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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Principe de Suspension, 33 chapitres aux titres de "suspension" et de "principe", déclinés dans leurs différents sens, qu'on s'amuse à en déchiffrer le sens par rapport au texte.
Normandie, la région du Hayeux, les usines désaffectées pourrissent lentement,dans le silence d'une campagne fantôme.
Un couple encore jeune, Thomas et Olivia, quinze ans de mariage, un couple en suspension*.
Thomas, "workaholic", patron d'une PME, fabrique des systèmes d'inhalation médicamenteux en matière plastique pour asthmatique, avec comme unique client un gros laboratoire du coin. Or ce dernier a des sérieux problèmes .....licenciement, délocalisation.....Bref rien de brillant en perspective. La crise des années 2008, la mondialisation......
Olivia, artiste-peintre mal reconnue, mal dans sa peau, mal dans sa famille, mal dans son couple, bref mal dans sa vie.
Vous avez compris, les choses ne vont pas fort.....et....Thomas tombe dans le coma à la suite d'une détresse respiratoire, ironie du sort, elle-même provoquée par une crise d'asthme non traitée, suspendu entre la vie et la mort....
L'originalité de ce premier roman vient de sa construction, une construction mécanique. Alternant le temps suspendu suite au silence de Thomas avec le passé proche où l'auteur nous remonte le temps.... où le temps reste toujours suspendu. Cette suspension est la force motrice, qui nous fait lire ce livre comme un thriller, jusqu'à ce que le passé rattrape le présent.
Est-ce-que Thomas va se réveiller ?
Est-ce-que le PME va pouvoir être sauver ?
Et quel sort pour le couple en suspension ?
Tout est en suspension.....mais on a beau s'agiter, tout finit par retomber à la fin......
Rien, non rien ne peut rester éternellement en suspension.

Un premier roman très réussi.

* "Le couple est une suspension. Un médicament. Un équilibre hétérogène. La dispersion d'un solide insoluble dans un milieu liquide ou gazeux. Au début, les particules restent en suspension. La stabilité est garantie. Mais avec le temps, il faut agiter le médicament pour le préserver. Sinon les particules précipitent au fond du flacon, et se séparent."



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"Car on avait beau s'agiter, tout finissait par retomber à la fin, par précipiter. Rien, non rien ne pouvait rester éternellement en suspension".

Rassurez-vous, nul besoin de vous replonger dans vos cours de chimie pour apprécier ce premier roman à la construction subtile et au propos vraiment très actuel. Je l'ai littéralement dévoré, à la fois happée par l'intrigue et surtout impressionnée par la tenue de l'ensemble. Et c'est donc celui-ci que j'ai choisi pour le coup d'envoi de la saison côté premiers romans. En espérant qu'il ne restera pas en suspension sur les tables des librairies mais volera vers de nombreux lecteurs séduits comme moi par cette autopsie d'un couple soumis à des forces pas toujours contrôlées.

Lorsque nous faisons la connaissance de Thomas Masson, il est allongé dans une chambre d'hôpital, veillé par sa femme, Olivia. Une violente crise d'asthme non diagnostiquée l'a plongé dans le coma, en état d'insuffisance respiratoire. Ironie du sort, Thomas dirige une PMI qui fabrique des embouts plastiques pour un laboratoire pharmaceutique spécialisé dans les inhalateurs pour asthmatiques... Dans une région de l'ouest de la France transformée au fil des ans en désert industriel, Thomas a racheté cette entreprise quelques années auparavant, sauvé les 37 emplois menacés par la fermeture envisagée. Depuis, il joue son rôle de petit patron, oscillant entre paternalisme et soucis de rentabilité face aux contraintes économiques de plus en plus fortes.

Avec cet accident, le temps est soudain suspendu. Près de lui, Olivia, artiste peintre sans réelle surface s'interroge sur leur vie, leur relation, leur famille. Et tandis que le lecteur se voit proposer de remonter le temps, quelques jours en arrière pour tenter de comprendre ce qui a pu se passer, l'alternance entre présent et passé dessine peu à peu le portrait d'un petit patron amoureux des machines mais soumis à une pression permanente, et celui d'un couple construit sur des failles. Entièrement dévoué à son entreprise, Thomas délaisse sa femme et ses enfants sans vraiment s'en rendre compte. Dans sa bataille permanente pour maintenir à flots une entreprise dangereusement dépendante d'un seul gros client, son implication très personnelle l'expose à des chocs bien trop violents et à un manque de clairvoyance qui pourraient lui être fatals.

