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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Toutes les âmes sont des armes chargées de volonté jusqu'à la gueule. C'est bien Balzac lui-même. »

Charles Baudelaire

Dotées d'une vitalité hors du commun, ces âmes comme des armes chargées de volonté jusqu'à la gueule poursuivent avec hargne, avec candeur, avec abnégation, avec détermination leur objectif. Objectif, le mot est faible, il ne rend pas justice à la sorte de folie qui anime et habite les hommes et les femmes chez Balzac. Attachés de façon absolue à l'une des grandes illusions de l'existence — l'amour, l'art, l'argent, la politique, la beauté, la jeunesse, la religion… — voués à une unique passion qui le plus souvent vire à l'obsession, ils se hissent à des sommets d'où les excès, une monomanie les poussant à aller trop loin, à en demander toujours plus, à tout sacrifier à leur cause, les précipitent dans le vide avec pertes et fracas. Leur passion, feu dévorant qui les stimule, les aiguillonne et les amène à se surpasser, est aussi ce qui les consume et les détruit. C'est ça, Balzac. Et c'est grandiose et pathétique, c'est hideux, c'est repoussant et c'est d'une beauté stupéfiante. Ça vous souffle dans les bronches, ça vous requinque un moribond, ça vous réveillerait un mort tant c'est plein de vie. Comme le dit Stephan Zweig avec un sens admirable de la litote, « Les hommes tièdes n'intéressent pas Balzac ». Ah ça non!

Je n'avais jamais relu Balzac depuis mes années de lycée. le hasard du calendrier, un engagement pris avec mon amie Hélène (@4bis) que je tiens à remercier pour sa compréhension et sa patience, ont voulu que je me plonge dans la lecture de la cousine Bette au moment où j'étais clouée au lit par une vilaine grippe. C'est peu dire que cet auteur incroyable, traversant allègrement les deux siècles qui nous séparent, est parvenu à m'insuffler son énergie vitale. Il m'a littéralement portée pendant cette semaine éreintante. J'en aurais pleuré de reconnaissance. Certes, il y a des choses qui ont vieilli chez Balzac, un style parfois un poil grandiloquent, des situations un peu trop rocambolesques pour paraître réalistes, des retournements de situations un peu trop théâtraux pour paraître crédibles… mais quelle énergie! Et quel sens de la psychologie! À force d'étudier ses personnages sous toutes les coutures, d'en décortiquer tous les rouages, il les rend plus réels à nos yeux que ceux qu'on côtoie tous les jours, pâles ectoplasmes traversant furtivement notre existence.

Mais de quoi parle La cousine Bette, roman tardif, paru en feuilleton en 1846? Eh bien, je dirais des passions humaines déclinées sous toutes leurs formes, et c'est à peu près tout. le contexte socio-historique est à peine ébauché, on y trouve très peu de digressions d'ordre artistique, sociologique, philosophique, on reste collés aux personnages et à l'intrigue pendant 540 pages, ce qui, personnellement, m'allait très bien.
Lisbeth, la cousine qui donne son titre au roman, vieille fille laide et désargentée, est tout entière habitée par une passion dévorante, une de ces passions tristes susceptibles d'engendrer malheur et désolation : le ressentiment. Mue par une jalousie féroce à l'endroit de sa belle cousine Adélaïde Hulot, une jalousie recuite qui plonge ses racines loin dans l'enfance, la Bette voue sa vie à l'accomplissement de son unique obsession : la vengeance. Mais si la vengeance est un thème récurrent en littérature depuis l'Antiquité jusqu'au dix-neuvième siècle, j'ai trouvé particulièrement originale la façon dont le traite Balzac. Bette se venge non pas de personnes qui lui ont fait du tort, au contraire, puisque la famille Hulot l'a extraite de sa campagne pour l'accueillir en son sein. Non, elle se venge à des décennies de distance des humiliations reçues dans l'enfance, quand on réservait à sa cousine Adélaïde, en raison de sa beauté, les tâches délicates quand elle, Bette, devait s'adonner aux rudes travaux des champs. de même, j'ai trouvé très intéressant que Lisbeth ne soit pas réduite au rôle de fruit sec desséché racorni par l'amertume, incapable de sentiments auquel l'intrigue semblait devoir la cantonner. C'est une femme de passion capable de tomber éperdument amoureuse d'un jeune réfugié polonais sans le sou qu'elle va littéralement faire renaître à la vie, puis bichonner et soutenir, enfin entretenir financièrement jusqu'à ce que l'ingrat, lassé de ses soins constants et tyranniques, ne lui échappe et épouse Hortense Hulot, la fille de la cousine honnie. le coup est terrible pour Bette qui, dès lors, poursuit le cours de sa vengeance avec une vigueur renouvelée, mais cela ne l'empêche pas de retomber en amour, d'une femme cette fois, l'irrésistible Valérie Marneffe.
« Lisbeth, étrangement émue de cette vie de courtisane, conseillait Valérie en tout, et poursuivait le cours de ses vengeances avec une impitoyable logique. Elle adorait d'ailleurs Valérie, elle en avait fait sa fille, son amie, son amour ; elle trouvait en elle l'obéissance des créoles, la mollesse de la voluptueuse ; elle babillait avec elle tous les matins avec bien plus de plaisir qu'avec Wenceslas, elles pouvaient rire de leurs communes malices, de la sottise des hommes, et recompter ensemble les intérêts grossissants de leurs trésors respectifs. »

