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Critique de Agneslitdansonlit


On ne ressort pas indemne de cette lecture.
Parce que c'est un drame humain. Parce que, bien que fictionnel à priori, c'est un drame malheureusement réaliste. Et parce que la société dans laquelle nous vivons pose tous les jalons d'un tel gâchis.

Vanessa Bamberger déroule un récit à deux voix. Celle de Roxanne, lycéenne de 17 ans. Et celle de François, médecin expérimenté. Leurs narrations respectives interviennent à deux ans d'écart.

C'est tout d'abord celle de Roxanne, rythmée, presque slamée, avec un langage propre à sa génération, qui raconte son quotidien. Tout n'y est que pression et obligation de performance et d'apparence Ses parents divorcés maintiennent une pression constante afin que ses résultats scolaires soient brillants. Ses profs, pour certains humiliants, pratiquent l'élitisme à outrance. Point de salut en dehors de la sacro sainte prépa.
Quant aux relations avec les autres élèves, et accessoirement amis, la moindre faille, le plus petit faux pas est monté en épingle et provoque moquerie et mise à l'écart sociale. Les amours sont bégayantes, et la plupart du temps, si on passe par la case sexualité, c'est plus pour gagner en popularité que par sentiment amoureux. Quant aux amitiés, elles sont fluctuantes, loin d'être un rempart contre les soucis ou un vrai réconfort.

On est loin du tableau idyllique d'une jeunesse dorée, biberonnée à la XBox et au smart phone.

Et comme si l'état des lieux de cette jeunesse sommée de "réussir" n'était pas encore assez déplorable, l'ultime affront à la légèreté et l'insouciance, qui devraient être l'apanage de cet âge, survient sous la forme d'une crise d'acné. À l'âge des complexes, ce n'est pas un petit désagrément anodin. D'autant plus quand votre propre père vous exige non seulement brillante scolairement, mais aussi jolie.

Cet engrenage d'obligation de réussir, combinée à la peur du regard des autres fait se focaliser Roxanne sur son acné, sûrement car elle pense pouvoir juguler au moins ce problème-là, contrairement à tout le reste, tellement écrasant...
Roxanne se fera prescrire un traitement anti-acnéique, contenant de l'isotrétioïde, mais qui n'est pas sans effet secondaire.
Chronique d'un naufrage annoncé.

Le recit de François interviendra donc deux ans après. Malgré lui, cet homme aura un rôle à jouer. Il ne fera qu'ajouter la dernière pièce sur un échiquier déjà bien ordonné. Son point de vue, exprimé à la 3ème personne, constitue en réalité la seule voix vraiment adulte de ce drame.

En effet, l'auteur ne juge jamais les parents, mais il devient difficile au lecteur de ne pas le faire. Roxanne dérive entre une mère anxieuse, souvent absente attendant de cette enfant parfaite qu'elle se débrouille seule, et qui a déjà bien du mal à s'assumer elle-même et un père, à distance depuis le divorce, mais toujours assez proche néanmoins pour dispenser à Roxanne ses injonctions d'être une enfant parfaite, continuum et vitrine de sa propre réussite à lui. L'égoïsme des adultes est saisissant, leur absence de repères et de valeurs indécente : ils exigent beaucoup mais offrent peu. Où est leur amour ?
Ils se font finalement le relais d'une société où l'individu n'est défini que par ses performances, alors qu'ils devraient en être le paratonnerre. Et Vanessa Bamberger prête cette réflexion terrible à Roxanne :
"Notre adolescence porte au paroxysme les maux de votre société déliquescente. Société de la perfection individuelle, société de la peur, de la comparaison, pas assez de place pour tout le monde, bientôt la fin du monde. entre-temps vous reproduisez les élites comme à l'usine, sur le même modèle, avec élimination des pièces défectueuses, pour ne pas ralentir la machine. C'est pour ça que toutes nos phrases commencent par moi je. Au sommet de la pyramide il n'y en aura qu'un."

Je n'ai plus 17 ans depuis un moment, et les références musicales m'étaient inconnues, le vocabulaire, spécifique à cette jeunesse, impénétrable, comme une volonté finalement de ne pas utiliser le même code de communication que cette société peu engageante. Malgré mes deux fois et demi 17 ans, comment ne pas être en empathie avec Roxanne. Ce roman m'interpelle en tant qu'adulte et bien évidemment en tant que maman. Un roman lanceur d'alerte.
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