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Pierre Furlan (Traducteur)
EAN : 9782330168025
336 pages
Actes Sud (07/09/2022)
3.3/5   206 notes
Résumé :
Au seuil de la mort, Leonard Fife, célèbre documentariste, accepte une interview filmée que veut réaliser l'un de ses disciples, Malcolm. Fife a exigé le noir complet sur le plateau ainsi que la présence constante de sa femme, Emma, pour écouter ce qu'il a à dire, loin des attentes de Malcolm. Après une vie de mensonges, Fife entend lever le voile sur ses secrets mais, sous l'effet de l'aggravation rapide de son état, sa confession ne ressemble pas à ce que lui-même... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (42) Voir plus Ajouter une critique
3,3

sur 206 notes
Leonard Fife est un cinéaste engagé, aujourd'hui à la retraite, qui a fui les États-Unis au moment de la guerre du Vietnam pour se réfugier au Canada, comme des milliers d'Américains d'alors qui bénéficieront du statut de réfugiés politiques.
Leonard Fife a soixante-dix-sept ans, il est en fin de vie, rattrapé par un cancer en phase terminale, il sait tout comme ses proches qu'il n'a plus que quelques jours à vivre. Ce qu'il a sur le coeur, ce qui est encore là à portée de sa mémoire, il doit se dépêcher de le confier, de le délivrer.
Hospitalisé chez lui, il accepte de recevoir Malcolm, un de ses anciens élèves et toute son équipe de tournage afin de réaliser un documentaire pour la télévision.
Leonard Fife que tout le monde appelle Leo bénéfice d'un prestige national, son engagement lui a permis de réaliser des investigations de fond sur des sujets brûlants qui se sont transformés en véritables scandales politiques.
C'est l'ultime occasion pour Malcolm d'interroger son vieux mentor, peut-être d'obtenir de lui d'autres révélations sensationnelles.
Le temps presse, les fonctions vitales de Leo lâchent les unes après les autres, qu'en sera-t-il de sa mémoire ? C'est un récit crépusculaire qui commence...
L'équipe s'installe dans le luxueux appartement du cinéaste à Montréal. Leo insiste pour que son épouse soit présente. Il veut être filmé quasiment dans le noir. Il a en effet des choses importantes à révéler mais contre toute attente, il balaie d'un revers de main les questions que Malcolm avait soigneusement préparées. Cela ne concerne pas la sphère géopolitique, mais sa propre histoire intime, son parcours, les véritables raisons qui l'ont amené à quitter les États-Unis, fuir au Canada...
Alors un autre récit, un discours édifiant pour ses proches, s'invite dans ce reportage, l'envers du décor, derrière l'histoire officielle d'un cinéaste engagé, il y a peut-être un autre homme, avec ses erreurs, ses errances, ses mensonges, ses petites lâchetés, ses arrangements avec son propre récit de vie...
Emma est présente à côté de son mari presque agonisant et se demande alors brusquement si elle connaît l'homme qui parle et qui va mourir, celui qui est son époux depuis quarante ans...
Dans cette interview qui se transforme peu à peu en confession intime voire impudique pour ses proches, la force du récit tisse un entrelacement de faits dans cette quête ultime de soi, jetant un trouble, un doute, est-ce la mémoire d'un imposteur qui vient remettre la vérité en place ou est-ce celle d'un malade en fin de vie qui mélange vérité et mensonges, ne se souvient peut-être plus, invente un parcours jalonné de ronces dans une mémoire trouée comme une passoire... ?
Doit-on respecter Leonard Fife parce qu'il ose se confesser, faire tomber les digues ? Doit-on lui en vouloir parce que cette confession est jalonnée de douleurs et de blessures ? Une lâcheté de plus, si facile, à quelques heures de mourir, une lâcheté pour soulager une conscience à géométrie variable ?
Russell Banks dresse avec intelligence et justesse un portrait sans concession d'un homme qui se retourne sur le parcours de son existence. La force de son écriture est de réussir à nous immerger dans la tête de Leonard Fife, ce qui n'est pas forcément un endroit très confortable, je vous l'assure.
C'est un voyage à la fois intérieur mais qui traverse un pan de l'Histoire des États-Unis. Nous sommes plusieurs ici à admirer la littérature américaine pour sa capacité à savoir poser des passerelles entre récit intime et dimension universelle... C'est un peu sa marque de fabrique, son ADN... Russell Banks le fait ici avec brio.
Confession ? Imagination ? Affabulation ? Est-ce que Leonard Fife nous mène en bateau ? Est-ce qu'il le sait lui-même ? Tout l'intérêt du récit est d'osciller avec subtilité dans cette ambiguïté...
Oh, Canada est un roman insolite, inclassable, exigeant aussi, que j'ai beaucoup aimé. Un récit tout en tension, tendu comme un arc jusqu'au dénouement final, un récit oppressant parfois, parmi cette pénombre dans laquelle nous plonge Russell Banks, mais un récit d'une écriture lumineuse, ciselée, démontrant à chaque page qu'il est un grand écrivain.
Et puis, et puis, j'allais oublier de parler d'elle puisqu'elle est présente dans le roman, celle qui a bousculé mon coeur de jeune homme lorsque je l'ai vue la première fois en concert à Brest seule sur scène avec sa guitare et une voix d'un timbre éblouissant, j'avais vingt-deux ans, Joan Baez, oui la grande Joan Baez...