Quant à Valérie Marneffe, véritable coeur du roman, vortex dans lequel tous les personnages du livre semblent destinés à sombrer, elle incarne à elle seule l'objet de la passion. Devenu le bras armé et consentant de Bette dans l'accomplissement de sa vengeance, elle s'y adonne avec une rouerie, une bonne humeur, un naturel déconcertants. Mais là encore, si Valérie ne représentait qu'une Idée, la figure de la courtisane dénuée de tout scrupule qui ruine les hommes et leurs familles, ce serait certes édifiant, mais pas très intéressant. Ce qui est passionnant, c'est la façon dont Balzac s'attache à son personnage, nous décrivant sa coquetterie, son esprit, son élégance, sa beauté avec une telle minutie, avec une telle attention, une telle affection qu'il nous la ferait presque aimer en retour.
Comme Choderlos de Laclos avec sa marquise de Merteuil, Balzac campe un personnage particulièrement malfaisant mais grandement excusable. Ainsi que le résume le critique Hippolyte Taine, « Balzac aime sa Valérie ; c'est pourquoi il l'explique et la grandit. Il ne travaille pas à la rendre odieuse, mais intelligible. »
Et c'est pourquoi il me semble que ce livre, au-delà de l'indéniable plaisir qu'il procure, a encore beaucoup à nous dire.

