Eugène rougit. Il faut avoir plus de vingt-cinq ans pour ne pas rougir en se voyant reprocher la bêtise d’une fidélité que les femmes raillent pour ne pas montrer combien elles en sont envieuses. Néanmoins il dit avec assez de sang froid : — Pourquoi pas, madame ?
Si l’homme le plus modeste conserve encore un petit fonds de fatuité dont il ne se dépouille pas plus que la femme ne se sépare de sa fatale coquetterie, qui pourrait blâmer Eugène de s’être alors dit en lui-même : — Quoi ! cette forteresse aussi ? Et il se posa dans sa cravate. Quoique les jeunes gens ne soient pas très-avares, ils aiment tous à mettre une tête de plus dans leur médaillier.
Eugène de Rastignac est un de ces jeunes gens très-sensés qui essaient de tout, et semblent tâter les hommes pour savoir ce que porte l’avenir. En attendant l’âge de l’ambition, il se moque de tout ; il a de la grâce et de l’originalité, deux qualités rares parce qu’elles s’excluent l’une l’autre.
Elle aura trente-six ans, époque de la vie où la plupart des femmes s’aperçoivent qu’elles sont dupes des lois sociales.
M. De Listomère se saisit de La Gazette de France, qu’il aperçut dans un coin de la cheminée, et alla vers l’embrasure d’une fenêtre pour acquérir, le journaliste aidant, une opinion à lui sur l’état de la France
À deux heures du matin, madame de Listomère, qui n’était restée que pour accabler Eugène de sa froideur, l’avait attendu vainement. Un homme d’esprit, Stendhal, a eu la bizarre idée de nommer cristallisation le travail que la pensée de la marquise fit avant, pendant et après cette soirée.
Ô cher ange d’amour, trésor de vie et de bonheur ! À ces mots, la marquise allait jeter la lettre au feu ; mais il lui passa par la tête une fantaisie que toute femme vertueuse comprendra merveilleusement, et qui était de voir comment un homme qui débutait ainsi pouvait finir.
Il ne tisonna même pas. Faute immense ! N’est-ce pas un plaisir bien vif que de tracasser le feu quand on pense aux femmes ?
Le lendemain matin Rastignac se réveilla tard, resta dans son lit, où il se livra sans doute à quelques-unes de ces rêveries matinales pendant lesquelles un jeune homme se glisse comme un sylphe sous plus d’une courtine de soie, de cachemire ou de coton.
il est passionné et se moque des passions ; il a du talent et il le cache ; il fait le savant avec les aristocrates et fait de l’aristocratie avec les savants. Eugène de Rastignac est un de ces jeunes gens très-sensés qui essaient de tout, et semblent tâter les hommes pour savoir ce que porte l’avenir.