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Critique de elea2020


J'ai beaucoup aimé ce roman, pourtant oublié longtemps sur mes étagères - me faisait-il peur ? J'avais essayé de le lire et n'étais pas allée très loin dans ma lecture. Je ne suis pas non plus fan de l'esprit vendéen, royaliste, religieux... Et pourtant !

Balzac nous met dans l'ambiance dès le début du roman, en nous relatant une escarmouche entre Chouans bretons - car il s'agit des Bretons bien plus que des Vendéens, qui sont présents seulement lors d'une réunion de chefs pour s'allier - et soldats de la République, les Bleus. Les deux camps sont menés par des chefs valeureux : le commandant Hulot pour les Républicains, vieux soldat aimé de ses hommes, attaché à eux, intelligent et posé, qui ne fait pas de cinéma, mais fait son travail honnêtement ; en face, le Gars, un jeune émigré arrivé d'Angleterre pour mener des troupes disparates, un idéaliste plein de courage, de panache. Les Chouans ont l'avantage du terrain, et mènent une sorte de guerilla, se reconnaissant au fameux hululement de la chouette, signal qui leur donne leur nom ("chuin"). Au milieu de la mêlée ne tarde pas à arriver Marie de Verneuil, une espionne envoyée pour séduire puis trahir le Gars.

Ajoutez à cela une femme qui vit dans l'entourage du marquis de Montauran et fait les quatre cents coups avec lui, Madame du Gua, surnommée "la Grande Garce", se faisant parfois passer pour sa mère, mais dont la possessivité ne trompe pas. Dépitée qu'il soit attiré par Marie, qu'elle craint et méprise, elle n'a pas l'intention de laisser sa rivale l'emporter, d'autant plus qu'elle subodore une trahison. Mais Marie de Verneuil est un véritable ouragan, elle ne craint rien, brave mille dangers, jouant au chat et à la souris avec le Gars, sans qu'on sache, ni elle-même, si en définitive elle lui sera loyale. Elle est passionnée, menée par son caractère emporté, hautain - mais ils sont jeunes et le hasard les met en présence, les sépare, jusqu'à enflammer les coeurs et précipiter les événements.

Derrière eux, les Bleus et les Chouans vêtus de peaux de bique, mènent des batailles au sein de la rude géographie bretonne. Des scènes font vibrer les pages, qu'il s'agisse d'une messe dans un paysage fantastique de rochers abrupts, ou d'une réunion secrète dans un manoir délabré entouré d'étangs saumâtres, ou encore de pièces secrètes derrière un manteau de cheminée... Les personnages secondaires sont attachants, surprenants, hauts en couleur : ils ont leurs défauts et leurs qualités, sont grotesques ou héroïques, parfois les deux, comme les Chouans Marche-à-terre, Pille-Miche ou Galope-chopine. Balzac ne prend jamais parti, il nous montre des hommes durs qui avant tout défendent leurs terres, leur idée de la nation, leurs rites religieux.

Je ne parle même pas de la langue De Balzac, qui est sublime : c'est un peintre qui peut tout montrer, je n'ai jamais vu faire ça à ce point avec des mots. Même dans les descriptions j'étais captivée, par exemple les scènes autour de la ville de Fougère, avec le brouillard qui envahit tout, sur fond de feu de genêts, ou dans les champs barrés d'échaliers, petits et enclos, le siège de la chaumière de Galope-chopine dans une campagne figée par le givre... On parle des fameuses descriptions de 30 pages, qu'on ose ou non sauter, mais moi non, surtout pas : je veux me promener, habiter dans ses pages et tout regarder, humer autour de moi.

C'est presque un coup de coeur, comme chacune de ses oeuvres pourrait l'être, mais c'est aussi encore une préfiguration de l'auteur qu'il sera par la suite. Peut-être ai-je un peu moins aimé le fond militaire du récit, peut-être certains passages manquaient-ils de préparation, de justification psychologique, j'avais parfois l'impression de passer du coq à l'âne. Les virevoltes affectives de Marie m'agaçaient un peu, je n'arrivais pas toujours à la comprendre, elle a beaucoup d'orgueil et se dessert elle-même, comme elle met en danger ceux qu'elle aime. C'est toutefois un roman à la Walter Scott, plein d'effets aventureux, de rebondissements, je m'y suis bien laissée prendre.
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