Voilà encore une courte nouvelle
De Balzac sur le thème de
la femme abandonnée qu'il aurait écrite en une nuit ; cette fois, le récit est centré sur le lieu, une propriété tourangelle nommée
La Grenadière, où vient s'installer Augusta Willemsens, accompagnée de ses deux jeunes fils. D'emblée, le contraste est visible entre la beauté simple et chaleureuse du domaine et le drame qui va s'y dérouler ; l'abondance de détails sur la demeure et ses environs semble vouloir compenser les zones obscures du récit.
Comme dans
La Femme abandonnée qui précède cette nouvelle dans Les Scènes de la vie privée, cette famille retirée du monde intrigue et les commentaires vont bon train : Mme Willemsens est belle, ses enfants sont mignons et bien élevés, mais la famille ne fréquente personne : seule une vieille bonne et un couple de paysans locaux travaillent à son service ainsi qu'un précepteur pour les garçons.
Outre le noeud thématique du lieu, le récit suit le rythme et le cycle des saisons ; en effet, on comprend vite que l'héroïne est gravement malade et qu'elle s'achemine vers la mort. Son mal mystérieux, certes physique, s'accompagne d'un mal moral et expiatoire, dû à une faute commise par le passé, source de son isolement actuel et du dénuement dans lequel elle va laisser ses enfants orphelins.
Au XIXème siècle, l'adultère féminin est un crime réprouvée par la morale : le lecteur comprend que les deux garçons sont nés d'une relation illégitime mais que leur mère a pris des dispositions pour qu'ils sachent l'identité de leur père à leur majorité… Il y a aussi un mari, un lord anglais, à qui elle pardonne tout dans une lettre écrite avant de mourir.
Balzac entretient le mystère et le flou tout au long de sa narration… D'après la littérature critique, il est aussi fait mention de cet épisode dans d'autres romans de la Comédie humaine (
Mémoires de deux jeunes mariées,
le Lys dans la vallée,
le Père Goriot…) mais certains passages ont pu être remaniés au fur et à mesure des corrections
De Balzac.
Cette absence de détails, tout en laissant une impression d'inachevé, met en relief la situation stylisée de la femme adultère, toujours coupable malgré ses mérites et quelles que soient les circonstances ; elle doit expier sa faute, jusque dans ses enfants s'il le faut. Ainsi l'héroïne, qui s'est peut-être présentée sous un nom d'emprunt, aura une tombe anonyme où ne figurera que son prénom suivi de l'épitaphe « une femme malheureuse ».