♫ Well, I'll be damned
Here comes your ghost again ♬
♫ But that's not unusual
It's just that the moon is full
And you happened to call ♬
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Russell Banks nous propose un roman où, comme souvent dans les romans américains, la destinée personnelle du héros est intimement liée à l'histoire du pays.
Léonard Fife est un documentariste célèbre et engagé, il est en fin de vie, hospitalisé chez lui et dépendant d'aides pour toutes ses fonctions vitales.
Malcolm, un de ses élèves, vient l'interviewer et le filmer pour un bilan de sa vie et un ultime témoignage sur ses engagements et ses inspirations.
Pour Léo, cette interview se transforme en confession où il explore les moments de sa vie les plus intimes et les moins connues, une manière pour lui de se montrer à sa femme dans toute sa nudité (oui ça rappelle Rousseau dans "Les Confessions"...)
Ses choix artistiques et personnels n'ont pas toujours été glorieux et il a souvent fait preuve de lâcheté, sous couvert d'autres raisons...
Et sa notoriété due à son engagement pendant la guerre du Vietnam où il a déserté pour partir au Canada, et à son premier documentaire sur des activités cachées de l'armée, a été davantage le fruit du hasard qu'une conscience politique aigüe.

Russell Banks brosse un portrait fouillé, dense et intelligent d'un homme en fin de vie qui tente de faire un bilan sans concessions de cette existence.
Si la vérité semble travestie, c'est peut-être parce ses médicaments apportent un peu de confusion dans son esprit, c'est sans doute aussi parce que ce sont ses souvenirs à lui, et personne d'autre ne peut avoir cette vision de sa vie.
C'est un portrait sans compromis d'un homme et d'une époque, et aussi une plongée dans l'univers d'un créateur grâce à cet mise en abîme d'un documentariste interviewé et filmé par un autre documentariste.
Russel Banks fait ici un récit très fort, auquel j'ai quand même trouvé quelques longueurs, d'un homme au crépuscule de sa vie.

Merci à Babelio/Masse critique et à Actes sud.

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Un. Deux. Trois… J'ai compté, comme dans une fin de vie, d'ailleurs ma vie sent déjà la fin, un parfum de pisse et de mort qui colle à ma peau, le nombre de livres que j'ai lu de Russell Banks. Ce « Oh, Canada » fut donc mon dixième roman de cet auteur, à noter dans mon testament, au cas où, je les lègue à qui de droit ou à qui en veut, d'ailleurs j'ai déjà commencé le legs de certains d'entre eux. le testament de la rue Sherbrooke.