Ce roman est une belle déclaration d'amour aux petites industries, dernières étincelles de vie dans certaines régions et à leurs dirigeants, derniers héros des temps modernes. Il nous plonge dans les conséquences bien réelles de la violence de l'environnement économique et nous propose d'explorer les faces cachées de chacun de ceux dont on ne connaît qu'un seul rôle (patron, épouse, collaborateur, ami...) mais qui sont tous des individus constitués de plusieurs facettes. Il pose la question de ce que l'on doit aux autres, de la difficulté de trouver sa propre vérité et la juste distance face aux pressions et influences extérieures. Il explore également cette curiosité chimique qu'est le couple, constitué de deux éléments qui a priori ne se mélangent pas, faits de culpabilité, de drames et de deuils de l'enfance. Pour Olivia, ce couple est un refuge dont elle est devenue prisonnière et cette épreuve, une opportunité de s'assumer et de se réaliser peut-être enfin... "Plus tard, quand elle repenserait à ce moment, elle comprendrait. C'était l'instant où elle s'était choisie elle-même".

Et si la vie était une question d'alchimies ? Vanessa Bamberger nous offre ici une démonstration aussi originale que convaincante, ainsi que quelques clés de compréhension pour agir dans un environnement hostile. Que l'on soit un Thomas ou une Olivia, l'empathie est forte vis à vis de ces êtres qui tentent d'y voir clair et d'oeuvrer au mieux. Faites-donc un petit tour en leur compagnie, vous ne le regretterez pas
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Au moment où s'ouvre ce premier roman d'une actualité brûlante en cette année électorale, Olivia est dans la chambre d'un service de réanimation, au chevet de son mari. « Thomas est tombé dans le coma à la suite d'une détresse respiratoire, elle-même provoquée par une crise d'asthme non traitée, récapitule-t-elle pour la centième fois. Elle ne comprend pas ce qui s'est passé. Thomas toussait, d'accord. Mais il n'a jamais eu d'asthme de sa vie. Elle le saurait. » Ce drame répond à un première définition de ce principe de suspension qui accompagnera le lecteur tout au long du livre. le temps semble en effet suspendu… L'occasion de revenir quelques jours en arrière, de faire à nouveau défiler les jours. de retrouver ce chef d'entreprise de quarante ans, sa femme et ses deux enfants quinze jours plus tôt, au moment où il s'apprête à prendre quelques jours de vacances. « Elle avait fini par le convaincre de l'accompagner quelques jours dans les montagnes jurassiennes de son enfance, au hameau de Boisvillard. Elle avait usé d'une profusion d'arguments. Pourquoi ne pas profiter des vacances des garçons, c'était justement leur anniversaire de mariage, quinze ans, cela faisait si longtemps qu'ils n'étaient pas partis tous les quatre, les enfants avaient besoin de voir leur père, le chalet était en ordre, tout était prêt, il avait neigé, il fallait que Thomas se repose, il était si nerveux, si agité… »
Un stress bien compréhensible, car l'entreprise qu'il a fondée et qui fabrique – ironie de l'histoire – des pièces pour inhalateurs destinés aux asthmatiques est en danger. Après des débuts prometteurs et un contrat auprès d'un grand laboratoire, Thomas sent bien que la dépendance à un unique client est une épée de Damoclès sur sa tête et celle de ses 37 employés. Et de fait, le message d'Alain Hervouet, le président à vie du laboratoire HFL, ne lui laisse guère d'espoir. Ce que Viviane Forrester a appelé il y a quelques années L'Horreur économique va le frapper violemment : « Nous devons oublier un temps les asthmatiques pour nous concentrer sur les cancéreux, c'est inévitable, le générique nous bouffe, sans parler du coût du travail, l'inhalateur à chambre des Brésiliens marche très fort et nous ne savons pas faire les systèmes d'inhalation de poudre sèche des Allemands. Bref, il laissait un an à Packinter. Vous allez devoir baisser vos prix, moi je dois réduire mon carnet de commandes. »
Seulement Thomas est un battant doublé d'un patron proche de ses employés. S'il n'a pas anticipé la chute de sa production face à la concurrence étrangère aux coûts de production beaucoup plus bas, il peut compter sur Loïc Rodier, son directeur Recherche & Développement. Ce dernier a déposé un nouveau brevet. « Ce serait un inhalateur révolutionnaire, ils seraient les seuls à la fabriquer, son usine ne dépendrait plus du laboratoire, de cette ordure d'Alain Hervouet. » Mais quand il prend la route du Jura, rien n'est encore réglé. Ni à l'usine, ni au sein de son couple. Car il a l'impression de porter sa famille à bout de bras, en veut à son épouse artiste-peintre de ne pas travailler davantage, de ne pas chercher de galerie susceptible d'exposer ses oeuvres, de traîner au lit. Leur entente s'est dégradée au fil du temps, proche d'un point de non-retour. Mais s'en rend-t-il vraiment compte ? Ne calque-t-il pas ses règles d'entrepreneur sur sa vie familiale quand il affirme que dans la vie, il fallait avancer «pas regarder en arrière et encore moins se regarder soi-même.»
Vanessa Bamberger réussit, par touches subtiles, à imbriquer les deux histoires.
En mêlant le récit de l'évolution du coma de Thomas et l'attente angoissée d'un réveil qui n'arrive pas à celui de cette bataille pour sauver son usine, elle ferre son lecteur, lui aussi suspendu aux épisodes successifs qui font tour à tour souffler le chaud et le froid, l'espoir d'une sortie de crise face à la peur d'une fin programmée.
Face aux coups du destin, on aimerait voir Thomas triompher, lui qui ne peut « se résoudre à la fragilisation de la filière, au délitement du Hayeux, au déclin de l'Ouest. » Après Brillante de Stéphanie Dupays qui dépeignait l'univers impitoyable des multinationales, voici à nouveau l'économie au coeur d'un roman tout aussi impitoyable. Une lecture que l'on conseillera à tous les candidats aux législatives qui arrivent. Ils pourront ainsi toucher du doigt la réalité économique de leur circonscription. Une lecture que l'on conseillera aussi aux électeurs, car il éclairera aussi leur choix.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Premier roman très abouti
L'industrie française décrite comme jamais : la réalité de la vie d'un patron confronté aux délocalisations, la concurrence, les syndicats, la faillite est très violente.
Ecriture rythmée : le quotidien de Thomas en alternance avec celui d'Olivia son épouse m'ont emportée, impossible de quitter ce livre que je recommande vivement.
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C'est une histoire tristement banale : un homme plongé dans le coma, sous respirateur mécanique et sa femme à ses côtés. Dans un contexte tristement banal : une usine qui va sans doute fermer, dans une région frappée par le chômage, en raison de la défection d'un client qui passe commande ailleurs.
Mondialisation, surcoûts de production en France, délocalisations, concurrence de l'Est de l'Europe.
Un patron au bord de la faillite qui se retrouve sous assistance respiratoire.

