Doubles de Kilkenny

Henry, étudiant au coeur même de ce Collège de Kilkenny, -dont les origines historiques et l'emplacement possèdent le charme propre à nous conduire jusqu'aux confins de ce drame si intense et troublant,- est profondément amoureux de la douce et belle Anna. Dans cette Irlande du 19ème siècle, il l'initie à la croyance du « Fetch », laquelle suppose que lorsque le double d'une personne apparaît à qui que ce soit, tôt dans la journée, alors ladite personne verra son existence prolongée, alors que si cette apparition se fait de façon tardive, elle signe la mort très prochaine de son double terrestre…
Dans ce texte, il ne sera question que d' « apparitions tardives », et lorsque Henry, qui lui-même a dû faire face à un tel présage lors de la mort de son frère, initie la douce et tendre Anna à ce qu'il pose comme étant une vérité indiscutable, lorsque tous deux tombent fébrilement dans cette « autre réalité », où les esprits sont des présences vibrant au sein même de notre monde, lorsque leurs raisons n'est plus qu'un buvard seul capable d'absorber le mysticisme de ces croyances éteintes, lorsque ce feu se rallume et les embrase à l'ardeur d'une fièvre toujours croissante et jamais maîtrisée, alors, les apparitions entrent dans la danse, et se font fort de mener le bal, jusqu'à ce que soit tombée la dernière note de l'ultime pas fait par Anna et Henry, dans une scène d'amour et de mort qui serait digne de nos Roméo et Juliette shakespeariens.
Certes, ce livre est aussi le lieu d'un combat entre le réel et l'improbable, certes l'entourage des jeunes gens se bat pour que les deux jeunes amoureux puissent recouvrer leur « saine raison » ; malgré tout, c'est un combat perdu d'avance. Ni famille, ni amis, ni médecin attentionné et raisonneur ne peuvent enrayer cette force qui happe les fiancés et qui se nourrit d'eux tout autant qu'eux-mêmes se nourrissent d'elle. Henry et Anna étaient faits pour se rencontrer, car leurs âmes brûlent d'un même bois, sauf que ce bois-là ne saurait s'enraciner sur la terre.