Il est encore beau, ce roman pas moi, d'une profonde tristesse, ce roman et moi, tout de même, mais c'est que je dois aimer profondément les romans tristes. Ils se conjuguent parfaitement avec mon regard, avec ma vie, avec mon verre vide. Fife, une perfusion dans le bras, est sur le point de passer l'arme à gauche. Grand documentariste au Canada, c'est dans son appartement de la rue Sherbrooke, avec un verre de rhum des Caraïbes et des pancakes au sirop d'érable, qu'il se confie à une équipe de tournage venu réalisé un documentaire sur sa vie. L'occasion de jouer cartes sur table avec sa femme ou avec Dieu. Les rideaux du salon sont tirés, Fife parle dans le noir, d'une voix tremblotante, même le liquide brun qui s'écoule de son verre tremble dangereusement au-dessus du canapé. Il s'est endormi ? Il est déjà mort ? Non, il respire, il fait une pause. Il souffle sa peine, son chagrin, ses remords. Dans cette pénombre, il se confie ouvertement à l'oeil de la caméra, à l'ouïe du magnétophone. Façon d'absoudre ses péchés. Ou de raconter à sa femme, son amour, le passé peu reluisant qui coule au fond de lui et l'a mordu tout au long de ces années. Un passé dont il ne peut être fier, un passé qu'il n'a jamais réussi à évoquer. Jusqu'à ce que cette caméra ne vienne le retrouver avant de s'éteindre et d'entendre du metteur en scène le fameux clap de fin.

On se regarde, tous. le caméraman, l'assistante, une jolie blonde au passage – d'ailleurs, si j'avais été plus jeune... -, sa femme. On se demande la part de vérité dans ce témoignage. La dose d'affabulations engendrées par la vieillesse, l'oubli ou la fatigue. Mais au final, peu importe, le documentaire sera monté, les gens découvriront peut-être une autre facette de Fife, de son parcours de Virginie jusqu'à la rue Sherbrooke, Montréal. Mais si on parle testament, on en induit souvent un bilan, bilan de carrière, bilan de vie, les mémoires d'un pauvre type ou d'un bison. Et ben, à toé j'vais te l'dire, ce « Oh, Canada », intègre les limites de mon top five de l'auteur et comme ce dernier fait partie de mes auteurs fétiches (encore heureusement avec 10 bouquins, je suis certes maso, mais pas au point de m'infliger à grande échelle des auteurs que je n'apprécie pas), j'en attends beaucoup de lui. Exigence élevée donc, exigence relevée pour ce « Oh, Canada ». Un grand bouquin.
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À la frontière de la vérité.

Fife se meurt. Célèbre cinéaste documentaire américain exilé au Canada depuis de nombreuses années, l'issue de sa maladie ne fait aucun doute. Dans son fauteuil et sa dépendance, il a conservé toute sa tête à défaut de son corps, tout son fichu caractère et toute sa mémoire.

« Son corps est un champ de bataille, comme si son foie était en guerre contre ses reins et que les deux étaient mortellement blessés. » Fife se meurt, alors Fife va se confier, une dernière fois, mais pas n'importe comment : devant une caméra et en présence de sa femme Emma, les deux seules présences qui lui importent car avec elles, on ne triche pas.

« Sans la caméra qui l'observe, sans le micro qui l'écoute, sans l'obscurité qui l'entoure, il mentirait à Emma, il mentirait à tout le monde. »

Mais là où l'équipe de tournage qu'il a jadis formé à ses techniques l'attend sur les détails croustillants ou énigmatiques de sa vie – sa découverte d'essais chimiques secrets de l'armée US au Canada ou les coulisses des concerts et de la vie de Joan Baez - Fife biaise, esquive et contourne l'obstacle.