Allons-nous mourir d'ennui, sombrer dans la mélancolie, vite refermer le livre ? Non : car le patron, c'est Thomas, exemplaire de ce patronat social qui ne vise pas à l'enrichissement à tout prix et surtout au détriment de ses employés. A l'écoute, partisan de la négociation plutôt que du coup de force, préférant sauver des emplois plutôt que de recourir à un plan social.

Le patient plongé dans le coma, c'est encore Thomas. Sa vie est restée en suspens après un choc émotionnel, après la diminution progressive d'oxygène dans sa gestion d'entreprise. Il y a quelque chose de dérisoire à être victime d'une crise d’asthme carabinée quand on est fabricant d'inhalateurs pour ...asthmatiques !

Et tout le livre consiste à faire la navette entre deux lieux, deux moments, deux époques : la chambre d'hôpital, théâtre d'aujourd'hui avec pour rôles principaux Olivia, l'épouse, affreusement lucide mais déterminée à vivre, Muriel, la mère pleurnicheuse et immature (à 70 ans, s'habiller en Minnie Mouse!) qui a littéralement « étouffé » son fils, et Rémi, l'infirmier plein d'empathie qui aide de son mieux ; l'usine, avec son directeur, son responsable Recherche et Développement qui, paraît-il a trouvé la solution miracle pour sauver l'usine et finit par passer à la concurrence, les syndicalistes, chacun dans son rôle.

