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Critique de vibrelivre


La recherche de l'absolu
Balzac
roman « philosophique », ou étude de moeurs, 1834, 302 p, Livre de Poche


Ce livre-là, dans cette collection, se vend 90 centimes en ligne. C'est dire si les classiques sont à portée de tous. La vérité oblige à dire que l'édition n'est pas fameuse, et que les caractères sont petits. de plus, quand on entre dans un roman classique du XIX°, on est saisi dans l'épaisseur, la compacité, de l'écriture, très éloignées de la légèreté, de la fluidité, de certains jeunes auteurs contemporains. le récit n'est pas non plus divisé en chapitres. Je laisse la question du contenu à part. Même si la vision de la femme, dans ce livre, appartient à son époque, soit le début du XIX°, une créature qui mérite tous les éloges, mais reste une créature faible. En tout cas, un des personnages féminins fait exception. Même si des envolées lyriques datent.
Quand l'histoire commence, on est en 1812, fin août, dans une maison bourgeoise et cossue de Douai, « où respire l'esprit de la vieille Flandre ». La maîtresse de maison, riche héritière espagnole, est déjà bien malade, à cause de la folie ou de l'entêtement génial de son époux. Ce qui la caractérise, outre ses imperfections physiques-elle est petite, boiteuse et bossue- c'est sa noblesse d'âme, et l'amour immense qu'elle porte à son mari, pour être en communion de qui elle va apprendre la chimie, science qui chasse la raison, prétentieuse et blasphématoire puisque ceux qui la pratiquent se mettent au-dessus de Dieu qui seul crée. L'époux est Balthazar Claës, un Flamand aisé, cultivé et exemplaire, qui a rencontré un gentilhomme polonais, versé, disait-il, en chimie ; Claës, ancien élève de Lavoisier, ruine alors les siens par sa recherche de l'absolu. Ils ont quatre enfants.
Les années passent, la maison coule, le chimiste croit toujours en sa chance d'une fameuse découverte, la mère meurt, et la fille aînée prend sa place. Un notaire de ses cousins lorgne sur la fortune qui lui reste, mais elle est éprise d'un jeune garçon de condition modeste, dont l'âme répond à la sienne. Cependant elle a promis à sa mère mourante qu'elle ne se marierait pas pour remplir le rôle de gouvernante de la famille.
Grâce à une intendance parfaite, la maison recouvre son lustre d'antan avant de le perdre à nouveau. le roman s'étend sur vingt ans.
Balzac dresse le portrait d'un génie, passionné, qui veut illustrer de gloire sa maison par ses recherches, mais qui, pour elles, est capable de servilité en demandant de l'argent à sa fille. Car, si grands qu'ils soient, les hommes se rattachent à l'humanité par des petitesses. Toutefois, il laisse la chambre de cette dernière en l'état, par reconnaissance pour tout ce qu'elle a fait pour lui, mais aussi par la foi flamande de la parole donnée. Ce génie peut paraître fou aux yeux des ignorants -qui, au spectacle de la vraie douleur, éprouvent une sorte de jouissance qui les dispose à tout absoudre, même un criminel-, mais avec sa grande intelligence, il offre un spectacle formidable et tragique, lui qui, « Titan foudroyé » se condamne lui-même d'avoir dévoré trois fortunes, et que la nécessité muselle. Quoi qu'il en soit, sa passion le dévore -ses pieds lents et traînants semblent déserter par la vie, il ne prend plus soin de lui, son laboratoire est un atelier complètement en désordre. Où est le caractère flamand, que caractérisent l'ordre, le sentiment du devoir et la réflexion? Il vieillit, il délaisse sa famille, et engloutit des sommes folles. Mais l'auteur, d'autant plus qu'il n'était pas indifférent à l'absolu – la chimie était pour lui l'occasion de parler de sa pensée, de sa mystique, de son occultisme- et peut-être ses lecteurs, ne cessent d'admirer la persévérance de cet homme de génie. Alors qu'une découverte est presque toujours le fruit du hasard. Et que, franchement, pensent les médiocres, la quête de la pierre philosophale dans un siècle éclairé ressortit à de l'alchimie. Les créations du génie sont très longtemps méconnues.
La sagesse féminine, sensée, active, constante, sert de pare-folie, en se contraignant à une économie drastique, et en veillant à la respectabilité du savant qui s'abîme dans son idée fixe. Avec Marguerite, la fille aînée des Claës, Balzac brosse une âme forte et sensible, qui sauve la fortune de sa fratrie, conserve la dignité à son père, et peut goûter le bonheur avec un homme aussi pur qu'elle.
Balthazar et sa fille sont des êtres sublimes.
C'est aussi une ville de province qui est peinte, Douai, ville qui se modernise le plus de toutes les villes du Nord, où l'amour du progrès social est le plus répandu ; à cause des vicissitudes politiques, elle appartient ou non à la France, voit les aristocrates s'écarter des bourgeois. Elle est soucieuse de ses traditions, avec la chambre de l'épouse considérée comme un sanctuaire, avec sa soupe au thym égayée de boulettes de viande, avec sa vaisselle, ses dîners, et son parterre de tulipes, et la fameuse tulipa Claësiana , avec ses fêtes de Gayant.
S'il est un aphorisme à retenir de ce roman, ce serait celui-ci : « Sois célèbre mais sois heureux aussi ». Claës aura manqué la célébrité et n'aura pas connu le bonheur à la fin de sa vie. le génie coûte cher.
Si l'on veut entrer dans le roman, on lira une histoire prenante, on s'attachera aux personnages, on sera happé par la peinture de la déchéance qui malgré tout laisse l'homme déchu grand.
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