Il va ainsi raconter son histoire, ces petits instants décisifs qui furent autant de tournants de sa vie d'avant, celle de sa jeunesse avec Amy, sa première femme et leur fille Heidi ; puis celle en Virginie avec sa femme Alicia et leur fils Cornel, et cet avenir qui lui était promis à la tête de l'empire de la belle-famille.

Pourtant, rien ne s'est passé comme cela et au printemps 1968, Fife a définitivement fui et passé la frontière, comme tous ces jeunes américains fuyant la conscription pour le Vietnam. Mais était-ce pour les mêmes raisons ? Pourquoi un tel abandon et renoncement ? Et les choses se sont-elles réellement passées ainsi ?

Dans Oh Canada, Russell Banks - traduit par Pierre Furlan - raconte une vie, c'est-à-dire ce qu'il en reste quand elle touche à sa fin : pas de chronologie, pas de temps forts, pas de révélations. Juste des fulgurances, des points de bascule, des moments de repentirs trop lourds pour être emportés de l'autre côté de l'ultime frontière. En espérant être compris, à défaut d'être pardonné.

« Les hommes ont tellement plus de pouvoir dans le monde qu'on se dit qu'ils pourraient au moins essayer d'être honnêtes (…) La douleur et ses souvenirs (…) sont les seuls éléments qui lui restent pour prouver qu'il n'est pas mort (…) Mais ses souvenirs ne peuvent pas exister s'ils ne sont pas entendus. »

Pour une première lecture de Banks, j'ai été totalement séduit par le style, puissant, sec et souvent porté par la colère qui exulte de Fife. Il me faut avouer que mon esprit cartésien a souvent eu du mal avec une histoire qui flirte sans cesse avec la réalité, le vrai et le faux, la défaillance des souvenirs, les arrangements avec la mémoire… Avant d'intégrer, après ma lecture et mes échanges avec @moonpalaace – avec qui je faisais lecture commune - que c'était évidemment toute la force du livre, à qui on pardonne aussi quelques répétitions.

En nous plongeant dans le clair-obscur de la vérité, Banks raconte les travers d'une vie, les faiblesses de l'homme et la force de l'amour. Et c'est beau…

« Malgré un passé où il a refusé d'aimer et où il n'était pas digne d'être aimé, il a l'intention de partir en étant celui qui aime et qu'on aime. Sans secrets. Sans mensonges. Ce n'est pas de l'héroïsme. C'est simplement la fin d'une vie sans lâcheté. »
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Voilà un curieux roman d'un grand nom de la littérature américaine.

Plantons le décor.
Léonard Fife, 77 ans, a été un grand documentariste de son temps. Il a fui en son temps la circonscription au moment de la guerre du Vietnam, en passant la frontière canadienne.
Aujourd'hui il est malade, très malade. Son nom est régulièrement cité pendant les festivals de films, il a de nombreux admirateurs dans la profession, ne serait-ce qu'avec son épouse, mais aussi avec un certain Malcolm, devenu son disciple.
Ce dernier a un projet fou : filmer son mentor à l'occasion d'une longue interview chez lui. Leonard a accepté – un dernier geste cinématographique avant de disparaître. Mais pour les raisons qu'imagine Malcom et son équipe : Léonard veut faire de ce dernier tournage le lieu d'une ultime confession.

Car il a quelque chose à confesser. Un secret tu jusqu'ici, y compris à sa propre épouse Emma, avec qui il a partagé 40 ans de vie professionnelle et conjugale. Et pourtant rien ne va se dérouler comme prévu …

Nous sommes dans la tête de Léonard Fife et c'est tout l'exploit de la plume de Russel Banks que de nous faire vivre dans l'esprit de cet homme qui est bien malade. Assisté d'une infirmière à domicile, il est sous perfusion. Pour ne pas montrer sa déchéance il a imposé le noir complet dans l'appartement pour la prise de vue. Et il tient absolument à la présence d'Emma, parce qu'elle est l'ultime destinataire de ce secret que Léo veut révéler. Mais le noir n'est pas que dans la pièce, il gagne peu à peu le cerveau de Léonard …

Qu'est-ce que la vérité ? L'imagination ? L'affabulation ? Comment démêler le vrai du faux ?
Qu'est-ce que la mémoire ? Et qu'est-ce qu'une mémoire altérée par la maladie et les médicaments ?

