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3,47

sur 528 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je viens de passer un jour et presque une nuit en compagnie de Russell Bank. Pas lui personnellement, non. Mais j'ai eu du mal à refermer son dernier roman, publié ce printemps chez Actes Sud, La réserve, dans une traduction élégante de Pierre Furlan - pour moi, une traduction réussie est tout simplement invisible. Un roman de la catégorie "coeur qui cogne", intense de la première à la dernière ligne.

L'action se déroule en juillet 1936 dans les Adirondacks, à la Tamarack Wilderness Reserve, seize mille hectares protégés où de riches notables new-yorkais viennent luxueusement renouer avec une nature riche de promesses viriles, sans renier les plaisirs mondains que permet l'entre-soi. Des personnages que la vie a gâtés et qui transforment en quelques jours leur vie en drame, en catastrophe avec décor idyllique en toile de fond. Tout se brise, le mensonge et la folie gagnent, et les dégâts sont irréparables.

Russell Banks a un talent tout particulier pour camper ses personnages, comme Vanessa, ensorceleuse troublante et habitée par des secrets confus : "C'était presque le silence, là, sur la rive : un vent léger traversait les pins, des vaguelettes venaient lécher les rochers aux pieds de Vanessa, et elle pouvait entendre ses pensées avec netteté, car elles étaient froides et lui parvenaient non pas sous forme de sentiments, mais sous forme de mots et de phrases, comme si elle récitait en silence une liste ou une recette qu'elle aurait apprise par coeur bien des années auparavant. Je ne suis pas heureuse, se disait-elle, pas du tout, et elle regrettait de ne pas être restée à Manhattan." (p. 16) Ou encore ici, où se mêlent un personnage et une époque : "Vanessa suivit le passage jusqu'à la porte sans fenêtre de l'atelier et s'arrêta. Une odeur de thym sauvage parfumait l'air. Derrière le bruit de la pluie qui tombait avec force, elle perçut de la musique : Ethel Waters, chanteuse noire sexy dont elle reconnut la voix plaintive pour l'avoir souvent écoutée dans des boîtes du nord de New York pendant la prohibition. Son ex-mari, le comte qu'elle aimait appeler conte Sans Compte, était un fan de musique nègre et de gin de contrebande ; comme l'était Vanessa à cette époque-là. Elle associait son divorce, trois ans auparavant, avec la fin de la prohibition et des nuits à Harlem, mais aussi avec le début de sa passion pour le swing et son goût naissant pour le champagne." (p. 91-92)

La complexité des personnages est parfois à la limite du burlesque : "Jordan entrait en compétition avec tous les hommes qu'il rencontrait, que ce soit pour un bras de fer, pour des questions d'art, de politique, d'argent, ou pour attirer l'attention des femmes, mais il ne semblait jaloux d'aucun d'entre eux. La jalousie n'était pas éloignée de l'envie, cependant, et Alicia savait que son mari enviait certains hommes. Mais en tant que types généraux plus qu'en tant qu'individus. C'est là que peut résider, se disait-elle, la différence entre les deux émotions : on se sens jaloux d'individus mais on envie certains types d'homme. Et elle savait, comme seule une épouse peut le savoir, que ce n'étaient pas les riches que son mari enviait secrètement, pas les hommes tels que John Dos Passos, mais les pauvres. Surtout les pauvres de la classe ouvrière, hommes ou femmes, qui vivaient dans son village. Son mari aurait souhaité pouvoir être le célèbre artiste Jordan Groves mais aussi l'un d'entre eux, l'un de ceux qu'il percevait comme les opprimés, les victimes que foulaient aux pieds les riches et les puissants. Et il ne s'agissait pas seulement des pauvres chômeurs blancs et américains de son village, mais aussi des Esquimaux chez lesquels il avait vécu au Groenland pendant des mois, des Inuits d'Alaska, des ouvriers agricoles noirs qu'il avait dessinés et peints en Louisiane, des coupeurs de canne cubains, des Indiens dans les mines d'argent des Andes, et tout récemment des paysans et des ouvriers qui se battaient en Espagne contre les fascistes. Il voulait être l'un d'entre eux. Il les enviait d'être sans pouvoir. Cette absence de pouvoir était pour lui le signe d'une innocence à laquelle il avait renoncé depuis longtemps, depuis le moment où, de retour de la guerre, il avait refusé de travailler aux côtés de son père charpentier, abandonné son épouse de guerre et s'en était allé vers l'est, à New York, pour devenir artiste." (p. 294-295)

