ah !

- Oh ! monsieur, vous vous méprenez," fit-elle en baissant les yeux.

Le baron crut que le soleil venait de disparaître.

' - Je suis au désespoir mais je suis une honnête femme," reprit-elle. "J'ai perdu, il y a six mois, mon seul protecteur, le maréchal Montcornet.

- Ah ! vous êtes sa fille.

- Oui, monsieur, mais il ne m'a jamais reconnue.

- Afin de pouvoir vous laisser une partie de sa fortune.

- Il ne m'a rien laissé, monsieur, car on n'a pas trouvé de testament.

- Oh ! pauvre petite, le maréchal a été surpris par l'apoplexie ... Allons, espérez, madame, on doit quelque chose à la fille de l'un des chevaliers Bayard de l'Empire."

Madame Marneffe salua gracieusement et fut aussi fière de son succès que le baron l'était du sien.

- "D'où diable vient-elle si matin ?" se demanda-t-il en analysant le mouvement onduleux de la robe auquel elle imprimait une grâce peut-être exagérée. "Elle a la figure trop fatiguée pour revenir du bain, et son mari l'attend. C'est inexplicable et cela donne beaucoup à penser. ... [...]
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[...] ... Ces malheurs de famille, la disgrâce du baron Hulot, une certitude d'être peu de chose dans cet immense mouvement d'hommes, d'intérêts et d'affaires, qui fait de Paris un enfer et un paradis, domptèrent la Bette. Cette fille perdit alors toute idée de lutte et de comparaison avec sa cousine [Adeline Hulot], après en avoir senti les diverses supériorités ; mais l'envie resta cachée dans le fond du coeur, comme un germe de peste qui peut éclore et ravager une ville, si l'on ouvre le fatal ballot de laine où il est comprimé. De temps en temps, elle se disait bien : "- Adeline et moi, nous sommes du même sang, nos pères étaient frères, elle est dans un hôtel et je suis dans une mansarde." Mais, tous les ans, à sa fête et au jour de l'An, Lisbeth recevait des cadeaux de la baronne et du baron ; le baron, excellent pour elle, lui payait son bois pour l'hiver ; le vieux général Hulot [frère du baron] la recevait un jour à dîner, son couvert était toujours mis chez sa cousine. On se moquait bien d'elle mais on n'en rougissait jamais. On lui avait enfin procuré son indépendance à Paris, où elle vivait à sa guise.

Cette fille avait en effet peur de toute espèce de joug. Sa cousine lui offrait-elle de la loger chez elle ? ... Bette apercevait le licou de la domesticité ; maintes fois, le baron avait résolu le difficile problème de la marier ; mais, séduite au premier abord, elle refusait bientôt en tremblant de se voir reprocher son manque d'éducation, son ignorance et son défaut de fortune ; enfin, si la baronne lui parlait de vivre avec leur oncle et d'en tenir la maison à la place d'une servante-maîtresse qui devait coûter cher, elle répondait qu'elle se marierait encore bien moins de cette façon-là.

La cousine Bette présentait dans les idées cette singularité qu'on remarque chez les natures qui se sont développées fort tard, chez les Sauvages qui pensent beaucoup et parlent peu. Son intelligence paysanne avait d'ailleurs acquis, dans les causeries de l'atelier [la cousine Bette est une ancienne ouvrière en passementerie d'or et d'argent de la Maison Pons], par la fréquentation des ouvriers et des ouvrières, une dose du mordant parisien. Cette fille, dont le caractère ressemblait prodigieusement à celui des Corses, travaillée inutilement par les instincts des natures fortes, eût aimé à protéger un homme faible ; mais à force de vivre dans la capitale, la capitale l'avait changée à la surface. Le poli parisien faisait rouille sur cette âme vigoureusement trempée. Douée d'une finesse devenue profonde, comme chez tous les gens voués à un célibat réel, avec le tour piquant qu'elle imprimait à ses idées, elle eût paru redoutable dans toute autre situation. Méchante, elle eût brouillé la famille la plus unie. ... [...]
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On croit les mouches du dix-huitième siècle perdues ou supprimées ; on se trompe. Aujourd'hui les femmes, plus habiles que celles du temps passé, mendient le coup de lorgnette par d'audacieux stratagèmes. Telle découvre, la première, cette cocarde de rubans, au centre de laquelle on met un diamant, et elle accapare les regards pendant toute une soirée ; telle autre ressuscite la résille ou se plante un poignard dans les cheveux pour faire penser à la jarretière ; celle-ci se met des poignets en velours noir ; celle-là reparaît avec des barbes.
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