Le lecteur assiste, tel un spectateur, à la dérive de l'esprit de Léonard. Ses récits qui puisent dans son enfance, puis dans son adolescence avec son meilleur ami, puis avec sa première épouse abandonnée alors qu'ils avaient ensemble une fille de un an à peine, et puis l'aventure avec sa seconde épouse (une riche héritière d'un empire industriel du Sud des Etats-Unis) que Léonard laisse chez elle avec leur premier enfant et enceinte d'un second, pour quelques journées sur la Côte Est où il doit acheter leur future maison, mais où les évènements se succèdent sans que l'acteur principal ne réussisse à en conserver le contrôle, tous ces récits semblent de plus en plus douteux aux lecteurs que nous sommes.

Cette histoire de dérive dans une Amérique post guerre au Vietnam m'a fait penser à La vie très privée de Mr Sim de Jonathan COE : même sentiment d'absence totale de contrôle du destin, comme une sensation de flottement d'un personnage principal qui s'enfonçait dans la neige de l'Ecosse chez Jonathan Coe, et dans la neige de la Côte Est pour Russel Banks.

Mais le plus prodigieux dans l'écriture de Russel Banks est sa capacité à décrire une mémoire qui prend l'eau, un esprit qui bat la campagne, et dont l'épilogue ne pourra être que fatal.

On pense encore à l'excellente pièce de Florian Zeller, « le père – la mère – le fils », que j'avais chroniqué en son temps, doublé d'une excellente adaptation cinématographique, « The Father » avec Anthony Hopkins et Olivia Colman, où nous vivons également, en tant que spectateurs, dans la tête d'Anthony Hopkins, un homme atteint d'une perte de mémoire (Alzheimer sans doute) progressive.


Mes amis Babeliotes (Cathe, Merik, le_Bison) en ont déjà parlé très bien et je leur avais promis de revenir vers eux dès que je l'aurais lu moi aussi. Il y a quelque chose d'obscène dans l'obstination que met Malcom et son équipe à filmer jusqu'au bout la déchéance du grand documentariste. Mal à l'aise, le lecteur spectateur assiste impuissant au naufrage de cette interview dont on se demande si elle sera un jour montée. Faut-il filmer jusqu'au bout ? L'art prime-t-il devant la compassion qu'on devrait accorder à cet homme en bout de course ? Les questions restent ouvertes.