Il y a quelque chose d'amusant dans l'intitulé de chaque chapitre, à savoir les multiples définitions des mots « principe » et « suspension », théorie selon laquelle un couple (ou tout autre association humaine) ne tiendrait que si les éléments qui le constituent restent en suspens ; dès que l'un d'eux « précipite », il y a calcification, solidification, que sais-je, bref, c'est la fin de l'état de grâce. On n'aurait pas imaginé que le champ sémantique de ces deux mots soit si vaste !

Voilà de quoi faire un film, une série télévisée, je ne sais pas, mais il y a de la matière ! Émotions, action, problèmes sociétaux, les ingrédients sont là. Ce roman, premier roman de Vanessa Bamberger ne manque ni de souffle ni d'air frais, et c'est une asthmatico-BPCO qui vous le dit !

Pour info : la BPCO, c'est, comme le dit l'auteure, le nouveau nom de la bronchite chronique, celle qui fait vendre des inhalateurs chers et remplit les caisses des laboratoires pharmaceutiques... (dixit l'auteure, pas moi, bien sûr. Quoique...)

Merci aux 68 14ères fois pour m'avoir fait lire un roman sur un thème que je connais et pratique depuis...longtemps !
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Principe de suspension
Vanessa Bamberger



Roman social. L'actualité économique liée à la désindustrialisation,
Et, en parallèle, la dissolution du couple .
Les deux mots du titre sont exploités suivant leurs nombreuses définitions,
Chacune d'elles en tête de chapitre.
« Suspension » : Thomas, « avant », jeune patron de quarante ans qui a racheté une entreprise en faillite en Normandie, sauvant ainsi les trente-sept salariés du chômage. Dans un environnement sinistré, cimetière d'usines.
Oui MAIS : il n'a qu'un seul client. Essentiel .

« Principe » : Thomas en réanimation, intubé, branché à une machine respiratoire. Inerte.
Sa femme le veille, pense à l'homme qu'il était : débordé, impatient, désagréable parfois.
Thomas qui n'a pas su être un père.

Ce livre est tristement d'actualité : la mondialisation, le désert industriel.
Mais, comme tout roman, il a sa part de fiction qui en allège le poids.
J'ai aimé et partagé l'humanité des protagonistes. Thomas se veut « un bon patron » mais ne se sent pas suffisamment reconnu. Il n'a pas l'envergure du Chef, se laisse dominer par son ressenti personnel.
J'en ai aimé la construction, l'écriture maîtrisée .

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Récit choral autour d'une multiplicité de faits économiques, sociaux et humains propres à notre époque parfaitement rendus dans un style, un rythme clair et bien enlevé.

Autour d'un personnage central, en la personne de Thomas, à la fois entrepreneur volontaire mais se voulant aussi pourvu d'un certaine fibre sociale et si humain. Au coeur d'une région déjà très sinistrée d'un point de vue économique, Thomas, après une carrière réussie dans les banques, pourvu d'une femme qu'il appréhende mal, de deux enfants qu'il n'a pas vu grandir, à l'historique parental délicat et avec ses propres drames intimes, va se trouver confronter à ce qu'il appréhende le moins ; les trahisons. Sur une période définie, c'est son histoire, ses interrogations, ses failles que le lecteur découvre au fur et à mesure par son récit mais aussi par ses très proches. A la fois critique sociétale, sociale et humaine, la galerie des portraits à laquelle nous sommes confrontés est tout en nuances, en subtilités mais aussi violente et implacable. C'est ce que va comprendre dans sa chair, dans son esprit et dans la mise en danger de son entreprise, le malheureux Thomas, sorte d'anti-héros moderne.

Un livre manifeste, prenant, parfait reflet de l'époque de crise morale et entrepreneuriale dans laquelle nous sommes. Les personnages sont parfaitement rendus, sans excès mais dans la juste mesure de leur rôle et leur spécificité. Un mode d'emploi pour se repérer dans une société qui en manque.

Merci pour cette découverte.
Lien : http://passiondelecteur.over..
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« Dans la chambre de réanimation du Centre hospitalier de Cambregy, l'air est rare et poisseux… Thomas est étendu sur le lit médicalisé, son long corps est recouvert d'un drap jusqu'aux aisselles. »
Cet homme couché, est dans le coma, relié à un respirateur. Sa vie est suspendue à ce tube. Olivia, sa femme, le veille, elle dont la vie est suspendue à celle de son mari.