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Dans la famille Fisher, je demande la cousine.
La Cousine Bette s'appelle Lisbeth Fisher précisément, mais tout le monde s'attache à l'appeler Bette, jusqu'à ce facétieux Balzac qui, ici, n'hésite pas à donner de temps en temps et affectueusement, à travers les mots de certains personnages, du « ma bonne Bette ». Or, bête elle ne l'est pas, méchante allez savoir... Laide et pauvre, sûrement. Sa laideur et sa pauvreté auront sans doute cristallisé son destin dans le chemin complexe empli d'épines et de méandres, que nous dépeint ici de manière somptueuse Honoré de Balzac.
Dans la Cousine Bette, le personnage éponyme n'est pourtant pas le personnage principal.
Le personnage principal revient à sa cousine, la belle Adeline Hulot.
Il serait fastidieux de tenter de vous résumer tous les chassés-croisés multiples et biscornus qui sillonnent et tissent le ressort narratif. Ce n'est d'ailleurs pas mon intention, d'une part je risquerais de vous perdre et d'autre part un billet littéraire, tel que je l'imagine, n'est pas précisément dédié à cela.
En quelques mots, la Cousine Bette est le récit d'une vengeance implacable, celle d'une vieille fille, Lisbeth Fischer, qui va oeuvrer à la destruction systématique d'une famille - sa propre famille.
Pour situer le roman sous l'angle historique, il s'agit pour Balzac d'illustrer la déchéance d'une famille sous la Monarchie de Juillet. Dans cette oeuvre s'exerce sa férocité redoutable qui se fait un plaisir de dépeindre la réalité telle qu'elle est, dans toute sa médiocrité et sa noirceur. L'influence du contexte historique n'est sans doute pas anodin dans l'effet recherché et obtenu.
Alors, bien sûr toujours chez Balzac il y a cette atmosphère particulière liée à l'argent. Chez Balzac, l'argent a une odeur, celle du soufre. S'entremêlent ici comme ailleurs dans ses autres romans des opérations financières soit frauduleuses ou soit au détriment d'un des personnages. Ici on ne déroge pas à la règle.
La Cousine Bette est appelée presque à la rescousse à Paris par Adeline Hulot, sa chère et belle cousine, qui supporte tant bien que mal les infidélités de son vieux mari, le Baron Hulot, vieux beau, libertin éperdu. le Baron Hulot entretient des femmes l'une après l'autre et dilapide sa fortune et celle de ses enfants, incapable de surmonter son penchant. Sur ce terrain, il est le rival du beau-père de son fils, un certain Célestin Crevel, qui, quoiqu'il aborde ses relations comme des affaires et se préserve ainsi de la ruine, est tout aussi aveuglé par son désir. Ils ont même eu une amante commune, c'est dire...
La Cousine Bette voit tout de suite comment tirer profit de cette situation pour elle. Jalouse de cette famille qui n'a que condescendance et mépris pour elle depuis des lustres, elle voit dans ces relations adultères une occasion inespérée d'enfoncer encore un peu plus cette famille adorée dans sa perdition. Elle va alors imaginer tisser dans l'ombre des relations dévastatrices et immorales entre les protagonistes et surtout elle va les mettre en oeuvre.
Il s'agit ici aussi pour la Cousine Bette de se venger de la beauté de sa cousine Adeline dont elle souffre depuis l'enfance, puis de sa réussite sociale qu'elle ne supporte pas, et enfin du mariage de sa nièce Hortense avec l'artiste qu'elle avait pris sous sa protection et auquel elle portait un amour pour le moins ambigu. Elle décide d'oeuvrer sans relâche à l'anéantissement de ses proches, impitoyable.
Avec une sorte de délectation presque jubilatoire, nous voyons cette famille Hulot tanguer comme un paquebot digne du Titanic qui aurait éperonné un iceberg nommé la Cousine Bette. Cependant, il est utile de préciser que la charge de la responsabilité du naufrage vaut autant pour l'iceberg, c'est-à-dire la manière de la cousine Bette d'être à la manoeuvre, que pour l'état du paquebot qui était déjà bien gangrené de l'intérieur, c'est-à-dire une famille Hulot marquée par la présence d'un certain Baron capable d'entraîner à lui seul l'ensemble de la famille vers le naufrage.
Aussi, la Cousine Bette est bien aidée dans son entreprise par la victime toute désignée.
Étrangement, Bette ne se pose pas en ennemie de ses cousins, bien au contraire. Alors qu'elle travaille chaque jour à leur perte, elle se fait passer pour leur unique soutien et leur dernière amie dans la suite des débâcles qu'ils traversent. Hypocrite au plus haut point, la vieille fille est prête à vivre chaque jour près de ceux qu'elle haït pour mieux assister à leur chute, pour être certaine d'avoir une place aux premières loges pour admirer le spectacle de leur souffrance et de leur désespoir.
Après vous avoir posé ce décor harmonieux, je vous laisse deviner l'ambiance qui s'en est suivie : manoeuvres, manigances en tous genres, petits arrangements, chantages, bref ! La belle vie, quoi !
Ici les hommes sont fourbes, couards, avides, aveuglés. Quoi ! Vous imaginiez peut-être l'inverse ?
Finalement, la Cousine Bette a juste le beau rôle très facile de pousser certains pions déjà positionnés sur la scène, - la scène non pas de crime mais presque -, juste un peu plus les uns vers les autres. C'est juste un petit rôle modeste et ingrat de facilitatrice.
C'est donc un personnage très complexe construit avec beaucoup de subtilité que nous offre ici ce charmant et facétieux Balzac.
Mais la Cousine Bette n'est pas le personnage le plus pervers du roman, je vous laisse le soin de découvrir qui la détrône à ce titre et bien plus largement.
Que dire des thèmes qui s'invitent ? Bien sûr c'est la vengeance, une vengeance implacable qui porte l'ensemble du roman comme l'arc d'une nef. À la source de cette vengeance, il y a la jalousie et à la source de la jalousie, il y a beaucoup de blessures et d'incompréhension. Balzac dit tout cela aussi, de manière subtile, sans forcer le trait, nous invitant à porter ce regard de compréhension, évitant d'enfermer la Cousine Bette dans une forme de manichéisme. Elle vient avec son histoire, sa fragilité, sa douleur, sa méchanceté peut-être, son désespoir sûrement.
S'agissant de la morale, je trouve que Balzac est cruel avec son lecteur et s'en joue à chaque instant avec beaucoup de cynisme. Je ne parle pas de la fin, d'ailleurs je n'en parlerai pas, tiens !
J'ai aimé ici retrouvé Balzac dans son art des portraits, son habileté à mettre en scène les épisodes clefs de son récit, par son talent pour la chute romanesque, il dépeint les hommes de son temps comme un peintre, c'est beau et sans concession.
Mise à part Adeline Hulot, Balzac n'épargne aucun de ses personnages et dépeint leur médiocrité avec plaisir et dureté. Mais derrière cette satire, se lit aussi une pointe de compassion pour ces êtres fragiles soumis à des forces qui les privent de toute bonté. C'est cruel.
Mais le personnage le plus ambigu dans cette histoire, celui qui tire toutes les ficelles, triomphant par son art de la manipulation du lecteur, illusionné par le narrateur, ne serait-ce pas finalement un certain Balzac lui-même ?