Je salue donc la prouesse chez le grand auteur américain Russel Banks, qui nous laisse stupéfaits devant cette captation cinématographique en direct jusqu'à la chute finale : un Russel Banks magistral.
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critiques presse (9)
Culturebox
10 janvier 2023
Moins social, plus intimiste, ce dernier roman testamentaire interroge sur la question de la mémoire et de "ce qui reste -de soi, des autres- lorsqu'on a passé sa vie à se dérober".
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
10 janvier 2023
Oh, Canada, qu'on peut lire comme son chant du cygne, nourri de souvenirs personnels, nous montre un Russell Banks au sommet de son art: subtil, direct, surprenant, toujours sur le fil du rasoir
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeSoir
22 décembre 2022
Russell Banks signe un roman testamentaire dans lequel un cinéaste à l?agonie exhume des éléments de sa mémoire, entre réalité et pure invention.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeMonde
26 septembre 2022
Aussi brillante que bouleversante, cette ultime quête de soi mêle l’émerveillement à la lucidité, l’incrédulité à l’authenticité.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeJournaldeQuebec
26 septembre 2022
Certes, ce n’est donc pas le roman le plus joyeux de Russell Banks. Mais souvent déroutantes, les confessions de Leonard Fife valent le détour.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaCroix
13 septembre 2022
Au terme de sa vie, un documentariste américain célèbre, réfugié au Canada dans sa jeunesse pour échapper à la guerre du Vietnam, décide de dévoiler la vérité sur ses engagements. Dans le noir, face caméra.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LesInrocks
08 septembre 2022
À 82 ans, Russell Banks signe un beau roman testamentaire sur les affres de la mémoire, et la vérité d’une vie au-delà du bien et du mal.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Marianne_
05 septembre 2022
Le romancier américain Russell Banks revient avec « Oh, Canada » (Éditions Actes Sud), roman en forme de dernier souffle, ultime plongée d’un homme dans sa mémoire défaillante. Une démonstration supplémentaire des pouvoirs de la fiction, et brillante leçon métaphysique.
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeFigaro
01 septembre 2022
À plus de 80 ans, l’auteur américain met en scène les repentirs d’un cinéaste au soir de sa vie. Époustouflant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (32) Voir plus Ajouter une citation
Fife prend la bouteille et remplit les verres à moitié. Il se rappelle avoir vu Alan Ladd verser de cette manière du whisky dans deux verres. Il n'arrive pas à se souvenir du titre du film, mais Alan Ladd portait un smoking, il avait le visage envahi de peur et d'inquiétude, et l'un des verres était pour une superbe femme dont les longs cheveux noirs couvraient un côté du visage. Veronica Lake ? Non, ce n'est pas ça, c'était Rock Hudson dans Géant quand il verse des doses "taille Texas" pour Elizabeth Taylor et pour lui-même et qu'il est furieux parce qu'il vient de perdre tout son argent, raflé par James Dean qui, en plus, va remuer le couteau dans la plaie. Fife a vu le film au cinéma drive-in de Revere avec Evelyn Rose par une soirée si froide qu'il a dû laisser tourner le moteur et le chauffage presque du début à la fin, et le film était vraiment long. Il se souvient qu'il n'a pas dû lutter beaucoup pour glisser ses deux mains sous le manteau d'Evelyn, le long du pull rose soyeux et de la jupe en laine plus bas. Ne rencontrant qu'une résistance épisodique, il passe une main sous le pull, l'autre sous la jupe, puis le long de l'intérieur de la cuisse d'Evelyn. Ensuite trois doigts sous sa culotte en nylon lisse. II progresse lentement dans les boucles de sa toison pubienne, et, à son grand étonnement, elle écarte les jambes et l'invite pratiquement à la pénétrer. Ce qu'il fait. Elle gémit, et, avant qu'il ait pu comprendre ce qu'il se passe elle lui ouvre la braguette, prend sa bite dressée dans une main et, en moins de dix secondes, le fait jouir et décharger sur tout le devant de son pantalon de velours.