Thomas, marié, père de famille, lâche un bon boulot pour racheter une petite entreprise. le voici sous-traitant unique d'une entreprise de respirateurs artificiels française (l'ironie du sort) qui choisit de délocaliser en Europe de l'Est. Sa PME se trouve acculée à la fermeture. Thomas, victime d'un malaise, est entre la vie et la mort, physiquement et socialement.

Thomas, en rachetant cette entreprise avait un idéal
« Thomas était persuadé que son optimiste pouvait se communiquer, il voulait changer les mentalités, redonner aux opérateurs leur fierté, il suffisait d'avoir de bonnes machines, croyait-il, les plus performantes, les plus innovantes. ».
Il a mis sa confiance, s'est presque rendu pieds et poings liés à Loïc Rodier, beau parleur qui lui a vendu de l'espoir, du mirifique, du vent. César Gomez, le contremaître, « organisé, précis, posé, peu impressionnable » en conçoit quelque jalousie, mais l'amour de la boîte est le plus fort. Il reste, solide, aux côtés du patron.
Il a fait le mauvais choix en engageant Rodier et en ne diversifiant pas ses activités, ses clients
« Thomas n'avait pas cherché d'autres clients : il n'en avait pas eu besoin, puisque l'aérosol du laboratoire français se vendait si bien. »
HFL, son client licenciant ses propres employés, il va devoir faire de même et se sent un mauvais patron, se sent fautif.
«Dans ce pays, tous les patrons étaient des coupables potentiels. A force d'être pointé du doigt, on finissait par se sentir fautif.»
Thomas aime l'industrie, les machines.
« Thomas croyait à la performance de la machine créée par l'homme, à l'homme couplé à sa machine. On les détestait, on les méprisait de nos ours, les machines industrielles et leurs vieux opérateurs. C'est ce qui rendait vraiment malheureux les ouvriers de l'Ouest, encore plus que leur mauvaise paye et la menaces du chômage. Les nouveaux arrivants, plus jeunes, les contemplaient avec mépris. Comment acceptaient-ils ces conditions de travail, pour ce salaire de misère ? Oui, le métier était épuisant, le travail en équipe, les trois-huit, tous les quatre jours il fallait changer de cycle, deux nuits deux matins deux après-midi –les patrons étaient intransigeants sur la ponctualité comme à l'armée-, au bout de vingt ans les types étaient cramés, la machine les avait fait vieillir à grande vitesse quant elle ne leur avait pas cassé le dos, les mains. »
Un paragraphe réaliste qui décrit très bien la vie des ouvriers qui, même s'ils râlent, sont très attachés à leur machine et leur boulot.
Un patron, maintenant, ne peut plus être paternaliste. César le confirme
« Tu veux sauver des gens, des emplois ? Tu veux être un bon patron ? T'es pas dabs l'humanitaire, t'es pas assistante sociale ! Qu'est-ce que ça peut faire que tu sois un chc type si tu plantes ta boîte ? de toute façon, il n'y en a pas un seul ici qui est reconnaissant des efforts que tu fais. »
Toutes ces petites PME, sous-traitantes uniques de grands groupes se font sucer, laminer. Toujours moins chers, plus vite, en flux tendu, à payer sous quatre-vingt-dix jours au lieu des soixante … Jusqu'au jour où ils s'enfuient vers l'Eldorado de l'Est ou d'ailleurs. C'est la vie quotidienne de Thomas. En tant que patron, il travaille beaucoup et plus il travaille, plus il est seul, La fuite dans le travail.
Olivia, sa femme, le veille, elle dont la vie est suspendue à celle de son mari, en suspension de sa propre vie, peintre sans exposition, même pas dilettante.
« A son avis, elle ne travaillait pas assez. La réussite, c'était dix pour cent de talent et quatre vingt dix pour cent d'effort ».
Petit à petit, elle fait le bilan de sa propre vie. le coma de Thomas lui a permis de faire un travail sur elle-même
« Thomas ne parle jamais de son travail non plus, il a besoin de se changer les idées. Olivia respecte cette décision même si elle aimerait en savoir davantage. Parce que cela l'intéresse. Parce que cela leur ferait un sujet de conversation, à table.
Un roman très bien construit où l'alternance entre l'hôpital, la vie privée, la vie de et dans l'entreprise donne du corps à la trame psychologique. Thomas et Olivia, comme tout un chacun sont faits de glaise, structures non linéaires que l'épreuve changera, mais je vous laisse le plaisir de la découverte.
Un très bon premier roman sur un patron de PME. C'est un milieu que je connais un peu ; la solitude du patron, les difficultés des ouvriers, la dureté du travail, la saleté, le bruit, la petite paye …
«Chaque mois, Thomas signait les nombreuses demandes d'acompte sursalaire de ses employés.»
Un livre fort bien écrit, réaliste, avec de très belles tournures de phrases. Un très bon premier roman au ton juste lu dans le cadre des 68 premières fois