« L'amour de soi, pris comme principe de toutes nos maximes, est la source de tout mal.» Emmanuel Kant.
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Oh ! le beau mélo ! Sans rire, on se croirait chez l'incroyable et ébouriffant Ponson du Terrail. Jugez vous-même : une épouse fidèle (baronne Adeline Hulot d'Ervy) mais trompée de façon infâme par son mari, une espèce de vieux beau qui ruine sa famille et provoquera plus tard la mort de la digne épouse (baron Hulot d'Ervy) ; leur fille (Hortense), jeune personne "sage" et présentée comme bonne qui s'empresse de "voler" sans vergogne à sa cousine, la fameuse Bette du titre, l'homme dont celle-ci lui a pourtant avoué être amoureuse ; l'"Amoureux" en question (comte Wenceslas Steinbok), un noble polonais émigré et tombé dans la misère doublé d'un artiste-graveur exceptionnel ; un rival du baron dans le monde libertin (Célestin Crevel) qui, pour se venger de Hulot, lequel lui a pris une jeune maîtresse, entend se faire payer en nature tôt ou tard par la malheureuse Adeline ; une petite bourgeoise affairiste (Valérie Marneffe) qui s'empresse de tomber dans les bras du volage baron afin d'améliorer son ordinaire personnel et, au passage, celui de son maquereau de mari ; un beau baron brésilien (baron Montès) dont la jalousie, bafouée par Valérie, se retournera de façon horrible contre celle-ci et son époux ; et puis, bien sûr, la cousine Bette (Lisbeth Fisher), tour à tour admirable et monstrueuse, un cerveau rendu machiavélique par les injustices subies au nom de sa laideur et de sa pauvreté, et qui mènera presque la famille Hulot d'Ervy et surtout sa cousine, Adeline, à l'abîme avec, il est vrai, l'aide puissante de la Marneffe.

Oh ! oui ! Ponson du Terrail n'aurait pas fait mieux question mélo - et pourtant, il s'y connaissait !

Et pourtant, voyez-vous, "La Cousine Bette" est un fabuleux roman, l'un des meilleurs selon nous De Balzac. La grâce et la fougue du génie s'y révèlent sans effort, transformant ce qui est, effectivement, au départ, un horrible mélo en un drame qui vous étreint le coeur. Certes, comme d'habitude, on regrettera quelques égarements du style - mais on était dans la première moitié du XIXème siècle et le Romantisme régnait en maître - mais on n'est pas près d'oublier ni la flamboyante, subtile - et complètement détraquée - Valérie Marneffe, ni cette énigme, tour à tour émouvante et hideuse, que restera la cousine Bette. Eût-elle eu un peu plus d'amour dans son enfance qu'elle ne serait pas morte désespérée par une vengeance qui lui échappait.