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Il ne reste plus rien de sa vie, désormais, hormis ce qui se trouve dans son cerveau, les fluides qui passent dans ses intestins et sa vessie, et les cellules cancéreuses qui dévorent ses os et sa chair, se gavent de ses organes et les condamnent un par un. Cela fait des semaines qu’il ne peut plus digérer quoi que soit de solide. Il n’a pas eu de rapport sexuel avec Emma ou une autre personne depuis trois ans, et il n’a pas non plus réussi à éjaculer depuis presque un an. Personne ne veut toucher son corps s’il n’est pas payé pour le faire. Pas même Emma. Pas même lui. Ce qui reste de sa vie à présent, qui il est, n’est rien d’autre que ce qui se trouve sans son cerveau. Et cela n’est que celui qu’il était, rien de plus. L’avenir n’existe plus, et le présent n’a jamais existé. Et personne ne sait qui il était. Personne ne peut le savoir, à moins qu’il le lui dise à elle : Emma.
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La décision prise par Fife et Nick de partir vers de nouveaux territoires, la tête bien haute et la queue aussi, a signé la fin de leur innocence, explique Fife. Chaque décision qui a suivi a été prise sous un nuage de culpabilité, la tête basse et la queue aussi. Depuis lors, chaque fois que Fife seul, ou Nick seul, a décidé de modifier de manière significative la nature de sa propre vie, la même chose s'est produite. Abandonner ses études, se marier, se démarier, partir loin, revenir. Se marier une deuxième fois dans le cas de Fife. Reprendre des études dans le cas des deux. Puis des études de troisième cycle. Même avoir des enfants. Et abandonner ses enfants. Déménager dans le Vermont. Même chose.
Peut-être avons-nous été comme Huckleberry Finn, suggère Nick. C est pas si mal.
Ouais. Ou Jack Kerouac. Mais il est arrivé plus tard. En tout cas, explique Fife, mettre les voiles dans l'Oldsmobile du père de Nick a été pour tous les deux un événement absolument unique. Une véritable initiation. La fin de l'innocence et le début de l'expérience. Un événement qui commençait une chose sans pour autant en terminer une autre qu'ils auraient choisie plus tôt au cours de leur vie.
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Plus tôt, une heure avant d'aller diner, Fife et son beau-père s'étaient installés dans des fauteuils en rotin, dans la véranda protégée par un grillage écran, sous des ventilateurs qui tournaient lentement au plafond, et ils avaient fumé et bu du bourbon avec de l'eau et des glaçons dans de grands et lourds verres en cristal. Loin des dames, comme aime à dire Benjamin. C'est une coutume qu'on honore chaque fois que Fife et Alicia viennent à Richmond, surtout récemment, du fait qu'Alicia enceinte évite l'alcool et le tabac et que Jessie consacre l'heure du cocktail à superviser le dîner de Cornel, puis son bain et les préparatifs de son coucher. Fife fume sa pipe et Benjamin un cigare. Fife trouve agréable l'odeur du tabac qui brûle, mêlée aux arômes qui flottent à travers les parois grillagées de la véranda et viennent des buissons de myrique, de viorne et d'itéa de Virginie disposés en rangs et massifs soigneusement entretenus près de la maison et plus loin, au bord de la large pelouse vert menthe. Il aime le son des glaçons qui tintent contre le cristal, le poids disproportionné du verre frais dans sa main, l'odeur de sucre brûlé du bourbon quand il le porte à ses lèvres. Il aime regarder le soleil tomber lentement vers les chênes verts de l'autre côté de la James River et voir l'eau passer au noir satiné quand le soleil disparaît derrière la silhouette des arbres.
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Il dit : Ca vous paraîtra de la fiction, comme si j’inventais presque tout, mais ça ne me dérange pas. Je me fous de ce que vous ferez avec mon histoire une fois que j’aurai fini de la raconter. Je serai mort. Vous pouvez la couper et la raccorder comme ça vous chante, lui donner la forme qui vous plaira et plaira à ceux qui vous payent pour faire ce film. Mais quoi que vous fassiez de mon histoire une fois que je l’aurai racontée, vous m’aurez vu et entendu dire à ma femme avec quel genre d’homme elle s’est mariée, avec qui elle a vécu et travaillé toutes ces années. Vous aurez été les témoins dont la présence, la caméra et le micro seront garants que cette intimité entre un homme qui se trouve être moi, Léonard Fife, et son épouse, une femme qui se trouve être Emma Flynn, a bien eu lieu.
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Videos de Russell Banks (43) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Russell Banks
Russel Banks est mort le 8 janvier 2023. Cet écrivain, très apprécié en France, était un ardent critique des dérives de l'Amérique contemporaine. "Le Royaume enchanté", son dernier roman vient de paraître aux éditions Actes Sud dans une traduction de Pierre Furlan.
Nos deux critiques littéraires l'ont lu et vous en parle.
#critique #litterature #russellbanks
__________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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