Comme un plaisir de lecture en appelle d'autres, j'ai bien envie de le relire, en version originale cette fois-ci. Il me reste aussi d'autres Russell Banks à lire : L'ange sur le toit, Pourfendeur de nuages, Continents à la dérive et quelques autres, tous publiés chez Actes Sud.
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Un chouette roman, bien écrit (bien traduit) qui nous emmène dans les méandres des histoires familiales, inventées ou pas, de la folie dévastatrice, des histoires que l'on se raconte et qu'on finit par croire.
La fin laisse la porte ouverte à notre imagination.
C'est bien ficelé, les paysages splendides et romantiques à souhait, les caractères rugueux mais attachants.
Un beau moment passé avec cet auteur.
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Depuis le temps que je voulais lire Russell Banks, je suis très contente de cette lecture.
Avec "La réserve" l'écrivain américain montre qu'il est doué pour dépeindre le vaste paysage de la situation politique mondiale de la fin des années 30 en filigrane d'un thriller psycho-sociologique entre nature et mort.
L'histoire est celle d'une rencontre entre deux êtres très différents : Jordan Groves, un artiste peintre aviateur qui lit Steinbeck et Vanessa Cole, la fille excentrique et passablement déjantée d'un riche neurobiologiste.
Jordan vit avec sa famille proche de la nature dans les Adirondacks, cette région sauvage au nord-est des États-Unis à la frontière canadienne. Il pilote un hydravion avec lequel il se rend dans « la réserve », un espace naturel réservé à quelques milliardaires privilégiés, à l'invitation du Docteur Cole qui y possède un des plus ancien chalet. Mais une réserve c'est aussi un espace clos qui n'est pas accessible à tous et où des secrets de famille vont être révélés par Vanessa suite à la mort du docteur.
Dans ce livre les personnages secondaires sont tous aussi intéressants ainsi que les portraits des autochtones, survivants uniquement par le travail que leur fournis les nantis qui se sont appropriés les lieux.
Confrontation des classes sociales, des coeurs mais aussi témoignage de l'engagement de certains artistes américains durant la guerre d'Espagne en 1937 avec un beau clin d'oeil à John Dos Passos.



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L'histoire se déroule dans les années 30 dans La Réserve, territoire dans les Adirondacks surprotégé par quelques nantis qui y ont construit des "campagnes", luxueuses résidences secondaires. Elle raconte le drame inévitable que provoque la rencontre entre une jeune femme de cette haute société et un peintre renommé.
C'est mon premier Banks, je l'ai beaucoup apprécié, j'ai aimé le rythme lent mais inévitable du récit, l'emballement final, la personnalité des personnages, et bien sûr le décor, clé centrale de ce roman.
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A peine sorti du New York du XIXe, je retrouve cette classe aisée dans un roman qui se déroule en 1936. Ce n'est pas l'ambiance de Wharton, cette histoire est beaucoup plus âpre.

La famille Cole possède une résidence dans la Réserve, un domaine de pêche et chasse situé dans les Adirondacks où ils y retrouvent leurs amis de la bourgeoisie new yorkaise. Ils reçoivent la visite de Jordan Groves, peintre et graveur qui ne réside pas loin et vient en avion. Vanessa, la fille des Cole est attirée par Jordan qui a une réputation un peu sulfureuse de communiste et de bohème. Jordan se méfie de cette fille qu'il sent dangereuse ; son couple semble battre de l'aile, il a eu bien des aventures mais n'est jamais tombé amoureux d'autres femmes.

La mort de son père va déclencher une crise chez Vanessa qui a déjà été soignée pour humeur instable. Elle refuse que sa mère l'envoie se faire soigner en Europe et la séquestre dans leur chalet. Hubert, le garde forestier qui entretient la maison des Cole, et Jordan se trouvent pris au piège de la folie de Vanessa et vont devoir l'aider.

Les personnages de Banks sont tous bien campés et complexes. Leurs failles, leurs regrets, sont souvent un des moteurs de leur comportement, sans qu'une introspection trop poussée alourdisse le roman. L'histoire et la tension montent régulièrement en puissance. de courts chapitres s'intercalent dans le récit, les premiers semblent raconter une autre histoire mais on comprend assez vite qu'il s'agit du devenir des personnages presque un an plus tard, c'est une belle réussite stylistique.

J'avais lu de beaux lendemains de Banks, sans enthousiasme. Après avoir lu ce roman et American Darling, je comprends mieux pourquoi Russel Banks est célébré comme l'un des grands auteurs américains contemporains.
Lien : http://jimpee.free.fr/index...
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Encore un livre de Russel Banks, que j'ai adoré
Riches ou pauvres seuls ou en couple, les personnages sont toujours seuls et souffrent tous pour de bonnes ou mauvaises raisons.
La nature reste sublime, leS hommes et les femmes qui y vivent le sont beaucoup moins
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Je me rappelle avoir aimé ce livre qui se déroule dans les grands espaces. Beaucoup aimé même mais mes souvenirs sont lointains
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L'histoire se passe en 1936, dans une réserve du nord américain. Un peintre renommé, aviateur à ses heures, y vit avec sa famille et côtoie notamment le Dr Cole et sa fille.
La grande histoire (La révolution des républicains espagnols bât son plein) se mêle aux grands sentiments sublimés par une écriture à la fois distante et empathique, le tout dans une nature généreuse: c'est une symphonie qui vous englobe.
A lire sans hésiter!
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