Quant à la fin réservée au baron, cet infâme vieux beau à qui l'on est en droit de préférer un Crevel - eh ! oui ! - ce vil remariage avec une servante-maîtresse après la mort, causée par le chagrin, de sa première épouse, elle est d'une justesse et d'un cynisme en tous points remarquables.

Une fois encore, on ne peut que constater l'incroyable compréhension de la nature féminine qui était celle De Balzac. Car, à y bien regarder, il arrive que le lecteur (la lectrice ?) se laisse émouvoir par Mme Marneffe et par son amie Bette. Il y a, dans ces deux femmes, si pervers que soient leurs actes, une volonté de rébellion qui n'est que la conséquence de la façon dont les hommes et la société les considèrent. C'est en cela que Balzac est précieux et unique, chez les écrivains mâles de son époque. ;o)
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Un vrai chef d'oeuvre ! Je ne me suis décidée à démarrer ce Balzac que pour soutenir mon fils dans cette lecture obligatoire ! Je ne peux que le remercier puisque sans lui jamais je n'aurais eu envie de me plonger dans Balzac en été...
Me voilà bien réconciliée avec ce grand écrivain et tant mieux.
Le roman a été publié en 1846 sous forme de feuilletons et a connu un bon succès. Bien mérité à mon humble avis.
Imaginez, 132 chapitres, plus de 500 pages... Des chapitres très courts qui donnent un rythme frénétique au roman. Que de péripéties et de rebondissements ! Très souvent j'ai eu l'impression d'être dans une pièce de théâtre. le lecteur ressent même le besoin de souffler de faire une pause mais non il est embarqué immédiatement et ne peut respirer qu'en tournant la dernière page, après une ultime surprise dans les derniers paragraphes...
Bref un très bon moment de lecture dans le milieu parisien, petits-bourgeois du 19 ème siècle. Je ne suis pas prête d'oublier le baron Hulot ni sa sainte baronne.
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Que reste-t-il à dire sur La Cousine Bette, après tous ceux qui, ici et ailleurs, se sont penché sur cet ouvrage, et en ont parlé sans doute mieux que moi ?
Rien, sinon peut-être un ressenti personnel ; ce qui m'a toujours frappé dans ce livre, c'est que son sujet principal est l'érotisme, et plus précisément l'obsession érotique, qu'on retrouve d'ailleurs dans mon nombre d'ouvrages classiques, sous leurs airs compassés et convenables, et avec leur façon de dire les choses en ne le disant pas.
Car quel est le moteur des actions insensées de Hulot, qui se ruine pour une intrigante, à la limite de la prostitution, qu'il n'aime pas et dont il connait sans doute la véritable nature, si ce n'est des talents, disons amoureux pour rester convenable, et pour ne l'être pas, le fait que que c'est apparemment un coup exceptionnel ?
On retrouve d'ailleurs ce même moteur d'actions insensées dans au moins un autre roman De Balzac, Splendeur et Misère des Courtisanes, où Rubempré se montre en effet tellement doué en la matière que Mesdames de Sérisy et de Maufrigneuse, et Mademoiselle de Granlieu en sont littéralement folles au point de lui écrire des lettres où ses talents sont exposés de manière tellement crue que Vautrin s'en servira pour faire chanter leurs maris et père, ce qui fera sa fortune
Et chez d'autres auteurs aussi, Stendhal dans le rouge et le noir par exemple, ou évidemment, Zola dans Nana (le pauvre Zola, qui, malgré sa réputation sulfureuse, était en fait l'un des plus pudiques, peut-être en accord avec sa vie personnelle très régulière malgré ses deux ménages)
Mais je m'égare, et que conclure ? Peut-être que, comme le dit Freud qui pour une fois semble avoir raison, que le refoulé finit toujours par ressortir sous les formes les plus extrêmes, qu'on ne retrouverait peut-être pas de nos jours avec la même intensité.
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Un Balzac délicieusement balzacien. Il faut bien dire qu'il y a des Balzac qu'on lit avec plus ou moins de facilité ou de plaisir, parfois avec des pages plus longuettes. En ce qui concerne La cousine Bette, je l'ai avalé d'une traite. Je me suis délecté de ce drame familial tristement réaliste, des manigances, et des éclats d'amour.
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Au moins une ou deux fois par an, parfois plus souvent, je pioche dans la Comédie humaine comme dans une mine de diamants. Je pioche presque au hasard car le gisement est riche et j'en extrais toujours des pépites remarquables. J'ai en plus le loisir de choisir l'édition dans laquelle lire Balzac, je dispose de plusieurs éditions de ses oeuvres complètes, mais j'ai aussi de nombreux volumes dans des éditions diverses cartonnées ou reliées et aussi dans la collection du livre de poche. Au cours de près de 60 ans de fréquentation de cet auteur, j'ai eu l'occasion d'acquérir de nombreux volumes destinés à remplacer mes acquisitions plus anciennes, mais au final je ne me suis séparé d'aucune, ce qui me laisse aujourd'hui un choix royal lorsque je décide de me replonger dans l'univers balzacien (par exemple j'ai au-moins 5 éditions différentes du Père Goriot dont une en russe).

