Voyage en terre... familière : j'ai lu avec curiosité et sans déplaisir le livre de
Vanessa Bamberger qui déroule son menu roboratif construit comme un repas de noces ou plutôt, en l'occurrence, d'enterrement ,- des hors d'oeuvres aux entremets- , pour raconter une saga familiale sur fond de crise de l'élevage, entre quatre villages haut perchés de mon Aubrac bien aimé: Lacalm, Laguiole, Saint Urcize et Nasbinals.
L'auteur sait "documenter" un sujet et s'organiser pour que rien de cette manne récoltée par elle ne soit perdu pour le lecteur! Un vrai dépliant touristique, assez habilement habillé en roman. Pourtant, je n'y ai pas appris grand chose, si ce n'est l'étymologie du nom, Aubrac, cet
alto braco qui signifie non pas le haut lieu mais la haute tourbière...
Un vrai roman de crises, aucune ne manque : de la crise identitaire de Brune Alazard, la parigote, petite- fille de bistrotier parisien, et descendante d'éleveurs aveyronnais, en mal de racines, de pays natal et de ( secrets de ) famille, à la crise de la viande sur fond de malbouffe et de vache folle, en passant par la crise des campagnes pas aussi déshéritées ni désertifiées qu'elles en ont l'air, et la crise de la capitale- proclamée- inhabitable... mais si addictive que Brune n'arrête pas d'osciller entre l' Aveyron et Paris comme un pendule irrésolu!
La problématique de l'élevage et celle qui lui est étroitement liée, la consommation de viande, n'est pas abordée , ici, de façon révolutionnaire: ni bio, ni intensif, l'élevage se doit d'être de qualité, tant dans le choix des bêtes que dans leur élevage proprement dit.
Étables de taille humaine, races authentiques, fourrage naturel, estives de luxe au milieu des fleurs, veaux sous la mère, engraissement sur place et abattage intra muros: autrement dit , d'un bout à l'autre de la chaîne, responsabilité et familiarité. Style : "J'ai bien connu la vache dans votre assiette"!
Le tour du pays, de ses us et coutumes , quoiqu'assez appuyé et exhaustif , ne manque pas de sel, la question de la viande, elle , ne manque pas d'à propos ( à moins que ce ne soit l'inverse!) ...mais les relations familiales et les secrets de famille, l'alibi romanesque, sont si banals, si inutilement complexifiés qu'ils m'ont proprement rasée, et ont encombré cette lecture didactique qui n'avait pas besoin de cet enrobage romanesque en kit pour se laisser lire.
Vous dirais-je le fond de ma pensée?
Quand il s'agit d'Aubrac, je préfère à toutes les documentations de parisienne ayant fait sciences Po', quelques lignes des
Carnets du Grand chemin de mon cher
Julien Gracq qui, tout agrégé de géographie qu'il est, ne fait jamais sentir son érudition mais , pour chanter le paysage, et le plateau d'Aubrac en particulier, sait y puiser ses images les plus fortes, en distiller la poésie la plus secrète.
C'est ce qui m'a le plus manqué dans cette lecture.
Les images et la poésie.
Autrement dit , l'essence même de mon Aubrac bien-aimé.