Petit bruit, pluie.
Cavalerie fourmi
chuchote à minces pattes avec les feuilles.
L’après-midi n’est pas augurale
mais pareille à tant d’autres.
Nous aimons sa simplicité.
Dans les vitres s’inscrivent nos visages
un peu flous
comme si nous voulions dérober le paysage
et le transporter pour toujours dans notre maison.
Il nous laisserait vivre en lui, sans histoire.
Nous serions des stratèges en gouttes et brindilles,
nous préserverions une paix
Quand la respiration difficile du réveil
aura cessé de m’agacer,
quand j’aurai vécu ma dernière nuit de femme,
je plongerai dans l’univers multiple,
j’intégrerai telle espèce animale, telle herbe,
puis telle autre.
Puis ce sera la disparition dernière du vivant.
Cher sire aimé, nous n’irons plus vers la douceur de vivre,
mais vers l’incertitude.
Des chercheurs, des savants, exhiberont quelques
fragments de nous
Et puis, et puis, ces fragments eux-mêmes auront disparu.
Des millions d’années ensuite, quelqu’un se demandera
si la vie avait existé vraiment, sur cette planète désormais
inatteignable
CHEMINS
Une distance se défait
Entre nous et les choses du crépuscule
Laine, étoffes, soleil rapide,
Papiers de savoir, sur quoi deux grenades rougissent.
Derniers éclats
Nous nous y attachons comme à la trace
Au fond de l'il des morts
D'un probable assassin: leur existence usée
Qui ne pouvait plus attendre derrière la porte.
Il fait nuit sans hâte. L'invisible
Investit nos mains. Nous visitons en nous
Les chemins compliqués du sang, ce pays second
Proche des questionnaires sur les fables.
Syntaxe difficile de ce monde
avec toutes les actualités de l’habitude,
incendies, attentats, tornades,
exilés, offensés, meurtriers éclatants.
Tout va comme si la terre profonde
se révoltait contre l’idée d’un dieu singulier ou pluriel
comme si
la terre
haletait d’impuissance
un très, très peu d’amour
mendie et rôde
surpris
de sa propre survie.
Beaux délices dissimulés
comme lécher le sucre d’un biscuit
gratter de l’ongle un savon odorant
lire un poème
par hasard
dans une revue ouverte en catimini.
On prend revanche, si mince soit-elle,
de tant de mauvaises minutes
qui nous ont menacés, détournés,
revanche qui nous lie d’un élan partagé
avec les conquérants et les grands séducteurs.
Une compilation des émissions « Poésie sur parole », par André Velter, diffusées du 30 septembre au 5 octobre 1991. Invitée : la poétesse en personne. Lecture : Maud Rayer et Francine Berger.