Pour ‘la cousine Bette', je choisis le petit volume relié de la collection France Loisirs acquise en 1986. La magie s'opère dès les premières lignes. Je reconnais immédiatement le style De Balzac avec sa manière très reconnaissable de commencer une histoire ‘Vers le milieu du mois de juillet de l'année 1838, une de ces voitures nouvellement mises en circulation sur la place de Paris et nommées des milords cheminait, rue de l'Université…'.

Ce roman de 500 pages rédigé en quelques mois au cours de l'année 1846 est le couronnement de l'oeuvre du grand romancier, l'un de ses derniers ouvrages avec le cousin Pons. Balzac engage dans ces deux livres ses dernières forces vitales [il meurt le 18 août 1850]. Il travaille dans la perspective de son mariage avec Eve Hanska, il veut montrer une fois de plus à l'amour de sa vie l'intensité de son génie et il y parvient. Ce roman est l'un des plus caractéristiques de l'oeuvre De Balzac on y retrouve la puissance de l'intrigue, la profondeur de ses analyses sur la société et la démesure des personnages muent par une ardeur qui trouve son origine soit dans la vertu soit dans le vice. Quatre personnages dominent l'histoire, tout d'abord le baron Hulot, libertin impénitent, qui va sacrifier sa fortune et sa famille pour satisfaire sa passion des jeunes femmes, à l'opposé, sa femme, Adeline Hulot est un modèle de vertu, d'esprit de sacrifice, d'amour et de tolérance elle fera tout pour récupérer son mari et lui offrir son pardon. Il y a aussi Valérie Marneffe, femme mariée qui use de son charme et manipule plusieurs amants pour leur soutirer leur fortune, elle est aidée en cela par Lisbeth Fischer [la cousine Bette] qui nourrit une jalousie démesurée envers Adeline. Ces quatre personnages et quelques autres sont animés par le souffle Promethéens de Balzac. Voici le court portrait que l'auteur fait de la cousine Bette ‘Paysanne des Vosges, dans toute l'extension du mot, maigre, brune, les cheveux d'un noir luisant, les sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque, tel est le portrait concis de cette vierge'. Page 46

Je ne résiste pas au plaisir de citer un autre portrait, celui de Madame de Saint-Estève : ‘Cette vieille sinistre offrait dans ses petits yeux clairs la cupidité sanguinaire des tigres. Son nez épaté, dont les narines agrandies en trous ovales soufflaient le feu de l'enfer, rappelait le bec des plus mauvais oiseaux de proie. le génie de l'intrigue siégeait sur son front bas et cruel. Ses longs poils de barbe poussés au hasard dans tous les Creux de son visage, annonçaient la virilité de ses projets. Quiconque eût vu cette femme, aurait pensé que tous les peintres avaient manqué la figure de Méphistophélès'. Page 442

Balzac ne manque pas de faire intervenir d'autres personnages récurrents de la comédie humaine, Bianchon, du Tillet, Nucingen, Bixiou, Lousteau, Rastignac et bien d'autres, ce qui offre à ses lecteurs le moyen de ressentir encore de façon plus tangible le réalisme et la profondeur de son roman. L'argent joue toujours un grand rôle dans les ouvrages De Balzac, de ce point de vue la cousine Bette ne fait pas exception, le montant des dépenses, des appointements, des rentes, des capitaux, des dettes et des lettres de change qui circulent entre les personnages est précisé maintes fois de manière presque obsessionnelle, jusqu'au prix du cercueil pour l'enfant de Mme Marneffe.

