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Critique de Foxfire


Deuxième recueil d'articles de Lester Bangs sorti en France après "Psychotic reactions et autres carburateurs flingués", "Fêtes sanglantes et mauvais goût" (ces titres !) est, comme toute compilation de textes, forcément inégal. Il est d'ailleurs difficile d'écrire une critique de ce genre de recueil qui soit structurée. Je livrerai donc mon ressenti de façon un peu pêle-mêle.

Si certains textes sont très anecdotiques et ne présentent pas de grand intérêt (tout en restant bien écrits), d'autres sont de franches réussites. Et ce, sur plusieurs niveaux.

Tout d'abord, certains textes n'évoquant que des aspects musicaux sont très intéressants et montrent l'érudition de Bangs en la matière. Les articles sur Miles Davis, Black Sabbath, Nico ou encore Patti Smith sont à ce titre remarquables, apportant des réflexions intelligentes et pertinentes sur le sens de la musique de ces artistes. Quant au portrait de Don van Vliet (alias Captain Beefheart), c'est un chef-d'oeuvre de sensibilité artistique et d'humilité. Tout en admettant ne pas comprendre l'homme (Don van Vliet semble vivre dans une autre galaxie, tant il est décalé), Bangs parvient à saisir et à transcrire l'essence de ce qui fait le génie de cet artiste.
Cette érudition et cette finesse d'analyse fait du bien. Et même lorsqu'il éreinte des artistes que l'on admire, on lit ses critiques sans colère. Même s'il y a parfois de la mauvaise foi, des jugements hâtifs, on les lit avec plaisir. On sourit même en voyant ses idoles ainsi maltraitées, parce que ce qui ressort de tous ces textes, c'est la passion. S'il est parfois injuste, parfois méchant, Bangs est surtout animé d'une passion pour la musique qui enflamme ses textes.

Certains textes, par exemple celui qui part de l'assassinat de Bob Kennedy pour évoquer la déliquescence de l'Amérique, montrent bien à quel point les articles de Bangs étaient bien plus que de simples écrits rock'n'roll. Bangs est un fin observateur de la société de son temps et ses articles se révèlent souvent porteurs de réflexions sociologiques intéressantes.

Bien sûr on lit Bangs pour sa finesse d'analyse et pour son érudition musicale, mais pas que. Si on aime le Lester Bangs sociologue et musicologue, on adore aussi le Lester Bangs méchant. Celui aux saillies vénéneuses, celui qui éreinte les idoles avec un sens de la formule savoureux. Je ne résiste pas à vous proposer un tout petit florilège de ses méchancetés :

- à propos de David Johansen (ex New York Dolls) : "en fait il a toujours été chic parce qu'il était funky et désormais... il commence à... ressembler... à... de la merde"

- à propos des Dead Kennedys : "Je crois que l'originalité et l'importance musicale véritable des DK peuvent être déduites d'une conversation, entendue en sortant, entre 4 de leurs fans, qui étaient absolument incapables de dire si le groupe avait ou non joué un de leurs hymnes favoris"

- à propos de Paul McCartney (en solo) : "McCartney fait de charmants fonds sonores pour boutiques branchées, bien résolu à se montrer aussi insignifiant que les Carpenters"

Le côté vachard de Bangs ne doit pas faire oublier son humanité et sa tendresse. Son article sur Ian Hunter est très émouvant et tristement à côté de la plaque (lorsqu'on sait ce qu'il est advenu de lui). Bangs dit de lui : "tu es né vieux, et vu l'allure que prennent les choses, un tas de ces jeunes pousses sur les murs à pin-up vont claquer alors que tu seras toujours là à te cuiter".

Certaines chroniques sont aussi l'occasion de découvertes musicales et aiguisent la curiosité. Connaissiez-vous les variations, groupe français aux influences maghrébines (notamment l'utilisation d'un oud, instrument traditionnel marocain) ? Ou les Wet Willie, groupe de l'Alabama composé de sympathiques péquenauds étonnamment timides en présence de groupies ?

Parmi tous les textes qui composent ce recueil, il y en a deux qui m'ont particulièrement plu. D'abord, cet article formidable sur la Jamaïque. A travers ce texte, Bangs brosse un portrait musical et social saisissant de l'île tout en étant un récit de voyage ludique. du journalisme gonzo de haute volée.
Le second texte qui m'a particulièrement touchée est celui sur Sid Vicious, en forme de coup de gueule contre la punk attitude, qu'elle soit factice ou non. Malgré son aspect critique acerbe, ce texte est sans doute le plus compatissant, le plus humanisant envers Sid. S'il le traite d'épave, de loque, Bangs ne se réjouit jamais ni de sa misérable existence, ni de sa mort.

Ce second recueil, comme le précédent, fait encore regretter que Bangs soit décédé avant de se frotter à l'écriture d'une fiction.

Challenge Variété 8 (catégorie "un livre qui ne soit pas de la fiction")
Challenge Musique 1
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