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Décidément, je trouve cette rentrée littéraire de Janvier 2017 très riche en premiers romans de qualité et ce n'est pas "Principe de suspension" de Vanessa Bamberger qui me fera changer d'avis.

Le roman débute dans une chambre d'hôpital. Thomas, une quarantaine d'années, y a été admis dans le service de réanimation, victime d'un coma lié à une crise d'asthme. Il est patron d'une PME de trente-sept ouvriers, "Packinter", spécialisée dans la fabrication d'embouts en plastique pour inhalateur, un comble. Il a pour seul client HFL, un laboratoire voisin. Thomas a une femme, Olivia, artiste peintre, et deux fils.

A titre original, roman original. Par petits chapitres tous précédés d'une définition des mots "Principe" ou "Suspension", l'auteur alterne entre présent, la chambre d'hôpital, et passé, les événements qui y ont amené le personnage principal. Elle nous raconte l'histoire oscillant entre le personnel et le professionnel. Tout semble suspendu… déjà avant "Thomas comparait le psychisme humain à une suspension médicamenteuse, comme celles qui remplissaient les flacons fabriqués par Packinter". Olivia est suspendue au souffle de son mari, et lui à celui des machines qui lui permettent de vivre. Les ouvriers sont suspendus au carnet de commande qui maintiendra leur travail, et leurs acheteurs au coût de la main d'oeuvre. Tout est duel aussi dans cette région de l'ouest où se côtoient la tristesse des usines désaffectées pour un grand nombre et la beauté de la côte, de la mer et des plages sans fin. Et tous souffrent d'un manque de reconnaissance : le patron de la part de ses ouvriers, mais les ouvriers aussi de la part de leur hiérarchie… "Ce qui leur manquait, à tous ici, quels que soient leur place et leur salaire : la reconnaissance. Il n'y avait plus la moindre fierté à travailler dans l'industrie en France, patron ou pas." Sans compter Olivia qui ne se sent en rien reconnue par son mari.

J'ai beaucoup aimé l'écriture limpide, fluide et mesurée de Vanessa Bamberger. Elle illumine le portrait juste et touchant d'un "petit patron" qui n'a pour seul objectif que de rendre ses ouvriers heureux, mais qui se trouve lentement englouti par la désindustrialisation de sa région, la mondialisation, l'appât du gain qui pousse à délocaliser. Elle éclaire aussi celui d'un homme confronté aux difficultés de la vie de couple. L'auteur, avec finesse, nous explique que tout, finalement, n'est qu'une question d'alchimie.

Véritable plongée dans la vie d'un couple et de ses angoisses, bel hommage aux patrons de PME, étude captivante de la loi des marchés, de la désertification de certaines zones industrielles et de la vie stressante des ouvriers d'usine, la lecture de ce "Principe de Suspension" fut pour moi un réel moment de plaisir. Et si la fin démontre à quel point il faut agiter une suspension pour en garantir la stabilité, on comprend aussi que la vie suit souvent le principe des vases communicants.
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Encore un livre sur la crise, les délocalisations en masse et les patrons qui délaissent leurs salariés ? Oui, mais pas seulement. A travers l'histoire de Thomas, patron dont la bienveillance sera vite rattrapée par la réalité économique et qui va se retrouver littéralement asphyxié par ses problèmes, la journaliste Vanessa Bamberger s'empare certes d'un sujet très actuel et largement disséqué à foison dans les médias. Mais elle parvient également à injecter une bonne dose de mélancolie dans son écriture, ce qui rend les personnages particulièrement attachants. On suit avec douceur les aller-retours dans le temps, les conséquences de l'événement sur l'entourage du héros, l'auteur établit ainsi un très beau parallèle entre deux trajectoires malmenées, avec une minutie captivante dans les descriptions et un sens de l'empathie incroyable.
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