La richesse de l'intrigue et la force de caractère des personnages impriment à l'histoire un dynamisme, une énergie qui emporte le lecteur. C'est un roman sur l'amour, la haine et la jalousie. ‘L'amour et la haine sont des sentiments qui s'alimentent par eux-mêmes, mais des deux la haine a la vie plus longue' nous dit Balzac.

Encore une fois je me suis fait happer par le génie De Balzac.

— ‘La cousine Bette' Honoré de Balzac, éditions France Loisirs ‘La Comédie humaine', tome XV [1986], 526 pages.
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Cousine, animal au sang froid !
Paris, XIXe siècle dans la famille du Baron Hulot d'Ervy l'effervescence règne il faut marier Hortense. Madame la baronne Adeline effectue des démarches, à contre coeur , auprès de Crevel, ancien commerçant fortuné. La fille de ce dernier est mariée avec Hulot fils. Les Hulot ont besoin de Crevel, car ils sont ruinés par le libertinage du Baron, qui a en commun avec Crevel les mêmes goûts pour les courtisanes, ils sont même en concurrence.
Adeline est toujours une belle femme, une fois établie elle a fait venir auprès d'elle sa cousine Lisbeth surnommée Bette. Celle-ci est une vieille fille laide qui est arrivée illettrée et qui de surcroît a refusé de se marier avec ceux qui lui ont été proposés. Elle a toujours été jalouse de sa cousine et à Paris plus encore. Tout est sujet à l'envie. Mais elle est rusée et machiavélique.
« En 1837, après vingt-sept ans de vie, à moitié payée par la famille Hulot et l'oncle Fischer, la cousine Bette résignée à ne rien être, se laissait traiter sans façon ; elle se refusait elle-même à venir aux grands dîners en préférant l'intimité qui lui permettait d'avoir sa valeur, et d'éviter des souffrances d'amour-propre. Partout, chez le général Hulot, chez Crevel, chez le jeune Hulot, chez Rivet, successeur des Pons avec qui elle s'était raccommodée et qui la fêtait, chez la baronne, elle semblait être de la maison. »
Bette est transparente pour les uns et utile pour les autres, ce qui ne fait que renforcer ce sentiment d'aigreur qui va crescendo.
Tout le livre repose sur cette comédie, sauver les apparences pour les Hulot qui sont aux abois, et la vengeance fomentée par une laissée pour compte.
Balzac a construit ce roman avec des portraits riches, d'une description méticuleuse qui met en place chacun comme sur un échiquier, avec humour aussi. C'est un suspense sur fonds social et psychologique d'une précision et d'une tension digne des meilleurs thrillers. Bette est un animal a sans froid, qui n'a pas la beauté ni la culture mais elle a pour arme son insatiable jalousie, le bon sens paysan et l'art de s'associer. En effet, la laide va s'associer à Valérie Marneffe, redoutable courtisane, jeune, jolie et sans scrupule qui va finir de ruiner Hulot et faire de Crevel également un être manipulé, lui qui se croyait manipulateur.
La scène où le baron Hulot se croit suffisamment aimé pour abandonner tout apparat qui était censé le rajeunir, pour enfin assumer son âge et son apparence est à mourir de rire, tellement Balzac y met de réalisme.
Toutes les descriptions du monde social et politique nous montrent que deux siècles plus tard peu de choses ont changé. Ce sont les mêmes ressorts qui agissent.
Et il y a l'étude de l'âme humaine, la cousine Bette réussira-t-elle ?
Le génie De Balzac éclate dans le dénouement après avoir mené cette intrigue sur un fil tendu à l'extrême.
Un classique qui se lit et se relit avec un plaisir intense. Si vous croyez en lisant les critiques en découvrir trop sur ce roman c'est ne pas compter sur le talent De Balzac qui a chaque ligne vous incite à tourner les pages de façon compulsive et vous découvrirez qu'en fait les critiques ne vous ont pas révélé l'essentiel, cette quintessence balzacienne.
©Chantal Lafon


