Tout à l’heure, je ne serai plus…
Tout à l’heure, je ne serai plus, tu ne seras plus.
La vraie douleur c’est que de jour en jour ce jour approche, mais ce qui persiste, c’est notre ignorance à son propos.
Demain, ou dans une semaine, un mois...
Et sous la terre des incroyants ne règne que le silence, ou peut-être le bruit d’une brisure par tel qui était un animal minuscule.
– Mais le « n’y sera plus » ne masque rien, car dans aucun langue, me semble-t-il, ce bruit n’existe.
Ah, serre-moi tant que tu peux, musicien. Tu as rempli de caresses mon existence qui s’en va.
Hors du plan
Extrait 2
Onze heures du matin, sans toi, septembre
Tout fait semblant
voitures dans la rue
créatures minces, araignées, insectes, sur le balcon.
La clef tourne, les œufs se cassent.
On peut même penser à Ulysse, au Talmud, à Venise.
La vérité, pourtant, c’est qu’on se tient
sur un rebord très approximatif des choses.
Pourtant l’amour…
Pourtant l’amour
se conforme à l’amour.
Il n’est couple d’oiseaux qui ne ressemble au nôtre.
Et du haut de leur toit, ils nous regardent
avec un rayonnement,
ils évoquent le temps où les bêtes parlaient,
leur parlaient à eux, les oiseaux,
tandis que se taisaient les hommes,
maintenant si bavards.
Il nous faudrait connaître le monde par leurs pépiements
si confidentiels à présent
que nous ne les déchiffrons pas.
Nous resterions assis sous leurs arbres,
et les écouterions comme les enfants
écoutent le maître.
Notre silence,
et la sûreté de leur pépiement
nous aiderait à vivre.
Mais gluante de gouttes…
Mais gluante de gouttes
quand la vitre
s’illumine au soleil
de vieux visages s’y accolent
dispersés jadis par la mort
aigus dans la lumière
ils nous adjurent en paroles
maintenant mises au présent des oiseaux
de les regarder
du plus près que nous pouvons
de poser nos doigts sur la fenêtre
à la place exacte de leurs bouches
pour qu’ils soient moins partis, moins défaits, sentent
cette chaleur de peau étrangère
qu’ils ne peuvent plus
caresser, embrasser.
Alors je nous sens provisoires.
Hors du plan
Extrait 4
Ne descends pas
plus profond
que la douleur
elle a des paliers où se reposer
parfois elle révèle une infime partie du corps, jusqu’alors
inconnue de toi
mais plus bas
c’est insaisissable.
Tu serais pris au piège
d’un grand claquoir
tu seras
aplati
annulé.
Prends garde.
Une compilation des émissions « Poésie sur parole », par André Velter, diffusées du 30 septembre au 5 octobre 1991. Invitée : la poétesse en personne. Lecture : Maud Rayer et Francine Berger.