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« La Cousine Bette » (1846) est la première partie d'un diptyque intitulé « Les Parents pauvres » inclus dans les « Scènes de la vie parisienne », troisième grand cycle de la « Comédie humaine ». La deuxième partie de ce diptyque est « le Cousin Pons » paru l'année suivante (1847).
Ce roman est un des plus longs de la « Comédie humaine » (plus de 540 pages dans l'édition Livre de poche) et sans doute un des plus noirs, un des plus sordides, un des plus déprimants, et pour les mêmes raisons (et le génie de l'auteur) un des plus aboutis et un des plus beaux.
L'histoire est celle d'une famille désintégrée par une vieille fille aigrie et animée d'un désir de vengeance, tel que Electre à côté c'est Bernadette Soubirous.
Dans la famille Hulot, je demande le père : le baron Hulot (le frère de celui des « Chouans ») est un obsédé sexuel, qui se jette sur tous les jupons qui passent (sauf la Cousine Bette, obsédé, mais pas fou). Sans scrupules, horrible avec tout son entourage, il pille les caisses de l'Etat et cause la mort de son frère le maréchal, fiancé, le malheureux, à la cousine Bette (comme quoi il y a un bon Dieu).
Dans la famille Hulot, je demande la mère : Adeline Fischer, baronne Hulot est une femme belle comme le jour et bonne comme le pain. Un peu trop bonne car elle ferme les yeux sur les infidélités de son mari, et, pire que ça, est capable de s'immoler pour sauver son mari du déshonneur (comme quoi, comme on dit, trop bon, trop confiant).
Dans la famille Hulot, je demande la fille : Hortense, sans grande personnalité. Elle est fiancée à Wenceslas Steinbock, un artiste qui dans le temps a été recueilli par la cousine Bette, et donc qui, dans l'esprit de celle-ci, lui doit tout et le reste.
Dans la famille Hulot, je demande Nicolas, mais il n'y a pas de Nicolas dans l'histoire (un moment de grâce, sans doute).
Et finalement dans la famille Hulot, je demande la cousine de la mère : Lisbeth Fischer, dite la cousine Bette, le personnage le plus déplaisant du roman, et peut-être de la Comédie humaine. Recueillie par pure bonté par Adeline, elle est jalouse de la beauté physique et morale de cette dernière. Elle se nourrit de son statut de parent pauvre pour inclure dans sa haine toute la maisonnée. Elle commence à circonvenir Valérie Marneffe, la maîtresse en titre du baron, et la pousse dans les bras de Wenceslas et d'un commerçant pas très clair nommé Crevel. Sur fond de malversations financières, les scandales publics et privés se succèdent, et la famille explose. La cousine Bette, c'est comme un Vautrin en jupons, mais Vautrin, on peut lui trouver de bons côtés, on sait que l'affection qu'il porte à Eugène (de Rastignac) ou à Lucien (de Rubempré) n'est pas totalement feinte. Bette, elle, ne connaît qu'un sentiment : la haine.
L'adaptation de référence est bien entendu celle réalisée en 1964 par Yves-André Hubert, avec Alice Sapritch dans le rôle-titre (avec Folcoche, sa meilleure prestation), entourée d'une excellente distribution : Danièle Lebrun, Jacques Castelot, Elina Labourdette, Claudine Coster… (disponible sur le site de l'Ina)


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La terrible Lisbeth Fischer l'un des plus diaboliques personnages de la Comédie Humaine est une incarnation de l'Envie et de la méchanceté . En duo sulfureux avec Valérie Marneffe elle met en coupe réglée la famille Hulot dans une intrigue des romans feuilletons les plus échevelés mais avec la qualité d'écriture De Balzac . Face à elle la parfaite Adeline Hulot ne pèse pas lourd (du point de vue romanesque) . Un très grand roman.
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